Cinq ans après la création du Conseil consultatif des personnes accueillies et accompagnées (CCPA) et sa déclinaison, à partir de 2011, en 21 conseils régionaux (CCRPA), une évaluation menée à la demande de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) en dresse un bilan « extrêmement positif du point de vue de la dynamique des instances », tout en formulant des recommandations visant à les pérenniser(1).
Ce rapport, daté de mars 2015 mais récemment rendu public, vient alimenter la réflexion sur le projet de décret – prévu par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – sur les instances permettant d’assurer la participation des personnes accueillies à la définition, au suivi et à l’évaluation du dispositif d’accueil, d’hébergement, d’accompagnement vers l’insertion et le logement des personnes sans domicile. Les principaux enseignements de cette étude, réalisée par l’Agence d’études sociologiques pour les décideurs publics (ASDO), s’appuient sur l’observation du CCPA et de trois CCRPA (Bretagne, Champagne-Ardenne et Ile-de-France). Un panel trop limité pour refléter la diversité de fonctionnement des 22 instances existantes, regrette d’ailleurs le CCPA, dans une longue lettre adressée en juillet à la DGCS, où le conseil apporte des réponses et exprime ses propres souhaits concernant le public concerné – plus large que les personnes hébergées en structures – ou la gouvernance du dispositif – en écartant l’idée d’un CCPA « tête de réseau » des conseils régionaux, jugée « bien prématurée ».
Depuis leur création, CCPA et CCRPA ont démontré leur capacité à mobiliser et « frappent l’observateur extérieur par la qualité des interventions et des échanges » qui y ont cours, donnant « le sentiment d’avoir affaire à un « collectif », malgré la diversité des profils et des postures des uns et des autres », juge l’agence dans son rapport.
Elle y dresse, en premier lieu, un portrait des conseils consultatifs et de leur fonctionnement, marqué notamment par des réunions plénières, qualifiées de « temps forts » de leur activité, auxquelles participent les personnes accueillies et/ou accompagnées mais qui « rencontrent également du succès auprès des travailleurs sociaux » – au point que leur proportion peut parfois représenter « près des deux tiers des participants » alors qu’elle est « en principe limitée à un tiers ». Or, si les professionnels assurent une « présence structurante », appréciée des autres participants, elle peut se révéler problématique si elle n’est pas encadrée. Personnage central des conseils consultatifs, l’animateur a, lui, des missions variables, sachant que cette fonction est occupée par un représentant de l’association porteuse de l’instance – la Fondation Armée du Salut pour le CCPA et le CCRPA d’Ile-de-France, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale en Bretagne et l’Uniopss en Champagne-Ardenne. Certaines instances élisent par ailleurs des délégués, d’autres non.
Face à ces divers modes de fonctionnement, afin de garantir la place des personnes accueillies-accompagnées dans ces divers modes de fonctionnement, le cabinet ASDO préconise, en particulier, de réaffirmer le principe du tiers de professionnels, deux tiers d’usagers. Mais aussi de rédiger une charte précisant le rôle de chacun des intervenants – animateur, travailleurs sociaux, délégués, personnes accueillies/accompagnées – au sein des instances et de renforcer les échanges de bonnes pratiques entre conseils régionaux.
Les différents temps de travail des conseils consultatifs (réunions plénières, comités de pilotage, réunions parallèles, réunions ad hoc de préparation à la participation à des instances extérieures) « dessinent un planning annuel chargé et une fréquence de réunions parfois intensive », souligne le rapport, avec des thématiques abordées qui oscillent entre sujets de politiques publiques et problématiques « internes » aux structures d’hébergement. Quant aux moyens financiers dont ils disposent, deux conventions lient la DGCS et la Fondation Armée du Salut pour attribuer un budget de 80 000 € au CCPA et un autre de 250 000 € à l’ensemble des CCRPA, l’association étant chargée de répartir cette somme entre les différentes instances. A noter, comme le fait l’agence ASDO, que l’enveloppe budgétaire globale reste constante alors que le nombre de CCRPA est en hausse et qu’ils sont de plus en plus souvent sollicités par les institutions pour consultation sur un sujet précis.
En outre, « les instances observées s’inscrivent dans différents registres de la participation », constate le rapport, en soulignant « le positionnement hybride qui les caractérise », entre conseil consultatif, forum, groupe de revendication et « vivier » susceptible « d’« alimenter » des instances institutionnelles avec des personnes accueillies le souhaitant ». Un grand écart qui amène l’agence à recommander de favoriser ce caractère mixte en confirmant la fonction de « forum » comme fonction socle, tout en renforçant le rôle consultatif et en organisant le « vivier ». Il s’agira ainsi pour ces instances de répondre au besoin des institutions en mobilisant rapidement des personnes accueillies et accompagnées dans leurs instances de pilotage (fonction de « vivier ») tout en restant compatibles avec l’identité initiale du CCPA et des CCRPA qui est d’être un « forum ».
Alors que la participation des usagers et bénéficiaires, « enjeu de plus en plus fort pour les politiques publiques », reste « un chantier difficile » à mettre en place, l’enjeu est de « bien repositionner CCPA et CCRPA au sein d’une architecture d’ensemble de la participation des personnes en situation d’exclusion », conclut le rapport.
(1) « Evaluation de la démarche de participation des personnes accueillies ou accompagnées au sein du CCPA et des CCRPA » – Mars 2015 – Disp. sur