Le 2 septembre, à l’occasion de la remise du rapport « Bourguignon » consacré à l’avenir du travail social et des formations qui y préparent(1), Manuel Valls a rendu « un hommage appuyé » aux travailleurs sociaux, qui connaissent un « certain malaise, voire un mal-être ». Il en a ainsi profité pour présenter des pistes d’évolution – qui s’inspirent des rapports de la députée (PS) du Pas-de-Calais et des cinq groupes de travail thématiques missionnés dans le cadre des « états généraux du travail social »(2) –, et « doivent donner lieu à des actions concrètes » (sur les réactions des acteurs de terrain, voir ce numéro, page22). Et c’est à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, et à Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, qu’il a confié le soin d’élaborer un plan d’action pour la reconnaissance et la valorisation du travail social qui devrait être présenté d’ici à la fin du mois d’octobre, selon des modalités encore floues. Elles devront y associer les ministères concernés, les collectivités locales et les employeurs privés.
Pour le Premier ministre, ce plan doit d’abord répondre aux difficultés des personnes accompagnées, qui, parfois, ont affaire à une multitude d’intervenants. Aussi entend-il « permettre aux professionnels de travailler davantage en réseau », en rapprochant le travail social des autres sphères d’intervention publique. C’est tout le sens, a-t-il par exemple rappelé, de la convention signée entre Pôle emploi et les départements sur l’accompagnement social et professionnel des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA)(3). Plus généralement, il appelle à « repenser la gouvernance du travail social, [à] proposer des évolutions réglementaires ou même, pourquoi pas, des délégations de compétence entre institutions ».
Autre axe de travail évoqué par le chef du gouvernement : « simplifier les dispositifs [sociaux] disponibles pour qu’ils soient mobilisés plus facilement » (création de la prime d’activité remplaçant le RSA « activité » et la prime pour l’emploi, mise en place d’un simulateur des droits, élargissement de l’accès à une complémentaire santé…). Cela devrait, d’après lui, permettre aux travailleurs sociaux de se recentrer sur le cœur de leur métier : la prévention des difficultés et l’accompagnement des personnes. Mais aussi de renforcer l’accès à l’emploi, aux soins de santé et aux prestations existantes.
Le futur plan devra aussi, bien sûr, répondre aux attentes des travailleurs sociaux. « La première réponse est simple, a indiqué le Premier ministre : nous devons mieux reconnaître la valeur de leur engagement. » C’est tout l’enjeu du projet d’accord sur la « modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations » des fonctionnaires – sur lequel les syndicats ont jusqu’au 30 septembre prochain pour se prononcer(4) – qui doit permettre à la filière sociale d’accéder progressivement à la catégorie A de la fonction publique(5). Mais Manuel Valls a prévenu : « il faudra sortir peut-être des sentiers battus, faire preuve d’un peu de courage si on veut réformer ». En tout cas, a-t-il insisté, « cet accord devra, pour être applicable, recueillir la signature d’une majorité des syndicats de la fonction publique. Je souhaite vivement que cette majorité puisse être trouvée et qu’elle entraîne aussi le secteur privé. »
En outre, le chef du gouvernement souhaite repenser le système de formation initiale et continue des travailleurs sociaux. Les formations doivent « être davantage harmonisées afin qu’[ils aient] tous un corpus de connaissances communes », a-t-il précisé, persuadé que cela permettra aux travailleurs sociaux de renforcer leur identité professionnelle, d’évoluer plus facilement au cours de leur carrière et de « travailler davantage les uns avec les autres ». Cela ne remettra pas en cause la pluralité des diplômes et des métiers, a assuré Manuel Valls.
Le Premier ministre est enfin convaincu que le travail social doit « devenir un champ de recherche universitaire à part entière », « la condition, d’abord, pour une prise de recul sur ce champ professionnel et donc sur l’élaboration des voies de réflexion et de progrès », mais aussi pour « être mieux connu et reconnu ».
Face à une société complexe, les missions des travailleurs sociaux se sont multipliées et sont aujourd’hui plus difficiles à mener, a reconnu le chef du gouvernement, d’autant plus du fait de la « menace, aujourd’hui permanente et réelle, du terrorisme et du radicalisme ». Pour lui, « protéger notre jeunesse, détecter et prévenir des dérives radicales, c’est être là au bon moment », et « le travail social, gardien du sens collectif, doit ici jouer son rôle »(6). Afin d’aider les professionnels, Manuel Valls a indiqué qu’il demanderait « prochainement » au Conseil supérieur du travail social (CSTS) de se pencher sur la question de la prévention de ces dérives. Une réflexion qui devra être menée dans le cadre d’un groupe de travail pluridisciplinaire.
(6) Sur la question de la prévention de la radicalisation par les travailleurs sociaux, voir ASH n° 2893 du 16-01-15, p. 8.