Forcément, les dossiers portés jusqu’ici par l’Assemblée des départements de France (ADF) – en premier lieu le financement des allocations individuelles de solidarité et la défense des compétences de l’échelon départemental – prennent une tournure nettement plus politique depuis le renouvellement des instances de l’association d’élus. Et c’est sur le ton assumé de l’offensive que son président depuis mai dernier, Dominique Bussereau (Charente-Maritime, Les Républicains), présente les enjeux du prochain congrès de l’ADF, du 14 au 16 octobre à Troyes. Car malgré l’accord trouvé avec l’Etat en 2013 pour permettre aux départements de dégager de nouvelles sources de financement, notamment par le relèvement du plafond de perception des droits de mutation à titre onéreux (DTMO), leur asphyxie financière s’aggrave, sous l’« effet ciseaux » de la hausse des dépenses sociales obligatoires et de la baisse des dotations de l’Etat. Selon l’ADF, le reste à charge des départements pour les trois allocations individuelles de solidarité – le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH) – devrait atteindre 8,1 milliards d’euros en 2015, pour une dépense totale de 17,7 milliards d’euros. Le budget alloué au RSA augmente en moyenne de 9 % par rapport à 2012 et représente plus de la moitié des dépenses d’allocations de solidarité. Pour cette seule prestation, relève l’organisation, le reste à charge devrait être de 4 milliards d’euros en 2015. « Une dizaine de départements se trouvent en difficulté pour payer le RSA cette année, ils seront entre 20 et 40 l’année prochaine si rien n’est fait », alerte Dominique Bussereau.
Que va-t-il sortir du groupe de travail entre l’Etat et les départements sur le financement des allocations individuelles de solidarité, annoncé il y a un an et mis en place à la fin du mois de juillet dernier ? Une nouvelle rencontre entre l’ADF et le Premier ministre est prévue avant le congrès de Troyes, et l’organisation espère des annonces d’ici là, voire à l’occasion de l’événement. « C’est à l’Etat de prendre ses responsabilités, c’est à celui qui ne tient pas les engagements d’un contrat de trouver des solutions », martèle Dominique Bussereau, précisant que les besoins des départements à court terme sont estimés à 700 millions d’euros, ce qui correspond à l’évolution de la non-compensation des dépenses en un an. Quant à la réforme du financement du RSA, la piste de la « renationalisation » semble toujours sur la table, après avoir déjà été évoquée en 2014 par l’ADF alors présidée par le socialiste Claudy Lebreton, parmi les solutions pouvant permettre de financer l’allocation par la solidarité nationale. Dans cette hypothèse soutenue par les élus de droite comme de gauche, les départements garderaient la main sur les actions d’insertion qui, souligne Dominique Bussereau, doivent être menées « au plus près du terrain ».
En attendant, l’heure est à la recherche d’économies dans les conseils départementaux – par des gains de productivité ou la mutualisation de fonctions support. Les contraintes budgétaires pourraient se traduire par la chute des investissements, mais aussi par « l’abandon de politiques volontaristes dans le domaine du social », prévient Philippe Adnot, président du conseil départemental de l’Aube, sénateur (non inscrit) qui accueille le prochain congrès de l’ADF. Et même si le président de l’organisation tient à rappeler la parole pluraliste de l’organisation, des notes discordantes se font entendre sur les voies à suivre. Le 29 septembre, le groupe de gauche de l’ADF a réagi aux propos tenus sur France Inter par le président du conseil départemental du Nord et président de la commission des finances locales de l’ADF, Jean-René Lecerf (Les Républicains), évoquant la possibilité, faute d’une « renationalisation », de « départementaliser » le RSA, c’est-à-dire de laisser aux exécutifs départementaux le choix des critères d’attribution de la prestation. Les difficultés rencontrées par les départements ne doivent pas les conduire « à jouer les apprentis sorciers concernant l’attribution et le financement » du RSA, défendent les 33 présidents de départements de gauche. Autant de débats qui contribuent à mettre la pression sur Matignon.