Après avoir appelé l’Etat français à prendre sa part dans l’accueil des réfugiés affluant aux portes de l’Europe, les associations tiennent un discours mitigé, mais volontariste, sur les annonces de François Hollande, le 7 septembre (voir ce numéro, page 5). L’accueil de 24 000 personnes supplémentaires en deux ans, qui correspond aux souhaits de la Commission européenne dans le cadre du processus de relocalisation de 120 000 réfugiés à l’échelle de l’Union, « est le minimum que la France puisse faire en tant que 6e puissance mondiale et par rapport aux besoins, estime Laurent Giovannoni, responsable du département « accueil et droit des étrangers » au Secours catholique. Mais au moins elle répond présente à une première demande, et nous espérons qu’elle pourra aller au-delà par la suite. » Le ministère de l’Intérieur s’est rapproché du secteur associatif dès le 9 septembre, pendant qu’arrivaient les premiers exilés en provenance d’Allemagne. Mais alors que sont recensés chambres disponibles, logements, maisons vides et autres bâtiments publics vacants, « sauf miracle, nous ne sommes pas prêts !, s’inquiète Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile. Il faut se mettre à travailler et être inventifs face à l’urgence. Nos référentiels en matière d’accueil vont être bousculés… L’Etat doit prendre ses responsabilités, mettre des moyens supplémentaires, sachant que l’Allemagne a dû remettre 500 millions d’euros au pot pour les collectivités locales – et organiser un pilotage national. Sinon, nous allons vers de grandes déconvenues… » L’association Forum réfugiés-Cosi, qui appelle à un rassemblement le 12 septembre, à Lyon, « pour un accueil digne et solidaire des réfugiés », réclame également l’ouverture de lignes budgétaires à la hauteur des besoins, tout en comptant sur l’« effort de tous – administrations, municipalités, opérateurs de l’asile, associations, habitants ». Tandis que l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) encourage les membres de son réseau à proposer leur contribution, la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) invite les élus locaux à se rapprocher des associations, non sans appeler l’Etat à garantir « des conditions de vie dignes, avec un accompagnement juridique et social durable ». Ce qui nécessite, souligne-t-elle, de créer au moins 20 000 places supplémentaires en CADA (centres d’accueil pour demandeurs d’asile) pour faire face à l’urgence.
Les villes de Paris, Bordeaux, Pau, Poitiers, Besançon, Villeurbanne, d’Evry, d’Avignon, de Cherbourg, Rouen, Lille, Strasbourg ou Metz font partie de celles qui ont confirmé, selon le ministre de l’Intérieur, leur présence à la réunion de travail prévue le 12 septembre, place Beauvau, pour coordonner les initiatives locales, en concertation avec les présidents de l’Association des maires de France (AMF) et de l’Assemblée des départements de France (ADF). « Depuis quelques jours, de nombreuses initiatives de solidarité se manifestent de la part de maires et de collectivités locales de toutes sensibilités », a précisé Bernard Cazeneuve. Le 3 septembre, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du parti socialiste, et Pierre Cohen, président de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains, ont lancé un appel pour constituer un « réseau de villes solidaires ». « Nous sommes prêts à accueillir », déclarait le même jour Christophe Borgel, député de la 9e circonscription de Haute-Garonne, dans un texte signé par 11 édiles. De leur côté, l’Association des maires de grandes villes de France et l’association Villes de France ont chacune organisé une réunion extraordinaire, le 9 septembre, sur l’accueil des migrants.
De fait, cette actualité a conduit la FNARS à compléter le programme de la journée d’étude qu’elle organisait le 10 septembre, à Marseille, sur la réforme du droit d’asile, au cours de laquelle elle attendait une intervention de Bernard Cazeneuve. Elle devait donc faire à cette occasion le point sur les « actions engagées » et les « moyens à mettre en œuvre », tout en débattant des enjeux de la réforme au regard du contexte migratoire. Car, au-delà des situations d’urgence, l’objectif est bien de structurer de façon pérenne l’accueil et la prise en charge des candidats à la protection, et d’organiser les moyens de leur insertion. A l’heure de l’application de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, la fédération souhaite dans ce sens porter pas moins de 43 propositions au sein du « comité national consultatif de l’asile », prolongement de l’espace de concertation qui a précédé la réforme, et plaide pour l’installation de comités de suivi régionaux.
L’ensemble de ses revendications vise à garantir « les droits fondamentaux » des demandeurs d’asile en matière d’accueil, de droit à l’hébergement et à l’accompagnement. Elle réclame donc que la présence d’intervenants sociaux soit garantie dès l’aide à l’enregistrement de la demande d’asile devant être assurée par les plateformes d’accueil, afin que leurs compétences en matière d’évaluation et d’orientation puissent permettre une orientation adaptée. Tous les demandeurs d’asile devraient être orientés en fonction de leur situation sanitaire et familiale, réclame également la FNARS, préconisant des voies de recours, notamment par la mise en place d’une commission indépendante, pour permettre aux personnes de contester une offre qui ne serait pas adaptée et de bénéficier d’une autre orientation. Quant à l’accompagnement social et administratif dont doivent obligatoirement bénéficier les personnes non hébergées en CADA, il devrait faire l’objet, demande-t-elle pour éviter les disparités, d’un référentiel intégrant « une approche globale de l’accompagnement ». Autre souhait : le développement et l’organisation d’une offre de soins, notamment psychiatrique pour les personnes victimes de traitements inhumains et d’actes de torture. Afin de favoriser l’insertion des personnes ayant obtenu la protection internationale, la FNARS préconise « l’élaboration collective d’une convention nationale sur l’intégration des réfugiés et sa déclinaison territoriale, allant au-delà d’un accompagnement à l’accès au logement et à l’emploi ».
Autre sujet, lié cette fois à la politique de lutte contre l’immigration irrégulière : la création, à titre expérimental, de centres dédiés aux personnes déboutées de la demande d’asile et aux familles en situation irrégulière, afin qu’elles soient assignées à résidence en vue de leur éloignement. Si ce dispositif, proposé par les sénateurs au cours de l’examen parlementaire de la réforme, a été supprimé du texte définitivement adopté, la circulaire du 22 juillet dernier sur la mise en œuvre du plan « migrants » comporte une annexe précisant ses contours. Selon l’expérimentation présentée par le ministère de l’Intérieur, il doit reposer « sur le double principe d’un hébergement meublé en structure collective par un opérateur, pris en charge par l’Etat, et d’un accompagnement personnalisé, assuré par l’OFII [Office français de l’immigration et de l’intégration], en lien avec l’opérateur, permettant notamment de proposer les aides au retour et à la réinsertion et de rechercher les conditions de l’adhésion des intéressés dans le cadre d’une pédagogie active ». Selon le document, le dispositif implique « le respect des contraintes imposées [à la personne] et en particulier celles liées à l’assignation à résidence en matière de pointage ». Et en cas « de passivité dans les démarches consulaires, la préfecture peut faire accompagner l’intéressé par les forces de l’ordre au consulat », l’absence totale de coopération conduisant à l’exécution forcée de l’OQTF (obligation de quitter le territoire français). La FNARS invite les associations de solidarité à refuser « la gestion de centres dédiés pour le public débouté, dont les missions seraient incompatibles avec celles du travail social ».