Les mesures de sûreté imposées, en application de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale(1), à une personne reconnue pénalement irresponsable ne sont pas des peines au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Il s’agit de « mesures préventives », auxquelles le principe de non-rétroactivité de la loi pénale prévu à l’article 7 § 1 de la Convention n’a pas vocation à s’appliquer. Tel est le sens d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) rendu le 3 septembre dans une affaire opposant l’Etat français à un de ses ressortissants(2).
Dans cette affaire, un homme a été inculpé pour l’assassinat, en septembre 2007, de son ex-compagne et violences volontaires à l’encontre de deux autres personnes, avant d’être déclaré pénalement irresponsable en 2009 au motif qu’il était atteint d’un trouble psychique ayant aboli son discernement et le contrôle de ses actes. La chambre d’instruction criminelle a alors prononcé contre lui des mesures de sûreté : hospitalisation d’office et interdiction, pendant 20 ans, de rentrer en relation avec les parties civiles et de détenir ou de porter une arme.
Le litige soumis à la CEDH portait sur l’application rétroactive de la loi du 25 février 2008, qui a institué une nouvelle procédure de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Avant l’adoption de cette loi, une juridiction d’instruction ou de jugement rendait des décisions de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement pour les personnes considérées comme pénalement irresponsables, qui étaient assimilées à des personnes contre qui les charges étaient insuffisantes ou inexistantes. Depuis la loi de 2008, la personne comparaît devant une juridiction d’instruction ou de jugement qui se prononce sur la réalité des faits commis, déclare qu’elle est irresponsable pénalement et prononce, le cas échéant, une hospitalisation d’office et/ou des mesures de sûreté.
Dans sa requête, l’intéressé a fait valoir que les mesures de sûreté prononcées à son encontre s’apparentent à une condamnation pénale, et sont donc en contradiction avec l’article 7 § 1 de la Convention, selon lequel « nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international ». Selon lui, en effet, les faits s’étant déroulés en 2007, soit avant l’adoption de la loi du 25 février 2008, les mesures de sûreté prévues par cette dernière ne pouvaient lui être imposées.
Un argumentaire rejeté par la CEDH qui estime que les mesures de sûreté prononcées à son encontre ne constituent pas des peines au sens de la Convention car elles n’interviennent pas à la suite d’une condamnation pénale. Elle note encore que le requérant a le droit de saisir le juge des libertés et de la détention pour demander la mainlevée ou la modification de ces mesures, lequel se prononce au vu des résultats d’une expertise psychiatrique. Il en résulte, pour la Cour, que le prononcé des mesures litigieuses et le contrôle de leur application par le juge ont un objectif préventif et ne sont pas assimilables à une « peine ». En conséquence, le principe de non-rétroactivité n’a pas vocation à s’appliquer.
(2) Deux juges (sur sept) ont toutefois exprimé une opinion dissidente.