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Politique du handicap : le CNCPH juge sévèrement le bilan du gouvernement

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Malgré des évolutions positives, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes, estime le Conseil national consultatif des personnes handicapées dans un avis relatif au rapport du gouvernement sur la politique en faveur des personnes handicapées.

Dix ans après la loi « handicap » du 11 février 2005, « les évolutions positives constatées restent encore trop limitées au regard des difficultés que rencontrent dans leur vie quotidienne les personnes en situation de handicap », déplore le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) dans un avis relatif au rapport du gouvernement au Parlement sur la mise en œuvre de la politique nationale en faveur des personnes handicapées(1), qu’il a adopté le 29 septembre. Très critique vis-à-vis du bilan dressé par les pouvoirs publics, le conseil pointe de façon globale « un manque de réponses aux besoins » et émet des doutes sur l’efficacité de certaines mesures annoncées lors de la dernière conférence nationale du handicap (CNH) du 11 décembre 2014(2).

Les ressources négligées

« Une fois de plus », le CNCPH déplore que ses préconisations « répétées », en matière de compensation et de ressources « soient laissées sans suite ». Dans le domaine de la compensation, il juge, par exemple, « regrettable » que le rapport du gouvernement continue de se référer à la mutualisation de la prestation de compensation du handicap – annoncée lors de la CNH – qui, selon lui, ne constitue pas une réponse à l’enjeu de financement de nouvelles formes innovantes d’habitat pour les personnes handicapées. Du côté des ressources, les perspectives d’évolution se cantonnent à trois mesures, reproche-t-il. L’une – déjà réalisée – a rallongé la durée d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés (AAH)(3). Deux autres mesures « facilitatrices » visent, quant à elles, à limiter l’avance de frais via des contrats de complémentaire santé prévoyant des remboursements minimaux et la mise en place « prochaine » d’un dispositif de tiers payant pour l’acquisition des aides et des équipements techniques. Egalement annoncée lors de la CNH, cette dernière mesure – d’une portée « très limitée » selon le conseil – risque en outre de restreindre « très fortement » le libre choix de la personne handicapée.

Las, le Conseil national consultatif des personnes handicapées constate qu’«  aucune réforme n’est donc envisagée s’agissant de l’amélioration du niveau de vie des personnes handicapées, de l’AAH et de ses compléments, de la suppression de la barrière d’âge pour l’attribution de celle-ci […] ». Pour lui, cette « carence » des pouvoirs publics est « d’autant plus criante » que le rapport du gouvernement s’attache à pointer la hausse des dépenses d’AAH depuis 2007 en « oubliant au passage que ces personnes sont trois fois plus pauvres en conditions de vie que la population générale ». Et d’affirmer que « le gouvernement n’apporte aucune réponse constructive pour l’avenir ».

Des chantiers insuffisamment engagés dans le secteur médico-social

Saluant la « dynamique » proposée par le rapport « zéro sans solution » – élaboré par Denis Piveteau à la suite de l’affaire « Amélie Loquet »(4) –, le CNCPH rappelle que «  les solutions proposées nécessiteront des réformes importantes non seulement de fonctionnement des MDPH [maisons départementales des personnes handicapées] mais aussi une évolution soutenue des modes de tarification, des procédures d’appels à projets simplifiées, la révision du régime des autorisations, une souplesse des agréments ». « Autant de chantiers qui ne sont pas, ou pas suffisamment engagés avec la mise en œuvre de ce rapport », souligne le conseil en dénonçant le « détricotage » de la procédure d’appel à projet dans le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, en cours d’examen au Parlement(5).

Des progrès à poursuivre en matière de scolarisation

Plus amène vis-à-vis des actions du gouvernement dans le domaine de la scolarisation, le Conseil national consultatif des personnes handicapées se réjouit en particulier des progrès réalisés en matière d’évaluation des besoins des élèves handicapés grâce à l’élaboration et à la diffusion de nouveaux outils, à savoir le GEVA-sco et le projet personnalisé de scolarisation(6). La « cédéisation » des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) compte aussi parmi les réussites du gouvernement(7). Et « la volonté de localiser les unités d’enseignement en milieu scolaire est un point apprécié », relève encore le CNCPH. Néanmoins, nuance-t-il, les AESH représentent moins de la moitié des personnels d’accompagnement des élèves handicapés et le recours « quasi-systématique » au temps partiel imposé ne permet pas de sortir de la précarité salariale. En outre, désapprouve le conseil, la présence d’un auxiliaire de vie scolaire collectif dans les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) est laissée à l’appréciation de l’inspecteur d’académie, ce qui est source de grandes disparités(8).

Pas de propositions innovantes en faveur de l’emploi

Le constat du gouvernement en matière d’emploi des personnes handicapées est « lucide », reconnaît le conseil en rappelant que ces dernières subissent en effet un chômage deux fois plus élevé que la population générale. Toutefois, il considère que les pouvoirs publics ne portent « pas de propositions innovantes et solides » pour lutter efficacement contre le chômage des personnes handicapées. Jusqu’à présent, juge-t-il, les mesures prises dans ce domaine ne donnent que des « résultats limités » et celles envisagées – « certes pertinentes » – restent toutefois « marginales et de portée limitée au regard des besoins à couvrir ».

