Les personnes à faibles revenus ayant besoin d’être assistées ou défendues en justice vont-elles pâtir de la réforme de l’aide juridictionnelle ? C’est en tout cas ce qu’affirme le Syndicat des avocats de France dans un communiqué, après avoir pris connaissance d’un document de négociation transmis par la chancellerie et dont « les termes ne sont pas acceptables ». « Loin du triplement du budget de l’aide juridique nécessaire à un accès au droit digne du pays des Droits de l’Homme, la réforme proposée, sans juste rémunération de la prestation des avocats, va accroître les difficultés pour les acteurs de l’aide juridique d’assumer correctement leurs missions, et en conséquence pour les justiciables les plus pauvres d’avoir accès au droit », estime l’organisation.
Les avocats se sont mobilisés à de nombreuses reprises depuis l’été 2014 contre les nouvelles pistes proposées par Christiane Taubira pour le financement de cette aide(1). Après des mois de concertation et l’intervention du député (PS) du Val-de-Marne Jean-Yves Le Bouillonnec, missionné par la garde des Sceaux pour élaborer de nouvelles solutions et améliorer le dispositif de gestion, la dernière mouture du projet de réforme continue à inquiéter la profession, notamment les avocats de proximité et les petits cabinets. Pour mémoire, les avocats qui prêtent leur concours aux bénéficiaires de l’aide juridictionnelle reçoivent une rétribution de la part de l’Etat, calculée à partir d’une unité de valeur de référence. Le nouveau barème de rétribution proposé implique, selon le syndicat, « de baisser l’indemnisation des avocats » dans des matières comme les prud’hommes, les divorces, les contentieux de la vie quotidienne… Le Barreau de Paris indique, quant à lui, à titre d’exemple, que l’assistance durant une garde à vue serait indemnisée à hauteur de 180 € pendant les 24 premières heures – au lieu de 300 € actuellement – ou que, en matière civile, un référé actuellement rémunéré 345 € serait payé 145 €. « Les avocats qui travaillent aujourd’hui à moins de 10 € l’heure au titre de l’aide juridictionnelle ne peuvent être appelés à contribuer de façon plus importante à la défense des plus démunis », plaide le Barreau, qui demande que « la concertation entre le gouvernement et les avocats continue, mais en considérant comme fondamental le financement par la solidarité nationale du service public l’aide juridictionnelle ».
Le Syndicat des avocats de France relève toutefois les « quelques maigres avancées » du projet de réforme, comme la hausse du plafond de ressources pour bénéficier de l’aide juridictionnelle de 941 € à 1 000 €. Il reproche néanmoins à la chancellerie d’espérer accroître la médiation – pour désengorger les tribunaux et soulager les magistrats – « sans prévoir de financement suffisant ». Enfin, le financement de cette réforme « n’est pas assuré au-delà de l’année 2018, renvoyant les professionnels à des négociations budgétaires annuelles », s’insurge le syndicat. Estimant que cette négociation est « une provocation », il appelle à la poursuite de la mobilisation.