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Empowerment, développement du pouvoir d’agir : du discours aux actes concrets

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Depuis une dizaine d’années, le conseil départemental de la Gironde s’est engagé dans une démarche d’empowerment, puis de développement du pouvoir d’agir, avec des effets sur les pratiques des intervenants, le regard des personnes accompagnées et les organisations institutionnelles. Lucienne Chibrac, directrice des interventions et du développement social et Brigitte Portal, formatrice à l’ANDA-DPA, reviennent sur les conditions d’une démarche réussie.

« Dans un contexte de questionnement profond sur l’action sociale, le travail social, l’avenir des formations et des métiers, les démarches d’empowerment et de développement de pouvoir d’agir (DPA) constituent une alternative crédible pour faire évoluer le secteur. C’est ce dont nous voulons témoigner à partir de l’expérience menée depuis près de dix ans par le conseil départemental de la Gironde.

Impulsée par la direction des interventions et du développement social (DIDS) – qui propose un conseil technique en action sociale et un appui aux pratiques professionnelles des cadres et intervenants sociaux de terrain – en lien avec le service “développement des compétences” de la direction des ressources humaines (pour le volet “formation”), la démarche associe, ces dernières années, deux associations porteuses de l’approche centrée sur le développement du pouvoir d’agir individuel et collectif (DPA PC)(1) : l’Association nationale pour le développement du pouvoir d’agir (ANDA-DPA) et l’Association internationale du développement du pouvoir d’agir (AIDPA).

La démarche engagée se veut pluridimensionnelle et combinatoire. Plusieurs éléments ont été pris en considération : le besoin exprimé par les – professionnels de retrouver des espaces de réflexion sur le sens de leur travail, en particulier sur la qualité de leurs liens avec les publics rencontrés ; la volonté de la direction de promouvoir la diversification des méthodes d’intervention (individuelle, collective, de développement social) et les approches participatives ; l’implication de la collectivité départementale dans les projets Agenda 21 et sa politique volontariste en matière de participation citoyenne et de lutte contre les inégalités.

L’idée fondamentale était de s’inscrire dans une approche globale permettant d’aborder la complexité des questions en jeu et leur interdépendance. C’est ainsi qu’en 2009, une démarche intitulée “Repenser le travail social” a été proposée aux cadres et aux professionnels de terrain. Un des axes était d’explorer les approches participatives dont l’empowerment, abordé en 2006 et 2007 au cours d’une formation sur l’accompagnement des bénéficiaires du RMI. Pour conduire cette expérience, le dialogue et la construction partagée ont été privilégiés ainsi que l’ouverture d’espaces d’intervention et d’échanges avec les habitants et les usagers.

Soutien des cadres et des élèves

Exigeante, une telle démarche requiert une vigilance permanente car elle connaît des rythmes d’accélération ou de ralentissement au gré des actualités institutionnelles et des préoccupations professionnelles. D’où l’importance du soutien continu de l’encadrement au plus haut niveau et des élus. Aujourd’hui, la démarche s’appuie sur un réseau de professionnels et de cadres allant au devant de leurs collègues pour partager leurs expériences et leurs questionnements car l’empowerment et le DPA ne sont ni des sciences exactes ni des solutions miracles…

Comment se traduit-elle ? Elle conjugue des supports réflexifs au service de l’action et un soutien technique des initiatives des équipes sur le terrain.

→ Les supports réflexifs relèvent de la formation, de la conduite de groupes de travail, de l’animation d’ateliers pratiques (par exemple sur les actions collectives et de développement social), de participations à des programmes européens de coopération (50 professionnels et cadres ont suivi à Stockholm une semaine de formation dans une entreprise sociale fonctionnant sur les principes d’empowerment), d’une réflexion sur l’accompagnement social, de journées ou de forums départementaux d’échanges d’expériences où la participation active des habitants est de plus en plus importante…

→ Le suivi et le soutien à des actions concrètes et pratiques mises en œuvre sur les territoires : on citera, par exemple, la démarche “culture et social” qui s’appuie sur l’accès à l’expression artistique et à la culture comme levier d’inclusion, les actions autour de l’autoproduction ou les actions de remobilisation et de reconquête de l’environnement pour les publics les plus isolés…

Découverte, ouverture, curiosité, dialogue, créativité, bon sens, débats contradictoires, savoirs d’expériences sont autant de leviers pour faire front avec les personnes et les groupes accompagnés face au quotidien partagé. Mais il serait impossible d’avancer sur ce chemin, rarement rectiligne, sans “compagnons de route” pluridisciplinaires – formateurs, philosophe du travail, sociologue, ethnologue – qui constituent pour la collectivité un réseau d’experts ressources indispensables.

