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Accueil des réfugiés : après la mobilisation, le casse-tête de l’hébergement pour tous

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Difficile, après les annonces de Manuel Valls, le 16 septembre, sur les crédits débloqués pour l’accueil des réfugiés et l’hébergement d’urgence (voir ce numéro, page 12), d’y voir clair en termes de capacités nouvelles pour les 30 000 réfugiés que la France a prévu d’accueillir dans le cadre du processus européen de relocalisation, mais aussi pour l’ensemble des populations, migrantes ou non, en attente d’un hébergement sur le territoire.

La décision d’accorder 250 millions d’euros supplémentaires à l’hébergement d’urgence et à la veille sociale (279 millions sont prévus pour l’accueil des réfugiés), dont 130 millions dès le mois d’octobre, est d’abord un signal de la volonté du gouvernement « qu’un public ne chasse pas l’autre », commente Eric Pliez, président du SAMU social de Paris et de la commission « inclusion » du Syndicat des employeurs associatifs de l’action sociale et médico-sociale. Un geste politique important au moment où les travailleurs sociaux se désolaient, cet été encore, de devoir laisser à la rue un appelant au 115 sur deux, et où le risque de concurrence des publics taraude les acteurs de terrain. Même si les places ouvertes au titre de l’asile figurent sur une ligne budgétaire différente. Mais sur le fond, ajoute Eric Pliez, une bonne partie des crédits pour l’hébergement annoncés « ne sont que le traditionnel réajustement permettant aux associations de finir l’année ». « Compte tenu de l’écart entre le budget de cette année et les crédits consommés en 2014, la plupart de ces crédits auraient déjà dû figurer dans la loi de finances pour 2015, calcule en effet Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale. Que restera-t-il de l’enveloppe pour l’année prochaine ? » Sans compter que les associations n’ont pas encore de visibilité sur la part qui pourrait être affectée à la campagne hivernale.

Pour les candidats à la protection, précise Florent Gueguen, les associations ont « eu la confirmation que 5 000 places nouvelles en centre d’accueil pour demandeurs d’asile [CADA] seraient créées en 2016 », venant s’ajouter à quelque 3 500 autres en cours de création. « C’est une bonne nouvelle, estime-t-il, mais on reste en deçà des besoins. Nous demandions 20 000 places de CADA supplémentaires pour redimensionner le système d’accueil des demandeurs d’asile. Aujourd’hui, il y a un risque de traitement à deux vitesses, entre ceux accompagnés dans le cadre du processus de relocalisation et les autres. » Plus qu’entre sans-abri et réfugiés, « c’est entre migrants que la concurrence se joue ». Bref, une lutte des places entre pauvres, dont témoigne notamment la difficile résorption, voire la résurgence de campements à Paris, même si les autorités annonçaient, le 17 septembre, une septième opération de mise à l’abri depuis le 2 juin dernier.

La seule façon de traiter équitablement tous les publics et de ne pas créer des « coupe-files » est d’être en capacité de mobiliser un dispositif national d’accueil suffisant, abonde Jean-François Ploquin, directeur général de Forum réfugiés-Cosi. Alors qu’un tiers des demandeurs d’asile n’accède pas à une place en CADA, les annonces de Matignon « constituent seulement un bout de réponse, ajoute-t-il, d’autant que les places n’ouvriront pas du jour au lendemain », les appels d’offres devant probablement être lancés à la fin de l’année. Pour accueillir les réfugiés, poursuit-il, « il faut d’abord héberger, ce qui implique pour les associations de capter de nouveaux sites, sachant que des CADA, autorisés pour 15 ans, ne peuvent être créés dans des bâtiments temporairement disponibles », puis permettre l’entrée dans le logement, ce que visent notamment le « plan migrants », avec la mise à disposition de 3 000 logements sociaux vacants en zone détendue, et les propositions issues de certaines communes. Le temps de l’urgence ne sera donc sans doute pas celui de la mise en chantier. « Nous sommes en train d’étudier des opportunités immobilières identifiées localement dans des bâtiments collectifs, des anciens logements foyers par exemple, ou dans le logement diffus », témoigne Djamel Cheridi, directeur de l’hébergement et du logement accompagné chez Coallia, selon qui – résultat de l’élan de solidarité à l’égard des réfugiés – « créer des places pour ces publics est déjà moins compliqué qu’il y a deux mois ». Le gouvernement, lui, table sur les effets de la réforme du droit d’asile pour fluidifier le système et augmenter mécaniquement le nombre de places.

Si l’on peut s’agacer que la mobilisation n’ait pas eu lieu plus tôt, « cette crise aura eu le mérite de montrer que lorsque tous les acteurs travaillent ensemble, on peut avancer très vite », estime Eric Pliez, pointant qu’en quelques jours, les associations – Aurore, Coallia, Emmaüs, la Croix-Rouge… – ont pu, pour les premiers exilés venus d’Allemagne, s’engager dans la création des centaines de places d’hébergement en Ile-de-France, dans des bâtiments publics disponibles, avec un accompagnement dédié. « Il faut profiter de la mobilisation de tous pour porter une politique ambitieuse sur l’accueil des migrants et la question de l’hébergement en général, sans opposition des publics », analyse quant à lui Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France, selon qui les groupes Emmaüs entendent développer « des solutions, sans se laisser enfermer dans les choix de publics par dispositifs, sur le principe de l’accueil inconditionnel ».

Reste encore à accompagner dans le logement les réfugiés, une fois leur statut obtenu. Dans cette perspective, la fédération Soliha, issue du rapprochement des mouvements PACT et Habitat et développement, demande l’élargissement à l’ensemble du territoire national du dispositif d’intermédiation locative Solibail, modèle que le ministère du Logement a par ailleurs prévu d’étendre pour réduire le recours à l’hébergement hôtelier. « On a su mobiliser 1 000 logements à Paris en plusieurs années, cela doit être possible pour 30 000 personnes au niveau national, explique Michel Pelenc, directeur général de Soliha. Dans l’urgence, il s’agit de pouvoir capter rapidement une offre nouvelle », ajoute-t-il, citant l’exemple de Lille, où « 50 logements sont libres, vacants en attente d’aménagements », mais assez corrects pour être rendus disponibles. Si les bailleurs sociaux peuvent pour leur part privilégier les zones détendues, « attention au marché de l’emploi » qui pourrait y être un frein à l’insertion, prévient-il par ailleurs… Sur le plan opérationnel pour l’instant, « des correspondants ont été nommés dans les départements pour faire remonter les offres de logements dans les communes, ces propositions étant adressées à une cellule centrale qui les rapproche des informations sur les réfugiés ayant obtenu leur statut, afin de leur proposer un logement définitif », détaille Sylvain Mathieu, délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement. Si ces propositions ne sont pas encore chiffrées et alors que les procédures de demande d’asile sont en cours, « certains logements ont été attribués à des réfugiés déjà sur le territoire ».

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