En particulier, souligne le Conseil national consultatif des personnes handicapées, la mise en œuvre de l’obligation d’emploi des personnes handicapées rencontre toujours des freins « persistants ». Des freins qui, selon lui, sont plus liés aux pratiques de gestion des ressources humaines des entreprises qu’à un besoin de diversification de l’obligation d’emploi. A ce titre, il rappelle son opposition aux nouvelles modalités d’acquittement de l’obligation d’emploi prévues par la loi « Macron »(9), qui contribuent à « détricoter » l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés « au regard de l’emploi direct, qui doit rester la priorité ». Il plaide donc en faveur d’un «  véritable débat  » sur l’obligation d’emploi et recommande d’abandonner la « multiplication de “mesurettes” qui complexifient l’approche du sujet et détournent son sens ».

Autre reproche : les effets de la convention nationale multipartite pour l’emploi des personnes handicapées, signée en 2013 par l’ensemble des partenaires (Etat, Pôle emploi, Agefiph…)(10), « tardent à se concrétiser ». Le CNCPH remet également en cause l’objectif de triplement du nombre d’accord d’entreprise sur l’insertion professionnelle des travailleurs handicapées, craignant qu’il ne cache une « réduction significative » des efforts accomplis par les employeurs. Il en appelle enfin à des mesures « effectives » pour mettre en œuvre un « dispositif d’accompagnement pérenne vers et dans l’emploi » à la suite du rapport « Le Houérou »(11).

Des « erreurs » sur l’accessibilité

Dans son rapport, le gouvernement fait une présentation « très positive » des agendas d’accessibilité programmés (Ad’Ap) en « faisant l’impasse sur sa contestation », s’indigne le CNCPH. Pour mémoire, ces agendas, prévus par une ordonnance du 26 septembre 2014, visent à remédier à l’impossibilité de respecter l’échéance du 1er janvier 2015 – fixée par la loi « handicap » – pour la mise en accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées(12). Pour le conseil, il s’agit d’un « auto-satisfecit qui confine à l’outrance » au regard du silence du rapport sur son avis défavorable à l’ordonnance, sur les avis négatifs du défenseur des droits ou encore sur le recours déposé devant le Conseil d’Etat par plusieurs associations de personnes handicapées.

Le rapport comporte en outre plusieurs « insuffisances graves » voire des « erreurs », dont le CNCPH donne « quelques exemples ». Ainsi, tandis que le gouvernement indique que 255000 établissements recevant du public (ERP) ont fait l’objet de travaux, « ce qui sous-entend qu’ils doivent être considérés comme accessibles », « c’est oublier qu’il n’existe pas de contrôle de ces travaux si bien que les gestionnaires d’ERP ne respectent pas, en grande majorité, les règles en matière d’accessibilité », assure le conseil. Pour lui, une autre affirmation du rapport, selon laquelle toutes les lignes de transport créées depuis 2005 sont accessibles, est « fausse » tandis que la phrase « seule la validation par l’Etat permettra de dépasser la date du 1er janvier 2015 » s’avère « mensongère ».

Au-delà des Ad’Ap, le CNCPH salue une vision élargie de l’accessibilité et identifie plusieurs points positifs tels que la création du Centre national relais des appels d’urgence pour les personnes sourdes, la progression de l’audio-description ou encore l’élargissement du service civique aux jeunes en situation de handicap jusqu’à 30 ans.

Notes

(1) Pour mémoire, la loi du 11 février 2005 prévoit que, à l’issue de la conférence nationale du handicap, le gouvernement doit déposer au Parlement, après avoir recueilli l’avis du CNCPH, un rapport sur la mise en œuvre de la politique nationale en faveur des personnes handicapées. La date de diffusion de ce rapport, qui a été présenté par la secrétaire d’Etat chargée du handicap aux membres du conseil en juin dernier, n’est pas encore connue.

(2) Voir ASH n° 2888 du 19-12-14, p. 7.

(3) Un récent décret a en effet porté de deux à cinq ans la durée maximale d’attribution de l’AAH pour les personnes dont le taux d’incapacité permanente est compris entre 50 % et 80 %, revenant sur une mesure mise en place en 2011 qui avait été vivement critiquée par le CNCPH – Voir ASH n° 2905 du 10-04-15, p. 35.

(4) Voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 11.

(5) Voir en dernier lieu ASH n° 2926 du 25-09-15, p. 16.

(6) Voir ASH n° 2897 du 13-02-15, p. 42.

(7) Rappelons que, depuis septembre 2014, les auxiliaires de vie scolaire recrutés sous contrat d’assistant d’éducation laissent la place progressivement aux AESH – Voir ASH n° 2882 du 7-11-14, p. 43.

(8) Sur la rénovation des ULIS, voir ASH n° 2926 du 25-09-15, p. 49.

(9) Par exemple, l’intégration de contrats de sous-traitance passés avec des travailleurs handicapés indépendants – Voir ASH n° 2925 du 18-09-15, p. 46.

(10) Voir ASH n° 2836 du 6-12-13, p. 7.

(11) Voir ASH n° 2882 du 7-11-14, p. 5.

(12) Voir en dernier lieu ASH n° 2921 du 21-08-15, p. 41.

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