Les restaurants sociaux d’insertion en foyers de travailleurs migrants (FTM) sont soumis à une contrainte économique forte : le maintien de prix de vente très bas pour rester accessibles à leur clientèle. « On ne fait aucun bénéfice sur la vente des plats », explique Yacine El Mejri, directeur du restaurant social géré par Afrique et Espoirs. Pour boucler leur budget, ils s’appuient sur des subventions qui proviennent de l’aide au poste versée par l’Etat pour chaque salarié en insertion, du conseil départemental (pour les titulaires du RSA), du conseil régional et, selon les territoires, de la politique de la ville et des PLIE (plans locaux pour l’insertion et l’emploi).
Etant donné le contexte économique, leur situation financière reste toutefois précaire. Aussi mettent-ils en œuvre différentes stratégies afin d’améliorer leur marge : en complément du plat servi, certains restaurants proposent un service traiteur, plus rentable. A Sevran, l’association Aurore a fait le choix, négocié avec les résidents, de proposer deux tarifs : l’un, plus bas, pour les résidents (2,80 €), l’autre, plus élevé, pour le public extérieur (3 €). Les associations cherchent aussi à élargir leur clientèle au-delà des résidents pour multiplier le nombre de repas vendus : « On arrive à s’en sortir parce qu’on fait du volume avec 600 repas par jour, ce qui nous permet de réaliser un chiffre d’affaires moyen quotidien de 1 600 €, six jours par semaine », explique Karim Saighi, directeur administratif et ressources humaines de la Marmite d’Afrique. Après une année déficitaire en 2013, cette association a connu une année plus fructueuse en 2014 avec un excédent de 12 000 € : une marge qui reste toutefois très faible, compte tenu de son chiffre d’affaires annuel qui s’élève à environ 800 000 €.
Dans ce contexte, le pôle territorial de coopération économique « Resto Passerelle », constitué en vue de mutualiser les moyens des restaurants sociaux, joue un rôle de premier plan. « Grâce à lui, nous avons pu créer un groupement d’achat qui a permis de négocier les prix des matières premières de 8 à 15 %. La même démarche au niveau des produits d’entretien devrait nous faire gagner de 2 000 à 3 000 € chaque année, ce qui est loin d’être négligeable étant donné notre marge réduite », indique Karim Saighi.
Malgré ces efforts de structuration, la question du financement des équipements reste épineuse : alors que les premiers aménagements ont été financés grâce aux subventions de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, les financements se sont désormais diversifiés avec le soutien conjoint des pouvoirs publics (en particulier de la Ville de Paris) et des bailleurs privés. Mais rien n’est gagné : « Il a fallu mener un combat de longue haleine avec Coallia, le bailleur social qui gère la résidence dans laquelle nous sommes installés, pour que notre cuisine, obsolète et sans lave-vaisselle, soit rénovée durant l’été », explique Yacine El Mejri. Même difficulté pour la Marmite d’Afrique : « Malgré les subventions perçues, Adoma, le gestionnaire de la résidence, n’a déboursé que 90 000 € pour la cuisine collective au lieu des 150 000 € nécessaires, ce qui nous coûte chaque année 5 000 € en frais de réparation », déplore Karim Saighi.