Voilà une lecture utile et passionnante, à quelques jours du deuxième examen de la proposition de loi sur la fin de vie par l’Assemblée nationale. Sur le délicat sujet de l’aide à mourir, le Dr Véronique Fournier réussit en effet un double pari : rendre accessibles des questions éthiques et juridiques complexes, mais également dépassionner un débat qui divise, sans le réduire à une discussion de techniciens. De fait, l’essai qu’elle vient de publier, Puisqu’il faut bien mourir, s’appuie sur « la réalité de la vie telle qu’elle est, et non telle qu’elle est manipulée dans les débats d’idées ». Depuis plus de dix ans, cette cardiologue dirige le centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin, un groupe de travail collégial, multidisciplinaire, ouvert à la société civile et aux représentants des patients, régulièrement saisi de demandes d’aide à mourir. Carl, 2 ans et demi, en état végétatif depuis une noyade accidentelle ; Bernard, 55 ans, arrivé au stade ultime d’une sclérose latérale amyotrophique ; Germaine, 77 ans, atteinte par la maladie d’Alzheimer et dépendante d’une sonde d’alimentation ; Jeanne, née avec un syndrome d’immobilité fœtale… Autant de « coups de boutoir » qui ont aidé Véronique Fournier à se constituer une pensée étayée, au point de défendre la nécessité d’évoluer collectivement sur la question. « Porter de façon persistante une demande de mort pour soi ou pour autrui ne devrait plus être reçu a priori comme indigne ni insensé », plaide en effet la cardiologue, transformée par les « terribles histoires de vie » soumises au centre d’éthique clinique. « Ce sont des demandes exceptionnelles, sans risque aucun de dérive, et quand elles surviennent, elles sont si intenses, si pensées, si incarnées qu’il est tout simplement impossible de s’en laver les mains et de considérer que l’on n’est pas concerné », soutient-elle. Louable sur le papier, la loi « Leonetti » n’est pas opérante dans bon nombre de cas, observe-t-elle, « ou au prix d’effets péjoratifs si importants pour le patient et ses proches que l’attente de la mort devient insupportable, et ruine les effets bénéfiques du reste de la prise en charge palliative ». La loi doit évoluer, les interdits tomber et les médecins, affirme Véronique Fournier, acquérir la conviction « qu’ils font bien en aidant ces patients-là à mourir ». « Ainsi seront réunies, estime-t-elle, les conditions pour que ces quelques jours passés ensemble, autour du lit de celui qui se meurt, soient un temps aussi fort, digne, chaleureux et civilisé que possible. »
Puisqu’il faut bien mourir. Histoires de vie, histoires de mort : itinéraire d’une réflexion
Véronique Fournier – Ed. La Découverte – 18 €