Dressant le bilan de la deuxième année d’application de sa convention d’objectifs et de gestion (COG) signée avec l’Etat pour la période 2013 à 2017(1), la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) estime avoir « atteint ses objectifs » en 2014. C’est ce qu’elle a indiqué à la presse le 8 septembre après avoir passé en revue un certain nombre de ses actions et dévoilé quelques pistes de travail pour la prochaine période 2018-2022.
La CNAF l’a reconnu : le démarrage du plan « crèches » a été « un peu lent en 2013 »(2). C’est pourquoi des mesures ont été prises pour accélérer la création de places nouvelles(3) et « les résultats sont au rendez-vous » en 2014, s’est félicité la caisse : les décisions de création de places ont connu une « reprise » avec plus de 10 000 décisions en investissement (contre une prévision de 8 000) et 14 269 nouvelles places financées ont été ouvertes au public, soit plus de 500 places supplémentaires par rapport à 2013. Pour l’institution, « les prévisions d’ouvertures de places sont orientées à la hausse pour les années 2015, 2016 et 2017 avec un rythme annuel supérieur à 15 000 places ». Dans un projet de note sur le développement de l’accueil des jeunes enfants qu’il devait adopter le 10 septembre, le Haut Conseil de la famille (HCF), lui, ne partage pas l’analyse de la CNAF pour 2014, arguant que 10 000 places d’accueil n’ont pas été utilisées. La caisse s’est insurgée contre cette interprétation fondée sur un indicateur faisant référence au nombre d’heures de garde utilisées par les familles, qui n’est, selon elle, aujourd’hui « plus approprié pour mesurer la capacité d’accueil ». En effet, a-t-elle expliqué, le taux d’optimisation des places a augmenté, passant de 2,5 % en 2013 à 2,6 % en 2014… même si les familles recourent à moins d’heures (en moyenne neuf heures de moins par place et par an). Dans ce contexte, la caisse entend bientôt proposer un nouvel indicateur, celui du nombre d’enfants accueillis par berceau pour mesurer la capacité d’accueil des établissements d’accueil des jeunes enfants (EAJE). Au final, Daniel Lenoir, directeur général de la CNAF, est optimiste sur l’évolution du nombre de places d’accueil collectif : « si on prend le nombre de places nettes ouvertes chaque année, multiplié par le taux d’occupation moyen en 2014 de 2,6 % sur la durée de la COG, la capacité d’accueil augmenterait de 120 000 en EAJE [contre un objectif de 100 000 sur les 275 000 solutions d’accueil à créer d’ici à 2017] ». Une prévision minimale qui ne tient pas compte de l’impact des schémas départementaux des services aux familles(4).
En revanche, comme le Haut Conseil, la CNAF souligne qu’il existe un « problème » concernant la capacité d’accueil chez les assistants maternels, qui ne cesse de diminuer(5). Elle entend donc porter ses efforts dans ce domaine et lancer des travaux pour mieux comprendre la baisse du nombre d’installations et les comportements des familles.
Pour favoriser l’accès aux droits des allocataires, la CNAF a instauré, « avec succès », selon elle, les « rendez-vous des droits ». Ce sont ainsi 163 583 rendez-vous qui ont été mis en place en 2014 sur un engagement annuel de 100 000 : 59 787 dans le cadre de l’entretien associé à l’instruction de la demande de revenu de solidarité active (RSA), 60 744 dans le cadre des offres de travail social et 43 052 autres (personnes adressées par un organisme partenaire, dossier complexe…). Pour 2015, l’objectif a été porté à 150 000, objectif qui « sera largement dépassé », selon Daniel Lenoir, dans la mesure où, au premier trimestre dernier, 111 988 nouveaux rendez-vous avaient déjà été réalisés. Selon une première analyse des résultats, la mise en place de ce dispositif « montre notamment que 40 % des rendez-vous réalisés donnent lieu à ouverture de droit “CAF” », indique la CNAF.
S’agissant de l’expérimentation de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, entrée « dans sa phase active en juin 2015 »(6), les premiers résultats sont « satisfaisants », estime la caisse. Ce sont ainsi 20 départements qui y participent et 2 779 foyers qui bénéficient de l’allocation de soutien familial (ASF) différentielle, allouée lorsque la créance alimentaire est inférieure au montant de l’ASF (100,08 € par mois à taux partiel et à 133,38 € par mois à taux plein depuis le 1er avril dernier), même lorsque le parent débiteur s’acquitte intégralement du paiement de sa dette. D’après la CNAF, « la part des familles relevant du RSA parmi ces nouveaux bénéficiaires se situe autour de 50 % ».
