Le constat est « préoccupant » : 2,5 millions d’adultes ayant été scolarisés en France, soit 7 % de la population, étaient en situation d’illettrisme en 2011, pointe France Stratégie dans une récente note d’analyse(1). De plus, 22 % des personnes âgées de 16 à 65 ans ont un « faible niveau de compétence dans le domaine de l’écrit » et 28 % « dans le domaine des chiffres », des proportions parmi les plus élevées au sein des pays occidentaux.
Parmi les raisons avancées pour expliquer cette situation, France Stratégie rappelle que si, « dans la majorité des pays, les générations les plus jeunes sont plus performantes que les autres, notamment en raison de l’augmentation du taux de scolarisation », cet écart générationnel est « particulièrement marqué » en France. En outre, « malgré une nette amélioration pour les jeunes générations, des difficultés dans la maîtrise des compétences de base persistent ». Enfin, les auteurs citent également des inégalités d’accès persistantes à la formation professionnelle selon le niveau de diplôme, l’âge, l’origine sociale ou encore le statut sur le marché du travail. Ils estiment cependant que, avec « une politique volontariste », la France pourrait viser un taux de 3,5 % d’adultes en situation d’illettrisme à l’horizon de dix ans, soit deux fois moins qu’aujourd’hui. Au-delà de la baisse « mécanique » du taux d’illettrisme de 7 à 5,4 % de la population d’ici à 2015 en raison de l’arrivée de nouvelles générations mieux formées et de la poursuite des actions de lutte contre l’illettrisme, ils recommandent d’agir plus spécifiquement en direction des seniors et des jeunes : « réduire le risque d’illettrisme pour tous les âges est un choix fort », argumentent-ils. « Dans un contexte de faible accès à la formation, de l’allongement de la vie professionnelle et d’intensification des changements technologiques, un ciblage des seniors se justifie tout autant qu’une prise en compte des situations d’illettrisme chez les jeunes identifiés lors des journées JDC [journée défense et citoyenneté] ».
Pour cela, France Stratégie propose, dans le cadre des politiques d’individualisation des droits à la formation, de mettre en place des « dotations spécifiques » pour les personnes en situation d’illettrisme, « afin d’assurer un socle minimum de compétences de base pour tous » ainsi qu’un « recalibrage des financements actuellement fléchés sur la lutte contre l’illettrisme ». Sachant qu’environ 160 millions d’euros par an sont actuellement dédiés aux politiques dans ce domaine et que les besoins annuels de financement pour réduire sensiblement les situations d’illettrisme sont estimés à environ 210 millions d’euros par an, ils jugent qu’il faudrait une augmentation d’environ 30 % des financements annuels existants, soit 50 millions d’euros supplémentaires.
Enfin, les auteurs de l’étude insistent sur le fait que « la lutte contre l’illettrisme requiert une mobilisation de tous les acteurs », jugeant que « c’est probablement là que réside la principale difficulté car il faudra bien identifier les personnes en situation d’illettrisme, parfois stigmatisées et souvent éloignées des dispositifs d’action publique, notamment pour cacher leurs difficultés ». Pour les jeunes, il s’agit de mener une action « précoce », qui peut s’organiser dans le cadre de la « journée défense et citoyenneté », tandis que pour les adultes, il faut mener une action « ciblée » en mobilisant les partenaires sociaux et les branches professionnelles, en s’appuyant sur le conseil en évolution professionnelle(2), en menant des actions plus spécifiques dans certains secteurs… En dehors du monde du travail, « il convient notamment de prendre en charge les parents dont les enfants font leur entrée à l’école et qui désirent les suivre et les aider dans leurs parcours d’apprentissage », suggère encore la note, préconisant de développer et d’amplifier les « actions éducatives familiales » qui s’inscrivent dans cette logique.
(1) Lutter contre l’illettrisme – Un impératif économique et social – Disp. sur
(2) Sur le conseil en évolution professionnelle, créé par la loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi, voir en dernier lieu ASH n° 2872 du 29-08-14, p. 37.