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Les points clés de la loi réformant le droit d’asile

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Le projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile a été définitivement adopté le 15 juillet sur fond de désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Présenté en conseil des ministres il y a un an, le texte – qui transpose en droit français plusieurs directives européennes(1) – a fait l’objet de nombreuses critiques de la part d’associations qui en craignaient les conséquences sur les procédures et sur le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile. Expurgée de certains amendements polémiques, sa version finale a été un peu mieux accueillie (voir ce numéro, page16). Tour d’horizon des mesures clés de la nouvelle loi, qui seront mises en œuvre de façon progressive (voir encadré ci-dessous).

De nouveaux critères de protection

Dans son premier chapitre, le texte vise à clarifier les conditions dans lesquelles la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire peut être reconnu, en prenant directement appui, sur certains points, sur les dispositions de la directive « qualification ». Pour la reconnaissance de la qualité de réfugié, par exemple, « les actes et les motifs de persécutions » qui entrent en ligne de compte sont ceux de la convention de Genève, repris par la directive. Et il est désormais précisé que, s’agissant des motifs de persécutions, les aspects liés au genre et à l’orientation sexuelle sont dûment pris en considération.

Signalons également que la loi a modifié la définition de la protection subsidiaire pour mieux la faire coïncider avec la directive « qualification ». Ainsi, elle sera désormais accordée à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle « il existe des motifs sérieux et avérés de croire » qu’elle courrait dans son pays un « risque réel » de subir une des atteintes graves énumérées par le texte.

De nouvelles modalités d’examen

Tout en préservant les principes qui président à l’organisation de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et à l’examen des demandes, la nouvelle loi apporte plusieurs modifications qui rénovent profondément la procédure d’examen des demandes d’asile. La plupart résultent de la transposition des directives européennes « procédures » et « accueil ». Le texte développe, par exemple, au bénéfice de l’OFPRA les modalités procédurales, offertes par le droit européen, qui permettent d’écarter plus facilement les demandes les moins fondées comme la nouvelle « procédure accélérée », qui remplace la procédure prioritaire et qui vise les cas où la demande peut apparaître manifestement étrangère à un besoin de protection. L’office statuera ainsi automatiquement en procédure accélérée lorsque le demandeur provient d’un pays d’origine sûr ou s’il a présenté une demande de réexamen qui n’a pas d’emblée été jugée irrecevable. L’office pourra aussi, de sa propre initiative, statuer en procédure accélérée dans certains cas limitativement énumérés, notamment si l’étranger n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de la demande d’asile qu’il formule. Enfin, la nouvelle procédure pourra également être mise en œuvre par décision du préfet, là encore dans des situations bien précises. Par exemple en cas de demande d’asile tardive (non-présentation, sans motif légitime, par un étranger en situation irrégulière de sa demande d’asile dans le délai de 120 jours à compter de son entrée en France). Ces nouvelles règles vont devoir se conjuguer avec une garantie nouvelle : la possibilité pour l’OFPRA de reclasser en « procédure normale » la demande initialement classée en « procédure accélérée » par application de la loi ou sur l’initiative de l’autorité préfectorale, chaque fois que cela lui apparaît nécessaire au vu de la demande individuelle, pour assurer un examen approprié.

La nouvelle procédure accélérée ne peut être mise en œuvre à l’égard des mineurs non accompagnés que dans des cas précis (ressortissant d’un pays d’origine sûr ou présence constituant une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat). Par ailleurs, si l’office considère que le demandeur d’asile, en raison notamment des violences graves dont il a été victime ou de sa minorité, nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec l’examen de sa demande en procédure accélérée, il peut décider de ne pas statuer ainsi. En tout état de cause, le classement en procédure accélérée ne pourra plus être contesté que devant le juge de l’asile, à l’occasion du recours au fond contre la décision de l’office rejetant la demande d’asile.

Autre nouveauté : l’OFPRA pourra définir, pour toute la durée de la procédure d’examen de la demande, les modalités particulières d’examen qu’il estime nécessaires pour l’exercice des droits d’un demandeur en raison de sa situation particulière ou de sa vulnérabilité. Il pourra par ailleurs statuer par priorité sur les demandes manifestement fondées et sur celles qui sont présentées par des personnes vulnérables.

L’évaluation de la demande d’asile

La nouvelle loi redéfinit les modalités d’instruction de la demande d’asile en transposant certaines dispositions figurant dans la directive « qualification ». Elle pose, par exemple, le principe de coopération du demandeur d’asile à l’évaluation de sa demande, qui implique notamment l’obligation pour l’intéressé d’apporter tous les éléments nécessaires pour étayer sa requête. Transposant également des dispositions de la directive « procédures », elle pose l’obligation pour l’OFPRA de convoquer le demandeur d’asile à un entretien personnel (sauf si son dossier suffit à justifier une décision favorable ou si des raisons médicales durables et indépendantes de la volonté de l’intéressé interdisent l’entretien). L’intéressé sera entendu dans la langue de son choix (sauf s’il existe une autre langue dont il a une connaissance suffisante) et, innovation majeure, pourra se présenter à l’entretien accompagné d’un avocat ou d’une association habilitée.

