Face à l’aggravation de la crise migratoire en Europe(1), la présidence luxembourgeoise de l’Union européenne (UE) a décidé, le 31 août, de convoquer un Conseil « justice et affaires intérieures » (JAI) extraordinaire le 14 septembre à Bruxelles, « afin de faire un état des lieux de la pression sur le terrain, des actions politiques en cours et de délibérer des prochaines étapes pour renforcer la réponse européenne ». A cette occasion, les ministres européens de la Justice et des Affaires intérieures aborderont certainement la question de la pérennité – souhaitée par la Commission européenne – des mécanismes de réinstallation des réfugiés et de relocalisation des demandeurs d’asile, sur lesquels ils se sont difficilement accordés lors du conseil du 20 juillet dernier. « Certains pays sont pour un système permanent, d’autres sont contre, et il y aura un grand débat dans les prochains mois au sein du Conseil JAI », a expliqué le ministre luxembourgeois de l’Immigration et de l’Asile, le 31 août au cours d’une conférence de presse. L’élaboration d’une liste européenne des pays d’origine sûrs, proposée par la Commission, devrait également être à l’ordre du jour du Conseil JAI du 14 septembre.
Selon l’accord trouvé le 20 juillet au sein du Conseil, l’Union européenne devrait accueillir 54 760 migrants au cours des deux prochaines années. Les ministres européens de la Justice et des Affaires intérieures n’ont donc finalement pas réussi à atteindre l’objectif des 60 000 migrants proposés par la Commission européenne, principalement en raison de la non-participation de la Hongrie et des faibles engagements de l’Autriche, de l’Espagne, de la Pologne et des Pays-Bas. A contrario, la France contribuera largement à l’effort puisque, comme elle s’y était déjà engagée le 9 juillet, elle accueillera 9 127 migrants, à la condition notamment que des « zones d’attente », ou « hot spots », soient mises en place en Italie ou en Grèce pour « faire la distinction entre réfugiés et migrants irréguliers »(2).
Pour rappel, les Vingt-Huit, qui discutent depuis le printemps de la meilleure manière de faire face aux afflux massifs de migrants(3), avaient, en juin dernier, validé, sur le principe, les propositions de la Commission européenne en faveur d’un mécanisme exceptionnel et temporaire de relocalisation d’urgence – transferts de demandeurs d’asile situés en Grèce et en Italie vers d’autres pays membres de l’UE – et de réinstallation d’un pays tiers vers un Etat membre de l’UE de réfugiés reconnus par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Mais ils avaient rejeté l’idée de quotas obligatoires(4). Le 9 juillet, les ministres européens avaient trouvé un accord partiel sur la répartition des réfugiés entre Etats membres dans le cadre du dispositif de réinstallation. En revanche, sur le mécanisme de relocalisation des demandeurs d’asile, seuls trois Etats membres, dont la France, avaient affiché leurs objectifs d’accueil et l’adoption d’engagements chiffrés volontaires des autres pays avait été repoussée au 20 juillet dernier(5).
Ce jour-là, les ministres européens ont fini par se mettre d’accord pour relocaliser 32 256 migrants qui se trouvent actuellement en Grèce et en Italie, soit quand même 7 744 de moins que ce que proposait la Commission. Plus de la moitié de l’effort sera assumée par l’Allemagne et la France, qui accueilleront respectivement 10 500 et 6 752 personnes. Si le Parlement européen confirme cette orientation générale du Conseil lors de sa session plénière de septembre, les premières relocalisations devraient débuter en octobre 2015.
Lors de leur réunion, les ministres ont par ailleurs adopté des conclusions qui prévoient la réinstallation de 22 504 réfugiés se trouvant en dehors du territoire européen, soit 2 504 de plus que ce que prévoyait initialement la Commission. Cet objectif ambitieux s’explique surtout par la contribution de l’Irlande (520), de la Suisse (519) et de la Norvège (3 500), des pays qui n’étaient pourtant pas tenus de participer à la répartition. La France devrait, quant à elle, accueillir 2 375 réfugiés reconnus par le HCR et actuellement regroupées dans des campements en Turquie ou au Liban.
Autre sujet d’actualité : la liste commune de l’UE recensant les pays d’origine sûrs, que la Commission européenne pourrait présenter à la mi-septembre après avoir reçu l’aval des ministres européens le 20 juillet dernier.
La directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 sur les procédures d’asile permet aux Etats membres de désigner des pays d’origine sûrs dont les ressortissants voient l’examen de leur demande de protection internationale accélérée, et définit des critères communs et des procédures à suivre pour une telle désignation. La qualification de pays « sûr » permet de distinguer les ressortissants en danger – et donc susceptibles d’obtenir l’asile – des autres. Toutefois, il existe de larges disparités, notamment concernant les pays des Balkans, en raison de l’absence de coordination au niveau européen.
Dans leurs conclusions adoptées le 20 juillet, les ministres de la Justice et des Affaires intérieures estiment donc « qu’il importe de mettre en place rapidement une approche coordonnée entre les Etats membres en ce qui concerne la désignation au niveau national de pays tiers comme pays d’origine sûrs ». Et encouragent en conséquence « vivement » les Etats membres à évaluer les pays tiers susceptibles d’être désignés au niveau national comme pays d’origine sûrs. Une analyse qui, disent-ils, devrait se concentrer sur les Balkans occidentaux : « l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, le Monténégro et la Serbie ont été transférés sur la liste des pays dont les ressortissants sont exemptés de l’obligation de visa à compter du 19 décembre 2009, pour les uns, et du 15 décembre 2010, pour les autres. En outre, le taux moyen à l’échelle de l’UE de reconnaissance des demandes d’asile pour les pays des Balkans occidentaux était plutôt faible en 2014. Cela donne à penser que les pays des Balkans occidentaux pourraient être considérés comme étant des pays d’origine sûrs par tous les Etats membres. » La France, de son côté, a dans son viseur le Kosovo, dont le Conseil d’Etat a annulé en octobre dernier l’inscription sur la liste des pays d’origine sûrs(6).
(1) Selon les derniers chiffres rendus publics par l’Organisation internationale pour les migrations, plus de 350 000 migrants ont tenté d’arriver en Europe en passant par la Méditerranée depuis le début de l’année (contre quelque 219 000 en 2014), et 2 643 ont péri lors de ce voyage.
(2) Dans ces « hot spots », le bureau européen d’appui en matière d’asile, l’agence Frontex, Europol et les autorités de l’Etat membre concerné pourront procéder rapidement à l’identification, l’enregistrement et la prise d’empreintes digitales des migrants qui arrivent, afin de renvoyer ceux qui n’ont pas besoin d’une protection internationale.