L’article 33 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, relatif au travail des détenus dans les établissements pénitentiaires(1), est conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution. C’est ce qu’a décidé le Conseil constitutionnel, le 25 septembre, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par un détenu. Une décision dont a pris acte la garde des Sceaux dans un communiqué du même jour.
Pour mémoire, l’article 33 de la loi pénitentiaire prévoit que la participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l’établissement d’un acte d’engagement par l’administration pénitentiaire et que cet acte, signé par le chef d’établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération. Or le requérant soutenait que, « en n’organisant pas le cadre légal du travail des personnes incarcérées », ces dispositions les privent « de l’ensemble des garanties légales d’exercice des droits et libertés reconnus par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 »(2). Il estimait aussi que,« en subordonnant la participation des personnes détenues à des activités professionnelles dans les établissements pénitentiaires à un acte d’engagement établi unilatéralement par l’administration pénitentiaire, ces dispositions [méconnaissaient] la liberté contractuelle » et portaient « atteinte au respect dû à la dignité des personnes ».
Autant de griefs écartés par le Conseil constitutionnel. Les sages énoncent tout d’abord « qu’il appartient en effet au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux personnes détenues [et] que celles-ci bénéficient des droits et libertés constitutionnellement garantis dans les limites inhérentes à leur détention ». Le législateur doit donc « assurer la conciliation entre, d’une part, l’exercice de ces droits et libertés […] et, d’autre part, [la] sauvegarde de l’ordre public ainsi que les finalités qui sont assignées à l’exécution des peines privatives de liberté ». Ce qu’il a fait, selon lui, au travers de l’article 22 de loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 – qui dispose entre autres que l’exercice des droits d’une personne détenue ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui résultent des contraintes inhérentes à la détention – et de l’article 717-3 du code de procédure pénale, selon lequel notamment toutes dispositions doivent être prises au sein des établissements pénitentiaires pour assurer une activité professionnelle aux personnes incarcérées.
Le Conseil constitutionnel estime encore qu’il « est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits ». Ajoutant que, « en subordonnant à un acte d’engagement signé par le chef d’établissement et la personne détenue la participation de cette dernière aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires et en renvoyant à cet acte d’engagement le soin d’énoncer les droits et obligations professionnels du détenu, dans des conditions qui respectent les dispositions de l’article 22 de la loi du 24 novembre 2009 et sous le contrôle du juge administratif », l’article 33 de cette même loi ne prive pas « de garanties légales les droits et libertés énoncés par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 dont sont susceptibles de bénéficier les détenus dans les limites inhérentes à la détention ». Par conséquent, selon les sages, « le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant par elles-mêmes les droits et libertés qui découlent des cinquième à huitième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 doit être écarté ».
En outre, le conseil considère « que les personnes détenues ne sont pas placées dans une relation contractuelle avec l’administration pénitentiaire » et donc que « le grief tiré de la méconnaissance de la liberté contractuelle est inopérant ».
Conclusion : l’article 33 de la loi du 24 novembre 2009 ne méconnaît ni le droit au respect de la personne ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, et est donc conforme à la Constitution.
Pour la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, cette décision constitue évidemment une déception, à l’instar du précédent de 2013(3), « en ce qu’elle conforte la situation actuelle du travail en prison, pourtant grandement insatisfaisante ». Certes, « les spécificités de l’incarcération imposent que des aménagements soient apportés à l’application du droit commun », mais, « dans les visites qu’il réalise, dans les saisines qu’il reçoit, le contrôle général relève des atteintes récurrentes aux droits des travailleurs détenus, aucunement justifiées par des impératifs de sécurité ou de bon ordre des établissements ». Pour Adeline Hazan, « sans méconnaître les nécessaires contraintes liées à l’incarcération, il est anormal que dans un état de droit les personnes détenues ne bénéficient, lorsqu’elles travaillent, d’aucune garantie au regard notamment de la durée du travail, de la sécurité au travail, de la protection sociale. A ce titre, l’activité professionnelle doit être mieux encadrée par la loi et le seul fait qu’elle se déroule en milieu carcéral ne peut à lui seul conduire à une négation de droits fondamentaux. »
De son côté, la ministre de la Justice a pris notamment acte du fait « qu’il est loisible au législateur », selon l’expression du Conseil constitutionnel, « de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits ». Et assure s’y être « employée depuis son arrivée avec, par exemple, la publication du décret du 24 avril 2014 sur la consultation des personnes détenues sur les activités en détention, notamment professionnelles » (4). Christiane Taubira évoque également le dispositif d’insertion par l’activité économique qui fait actuellement « l’objet d’une expérimentation dans sept établissements où les personnes détenues volontaires bénéficient d’une formation de qualité encadrée et rémunérée » (5).
[Décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015, J.O. du 27-09-15]
(2) Ces alinéas sont relatifs au droit qu’a chacun de travailler.