A noter : le texte affirme l’indépendance de l’OFPRA, spécifiant noir sur blanc qu’il exerce « en toute impartialité ses missions », « ne reçoit, dans leur accomplissement, aucune instruction » et que « l’anonymat des agents chargés de l’instruction des demandes d’asile et de l’entretien personnel mené avec le demandeur est assuré ».

Des procédures particulières

La loi introduit dans le droit français des procédures nouvelles, prévues par la directive « procédures », qui concernent les demandes irrecevables – comme par exemple celle d’un demandeur bénéficiant d’une protection effective au titre de l’asile dans un Etat membre de l’Union européenne – le retrait implicite d’une demande d’asile ou bien encore le traitement des demandes de réexamen (le demandeur doit dorénavant indiquer par écrit les faits et produire tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande). Objectif poursuivi : permettre de traiter plus rapidement et plus efficacement certaines situations spécifiques qui ne justifient pas un examen au fond analogue à celui qui est diligenté de manière générale.

Le législateur a encore apporté plusieurs modifications substantielles à la procédure d’asile en rétention, supprimant notamment le caractère automatique du maintien en rétention de l’étranger présentant une demande d’asile et du classement de cette demande en procédure accélérée. Des modifications sont également apportées à la procédure d’asile à la frontière, qui a pour objet d’autoriser ou non à pénétrer sur le territoire français les étrangers qui se présentent aux frontières aéroportuaires démunis des documents requis et sollicitent d’y être admis au titre de l’asile. Le ministre de l’Intérieur peut par exemple, dorénavant, rejeter la demande non seulement si elle est manifestement infondée, mais aussi si elle relève de la responsabilité d’un autre Etat membre selon le règlement de Dublin, ou si elle est irrecevable.

Le dispositif d’accueil

Un chapitre entier de la nouvelle loi est consacré à l’accès à la procédure d’asile et à l’accueil des demandeurs d’asile. Premier objectif affiché : simplifier le parcours du demandeur d’asile et lui permettre d’accéder le plus rapidement possible à la procédure. Pour ce faire, l’idée est de créer un point unique d’enregistrement de sa demande et d’entrée dans la procédure d’asile (que la personne dispose ou non déjà d’un titre de séjour). La France se conforme ainsi aux nouvelles obligations européennes en matière d’enregistrement de la demande d’asile, à savoir permettre l’enregistrement de la demande dans les trois jours suivant sa présentation auprès de l’autorité administrative compétente. Parallèlement, le législateur a voulu simplifier le régime du droit au maintien sur le territoire et rompre avec le dispositif en vigueur auparavant, qui reposait sur une distinction entre les demandeurs d’asile provisoirement admis au séjour et ceux qui ne le sont pas. Conformément à la directive « procédures », la loi confère à tous les demandeurs d’asile le droit au maintien sur le territoire – le temps de l’examen de la requête – matérialisé à travers une attestation de demande d’asile délivrée après l’enregistrement.

Tous les demandeurs ont accès au dispositif national d’accueil, dont l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) est le maître d’œuvre et qui repose dorénavant sur un double mécanisme : d’une part, un schéma national des places d’hébergement incluant l’ensemble des dispositifs existants auparavant, décliné par régions ; d’autre part, une orientation nationale directive des intéressés vers ces lieux d’hébergement, avec un retrait des conditions d’accueil en cas de refus par les demandeurs. Autre nouveauté (pour laquelle un décret d’application est toutefois attendu): les demandeurs d’asile qui ont accepté les conditions matérielles d’accueil proposées par l’OFII se verront verser une « allocation pour demandeur d’asile » (ADA) s’ils satisfont à des conditions d’âge et de ressources.

On signalera encore que le législateur a voulu mieux définir et renforcer les droits du bénéficiaire de la protection en matière d’accès aux droits, de réunification familiale et de documents de voyage.

Enfin, la loi consacre une garantie nouvelle en prévoyant de manière générale le caractère suspensif du recours devant la Cour nationale du droit d’asile, au bénéfice de l’ensemble des demandeurs d’asile, sans distinction selon la nature de la procédure d’examen dont leur demande a fait l’objet (normale ou accélérée). Elle fixe par ailleurs des délais d’examen des recours : cinq mois en procédure normale, cinq semaines si la demande a fait l’objet d’un examen accéléré ou d’une décision d’irrecevabilité.

[Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, J.O. du 30-07-15]
Une mise en œuvre progressive

La mise en œuvre de la réforme va s’effectuer sur le plan juridique de façon progressive. Si les dispositions d’effet direct – qui concernent essentiellement les conditions d’instruction des demandes – sont entrées en vigueur le 20 juillet, les dispositions relatives à l’enregistrement des demandes, aux différentes procédures applicables, au droit au maintien sur le territoire ou bien encore relatives à l’hébergement et à l’allocation pour demandeur d’asile entreront pour leur part en vigueur le 1er novembre.

[Circulaire du 13 juillet 2015, NOR : INT/K/15/17035/J, disp. sur http://circulaires.legifrance.gouv.fr]
Notes

(1) Directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 (« qualification »), directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 (« procédures ») et directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 (« accueil »).

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