Un an après avoir entamé son parcours parlementaire, le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement – qui doit entrer en vigueur au début 2016 – a enfin été voté en seconde lecture le 16 septembre à l’Assemblée nationale. Il doit désormais être examiné au Sénat les 28 et 29 octobre. Principale nouveauté introduite par les députés dans ce texte globalement consensuel, la création d’un régime unique pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile est critiquée de toutes parts.
Le dispositif, annoncé dès juillet dernier par Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat aux personnes âgées(1), prévoit le basculement des services agréés vers le régime de l’autorisation sur la base d’un cahier des charges national. Ces services nouvellement autorisés pourront, s’ils le souhaitent, signer un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) avec le conseil départemental et pratiquer les tarifs fixés par ce dernier. Les structures qui ne concluront pas de CPOM pourront continuer à pratiquer des tarifs libres.
Malgré leur mobilisation des dernières semaines contre la création de ce nouveau régime, les entreprises de services à la personne, rassemblées au sein du collectif « Privé de grandir », n’en ont pas obtenu la suppression(2). Elles redoutent que les structures passant du régime de l’agrément à celui de l’autorisation soient discriminées par les conseils départementaux qui ont, selon elles, tendance à privilégier les associations autorisées. Le collectif a réclamé, en vain pour l’instant, qu’une expérimentation de trois ans au minimum précède cette nouvelle forme d’autorisation. Les députés sont néanmoins revenus sur le plafonnement des heures qui limitait l’activité des structures. Le texte prévoit désormais que la capacité d’accueil soit « définie par une zone d’intervention afin notamment de ne pas limiter le volume horaire de leur activité », a précisé Laurence Rossignol lors des débats.
Les fédérations de services d’aide et d’accompagnement à domicile du secteur associatif, qui ont toujours réclamé la création de ce régime unique, sont également déçues par le dispositif adopté par les députés. Pour Adessadomicile, cette disposition conserve un « système à deux vitesses » et risque même d’entraîner « une dérégulation totale du secteur ». « Les nouveaux autorisés pourront intervenir sur le territoire en pratiquant des tarifs libres, ce qui risque de créer une forme de guerre des prix où le public fragile sera considéré comme une clientèle. Nous craignons que certains baissent leur prix, avec pour conséquence une moindre qualité de service », déplore Hugues Vidor, directeur général d’Adessadomicile. Par ailleurs, le texte conserve le financement horaire qui, selon les fédérations, est trop rigide et ne permet pas de s’adapter aux besoins des personnes. L’expérimentation de la tarification au forfait récemment évaluée par l’inspection générale des affaires sociales s’est pourtant révélée positive(3).
Autre reproche : le régime unique ne règle pas le problème des disparités territoriales en matière de tarification horaire. Alors que, pour les fédérations, la refondation du secteur devrait réduire les écarts entre les tarifs fixés par les départements, rien n’est prévu en ce sens. Pire, « la totale autonomie laissée aux conseils départementaux pourra avoir comme issue prévisible une totale iniquité territoriale pour les personnes fragiles », alerte Adessadomicile. Les fédérations souhaitaient qu’une harmonisation des tarifs soit rendue possible par « un renforcement des prérogatives de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie », explique Yves Verollet, directeur général d’UNA (Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles).
De leur côté, les fédérations d’établissements – l’AD-PA, la FEHAP, la FHF, la Fnadepa, Générations mutualistes, la Mutualité française et l’Uniopss – estiment que les dispositions relatives aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) – fruit de plus de six mois de concertation – ne sont pas à la hauteur des enjeux(4). Si elles se félicitent de certaines avancées, comme la mise en place d’« un cadre budgétaire rénové et modernisé qui donnera plus de place à la contractualisation entre le gestionnaire d’établissement et ses financeurs » – c’est-à-dire le remplacement des conventions tripartites par des CPOM qui pourront concerner plusieurs types d’établissements dépendant d’un même gestionnaire, elles jugent que la progression des ressources des structures sera trop « limitée ». Elles regrettent que la réforme n’ait porté que sur le budget « soins » des établissements – qui, soulignent-elles, ne couvrira pas l’ensemble des dépenses sanitaires – et non sur les autres sections tarifaires (dépendance et hébergement). Au final, elle ne résoudra pas le problème de la hausse du reste à charge laissé aux résidents et à leurs familles. Elles demandent donc qu’une nouvelle concertation soit engagée de façon « à mettre à plat les modalités actuelles de financement des EHPAD avec les deux principaux financeurs que sont l’assurance maladie et les départements, et les personnes âgées elles-mêmes afin d’aboutir enfin à une vraie réforme ».
Conformément aux vœux de l’Association des paralysés de France, les députés ont adopté un amendement gouvernemental relatif à la création des maisons départementales de l’autonomie : il garantit que la création de ces nouvelles structures n’aura pas d’impact sur l’évaluation des besoins des personnes âgées et des personnes handicapées. Les équipes réalisant les plans d’aide resteront en effet dédiées à chacun des publics et les outils distincts.