Il convient toutefois d’être au clair sur les notions d’“empowerment”, de “pouvoir d’agir” et de “développement du pouvoir d’agir”, sources fréquentes de confusion. De quoi parle-t-on en effet ?

La traduction littérale d’“empowerment” ne convient pas en français car elle est longue et peu signifiante : “processus d’acquisition d’un pouvoir qui aboutit à un résultat”, de même que le néologisme “empouvoirisation”, même s’il est plus court. D’où les différentes appellations qui circulent comme “pouvoir d’agir” et “développement du pouvoir d’agir”. Cette dernière dénomination, qui a l’intérêt de rendre compte à la fois du processus et du résultat, tend ainsi à rentrer dans le vocabulaire courant dès lors que l’on veut parler de participation ou d’individu-acteur. Mais avant de se généraliser, cette formule a été inventée par le professeur Le Bossé, universitaire québécois, pour rendre compte d’une pratique qui vise la résolution de problèmes et l’accompagnement au changement, qu’il a d’ailleurs formalisée à travers l’“approche centrée sur le DPA PC” – développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités(2).

Des outils pour les professionnels

Il convient donc de distinguer l’empowerment, qui est une notion floue renvoyant à des logiques contradictoires (responsabilisation et activation de l’individu d’un côté ou émancipation et action collective de l’autre), “le pouvoir d’agir”, qui fait référence notamment à un collectif de fédérations et d’associations en France soutenant la mobilisation des citoyens dans les quartiers populaires, et le “développement du pouvoir d’agir” qui fait référence à l’“approche centrée sur le DPA PC”, une méthodologie de résolution de problèmes et d’accompagnement au changement. Après s’être intéressée à l’empowerment, la direction des interventions et du développement social, qui favorise depuis longtemps des pratiques de développement social et d’actions collectives, s’est ainsi tournée progressivement vers l’approche DPA PC pour outiller ses professionnels sur le plan de l’accompagnement individuel et collectif.

Centrée sur le développement du pouvoir d’agir individuel et collectif, cette méthode a été expérimentée par des praticiens de terrain dans différents pays. Et, malgré les variations de contextes, elle amène à un changement de posture du professionnel(3) qui permet aux personnes ensemble ou séparément d’agir sur ce qui est important pour elles, leurs proches ou leur groupe d’appartenance. L’expérience en cours dans le département de la Gironde montre qu’on peut passer d’un discours sur l’empowerment à des actes concrets, qui transforment les pratiques des intervenants, leur relation aux personnes accompagnées, le regard de celles-ci sur les professionnels mais aussi, sur le plan structurel, les organisations institutionnelles. Des effets dont on pourra d’ailleurs mesurer l’importance lors du deuxième congrès international qu’organise l’AIDPA avec le conseil départemental de la Gironde les 15 et 16 octobre prochain à Bordeaux(4). »

Contacts : l.chibrac@gironde.fr et portalbrigitte@gmail.com

Notes

(1) Au Québec, « Développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités ». En France, étant donné le sens attribué à « collectivités » nous utilisons plutôt « développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectifs » ou « développement du pouvoir d’agir individuel et collectif ».

(2) Au sens de collectifs.

(3) Brigitte Portal – « Vous avez dit posture ? » – In Développement du pouvoir d’agir, Une nouvelle approche de l’intervention sociale – Sous la direction de Claire Jouffray – Ed. Presses EHESP, 2014.

(4) « Développement du pouvoir d’agir : une nouvelle approche de l’intervention sociale ? Pour quels effets ? » – Bordeaux – contacts@aidpa.org.

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