Concernant enfin la prime d’activité, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain(7), la CNAF indique qu’elle sera au rendez-vous. Toutefois, estime-t-elle, les effectifs des caisses d’allocations familiales, qui devront s’occuper de 800 000 nouveaux bénéficiaires, ne « seront sans doute pas suffisants » pour faire face à cette charge supplémentaire. Rappelons en effet que la COG 2013-2017 prévoit l’embauche de 700 emplois (dont 500 emplois d’avenir) et la restitution de 1 000 emplois via le non-remplacement des départs à la retraite. Aussi la CNAF entend-elle plaider sa cause auprès de la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine(8).
Sollicitée par ses partenaires à la suite des attentats de janvier dernier et face au phénomène de radicalisation de certains jeunes(9), la CNAF a rédigé une charte de la laïcité afin de promouvoir les valeurs de la République et du bien vivre ensemble que son conseil d’administration a adoptée le 1er septembre, avec l’approbation de Marisol Touraine. Cette charte s’applique aux structures, services et équipements développés et/ou financés par les CAF, comme les centres sociaux, les espaces de vie sociale, les accueils de loisirs, mais aussi les EAJE, les foyers de jeunes travailleurs, qui constituent des lieux ressources pour acquérir les notions de citoyenneté. Maintenant, a martelé Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration de la CNAF, « il faut la faire vivre ». Il entend donc réunir l’ensemble des partenaires de la caisse – « fin septembre a priori » – afin de « la leur présenter et de décider avec eux des modalités d’organisation du suivi » de sa mise en application, a-t-il précisé aux ASH. Suivi qui pourrait se faire au sein « d’une sorte d’observatoire », a, de son côté, suggéré Daniel Lenoir, afin que la charte puisse être évaluée et améliorée au besoin. En cas de non-respect de la charte par ses partenaires privés, la marge de manœuvre est « purement contractuelle », a précisé le directeur général de la caisse. Par exemple, a-t-il illustré, « si un partenaire fait du prosélytisme, la CAF pourra lui retirer son agrément s’il s’agit d’une assistante maternelle ou sa subvention dans le cas d’une structure ».
« Parce que les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas les jeunes d’hier », a souligné Jean-Louis Deroussen, la CNAF va repenser sa politique en faveur de la jeunesse qui sera la priorité de la future convention d’objectifs et de gestion 2018-2022. Ainsi, a-t-il expliqué aux ASH, « il faut réidentifier leurs besoins » et les actions qui en découleront devront s’adapter à leurs nouveaux comportements, plutôt orientés vers le numérique ou les réseaux sociaux. Ces besoins doivent aussi être réévalués au regard de la structure des familles, aujourd’hui plutôt monoparentales, ou encore des lieux de vie qui ont évolué. Les modalités d’intervention doivent donc être retravaillées : « peut-être faudra-t-il envisager de l’accompagnement numérique pour faire face à la radicalisation des jeunes ou à leurs addictions, les inciter à faire du bénévolat ou à recourir au service civique… »
Enfin, déplorant l’« absence de coordination en matière jeunesse », Jean-Louis Deroussen appelle à revoir la gouvernance en ce domaine, en prenant pour exemple celle qui existe en matière de petite enfance. « Qui fait quoi, qui paie, y-a-t-il des doublons de financement, etc »… autant de questions à éclaircir au sein « si besoin, d’un comité partenarial ».
(1) Voir ASH n° 2819-2820 du 19-07-13, p. 9.
(4) Voir en dernier lieu ASH n° 2917 du 3-07-15, p. 46.
(5) Dans son projet de note, le HCF souligne que les places d’accueil chez les assistants maternels continuent de diminuer, passant de 619 400 en 2013 à 612 000 en 2014.
(6) Voir en dernier lieu ASH n° 2881 du 31-10-14, p. 36.
(8) Signalons que les inspections générales des affaires sociales et des finances ont récemment remis à la ministre un rapport dans lequel elles mesurent la charge réelle de travail de la CNAF, en vue d’éventuels réajustements.
(9) Selon la CNAF, plus de 4 000 situations de radicalisation auraient été repérées – Voir ASH n° 2906 du 17-04-15, p. 13.