Au-delà de l’instauration de la prime d’activité(1), la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, validée dans sa quasi-intégralité par le Conseil constitutionnel, comporte également des dispositions qui visent à sécuriser les parcours professionnels, à travers notamment la création du compte personnel d’activité, la mise en place du contrat « nouvelle chance », la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité ou encore les mesures en faveur de l’apprentissage. La loi « Rebsamen » tend également à assurer la représentation de tous les salariés et à simplifier le dialogue social dans l’entreprise. Retour sur quelques-unes de ces mesures.
A compter du 1er janvier 2017, la loi prévoit de créer un compte personnel d’activité dont disposera toute personne dès son entrée sur le marché du travail et tout au long de sa vie professionnelle. Pour ce faire, le gouvernement doit engager avant le 1er décembre 2015 une concertation avec les organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel. Ces mêmes partenaires sociaux peuvent, en outre, décider d’ouvrir une négociation sur la mise en œuvre du compte personnel d’activité. Ce compte a vocation à rassembler les droits sociaux personnels utiles pour sécuriser le parcours professionnel de tout individu, indépendamment de son statut. Il pourrait regrouper le compte personnel de formation, le compte de prévention de la pénibilité, le compte épargne-temps, les droits rechargeables à l’assurance chômage ou une protection complémentaire en matière de santé.
Afin de développer l’apprentissage, les contrats d’apprentissage conclus depuis le 19 août dernier(2) peuvent désormais être rompus par l’une ou l’autre des parties jusqu’à l’échéance des 45 premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise. Cette période était auparavant de deux mois.
Par ailleurs, pour bénéficier de la prime d’apprentissage de 1 000 € par an, une entreprise employant moins de 250 salariés doit recruter pour la première fois un apprenti ou embaucher un apprenti supplémentaire à compter du 1er juillet 2014. Et, depuis le 1er juillet dernier, elle aurait dû, en plus, relever d’un accord de branche comportant des engagements en faveur de l’alternance. Cette dernière condition a été supprimée par la loi.
Dans le cadre du plan de lutte contre le chômage de longue durée présenté en février dernier(3), la loi introduit un nouveau cas de contrat de professionnalisation : le contrat « nouvelle chance ». Lorsqu’il est conclu avec une personne au chômage depuis plus de un an, quel que soit son âge, la durée du contrat et des actions de professionnalisation peut être portée à 24 mois (contre 12 mois) pour permettre l’acquisition dans un premier temps du socle de compétences de base, puis d’une qualification professionnelle. Cette possibilité n’était auparavant ouverte qu’aux seuls bénéficiaires des minima sociaux et aux jeunes de 16 à 25 ans peu qualifiés.
Par ailleurs, le contrat de professionnalisation peut désormais comporter des périodes d’acquisition d’un savoir-faire dans plusieurs entreprises. Une convention est conclue à cet effet entre l’employeur, les entreprises d’accueil et le salarié. Les modalités de l’accueil et le contenu de la convention seront fixés par décret.
En principe, la durée des contrats de travail à durée déterminée d’insertion (CDDI) ne peut être inférieure à quatre mois. Toutefois, la loi permet désormais aux personnes ayant fait l’objet d’une condamnation et qui bénéficient d’un aménagement de peine de déroger à cette règle. Le CDDI est ouvert, pour mémoire, aux demandeurs d’emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières recrutés par une entreprise d’insertion, une association intermédiaire ou un atelier et chantier d’insertion.
En outre, il est permis au salarié de rompre son contrat avant son terme pour poursuivre une formation conduisant à une qualification enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles, reconnue dans les classifications d’une convention collective nationale de branche ou ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle de branche ou interbranche.
Jusqu’à présent, le contrat unique d’insertion (CUI), qu’il soit conclu sous la forme d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi (CUI-CAE) ou d’un contrat initiative-emploi (CUI-CIE), peut être prolongé dans la limite d’une durée totale de deux ans. Par exception, il peut être prolongé jusqu’à cinq ans pour les salariés reconnus travailleurs handicapés, pour achever une action de formation en cours et pour les salariés âgés de 50 ans et plus bénéficiaires du revenu de solidarité active, de l’allocation de solidarité spécifique, de l’allocation temporaire d’attente ou de l’allocation aux adultes handicapés. Dorénavant, cette exception jouera plus largement pour les salariés de 50 ans et plus qui rencontrent des difficultés particulières faisant obstacle à leur insertion durable dans l’emploi (et non plus seulement ceux bénéficiaires de minima sociaux).
En outre, pour les salariés de 58 ans et plus, les CUI-CAE et les CUI-CIE peuvent désormais être prolongés jusqu’à la date à laquelle ces salariés sont autorisés à faire valoir leurs droits à la retraite.
Par ailleurs, dans le cadre du CUI-CIE, tout salarié doit travailler en principe au moins 20 heures par semaine. La loi « Rebsamen » prévoit toutefois une exception. Ainsi, désormais, il est possible de prévoir une durée de travail moindre lorsque le salarié est âgé d’au moins 60 ans et est éligible à un dispositif d’intéressement à la reprise d’activité des bénéficiaires des allocations du régime de solidarité.
Dans son volet « santé au travail », la loi du 17 août 2015 simplifie notamment le licenciement pour inaptitude professionnelle à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. En effet, l’employeur peut maintenant mettre fin au contrat de travail sans obligation de rechercher un reclassement si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.
La loi modifie également certains éléments du dispositif de prévention de la pénibilité, comme le remplacement de la fiche de prévention des expositions par une déclaration des expositions et l’introduction dans les accords de branche d’un référentiel commun des expositions. Dans ce domaine, la loi retient aussi que le seul fait pour l’employeur d’avoir déclaré l’exposition d’un travailleur aux facteurs de pénibilité ne peut constituer une présomption de manquement à son obligation légale de prévention. Par ailleurs, le redressement, qui peut avoir lieu à la suite d’un contrôle de l’effectivité de l’exposition aux facteurs de risques professionnels et des données déclarées, ne peut intervenir qu’au cours des trois années civiles (au lieu de cinq) suivant l’année au titre de laquelle des points ont été ou auraient dû être inscrits au compte de prévention de la pénibilité. La loi réduit, enfin, le délai de l’action contentieuse du salarié de trois à deux ans en vue de l’attribution de points pour alimenter son compte personnel de prévention de la pénibilité.
Il est également prévu que les pathologies psychiques peuvent désormais être reconnues comme maladies professionnelles. Les modalités spécifiques de traitement des dossiers doivent encore être fixées par voie réglementaire.
Par ailleurs, la loi définit la notion d’agissement sexiste comme « tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
Enfin, la loi inscrit dans le code du travail l’existence et les missions du Conseil d’orientation des conditions de travail et de ses comités régionaux, afin de donner du poids aux orientations qu’ils formulent.
Le principal volet de la loi s’inscrit dans une volonté de moderniser et de renforcer le dialogue social dans l’entreprise via notamment les instances représentatives du personnel (IRP). Plusieurs mesures vont en ce sens, comme, par exemple :
→ la création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour les salariés et les employeurs de moins de 11 salariés ;
→ la représentation des salariés avec la possibilité offerte aux entreprises de regrouper les instances du personnel (comité d’entreprise, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail…) selon les modalités établies en fonction de leur taille ;
→ le regroupement des 17 obligations annuelles de consultation du comité d’entreprise en trois consultations ;
→ l’organisation des négociations annuelles obligatoires autour de trois thèmes (sur la rémunération et le temps de travail, sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail, et sur la gestion des emplois et des parcours professionnels).
[Loi n° 2015-994 du 17 août 2015, J.O. du 18-08-15 et décision du Conseil constitutionnel n° 2015-720 DC du 13 août 2015, J.O. du 18-08-15]
(2) Contrats d’apprentissage conclus après la publication de la loi.