Après un parcours législatif houleux débuté en octobre dernier, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a été définitivement adoptée par les parlementaires le 22 juillet dernier. Porté par Ségolène Royal, ce texte comprend 215 articles, dont cinq – notamment celui sur le gaspillage alimentaire (voir encadré ci-contre) – ont été censurés par le Conseil constitutionnel le 13 août. Tour d’horizon des dispositions intéressant le secteur.
Avant toute chose, la loi élève au rang législatif la lutte contre la précarité énergétique. Elle modifie à cet effet l’article 100-1 du code de l’énergie pour y indiquer expressément que la politique énergétique consiste désormais notamment à garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous les ménages à l’énergie sans coût excessif au regard de leurs ressources ainsi qu’à lutter contre la précarité énergétique. Pour y parvenir, précise le texte, l’Etat, en cohérence avec ses partenaires (collectivités territoriales, associations…), veille en particulier à garantir aux personnes les plus démunies l’accès à l’énergie ainsi qu’aux services énergétiques, et à assurer l’information de tous et la transparence, notamment sur les coûts et les prix des énergies ainsi que sur l’ensemble de leurs impacts sanitaires, sociaux et environnementaux.
Dans ce cadre, les parlementaires ont adopté une disposition par laquelle « la France se fixe comme objectif de rénover énergétiquement 500 000 logements par an à compter de 2017 [1] dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes, visant ainsi une baisse de 15 % de la précarité énergétique d’ici à 2020 ».
Par ailleurs, d’ici au 18 février 2016(2), le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport faisant état :
→ de l’ensemble des financements permettant l’attribution de subventions pour la rénovation énergétique des logements occupés par des ménages aux revenus modestes ;
→ de l’opportunité de leur regroupement au sein d’un fonds spécial concourant à la lutte contre la précarité énergétique ;
→ des modalités d’instauration d’un tel fonds.
La loi prévoit également la possibilité d’équiper, s’ils le souhaitent, les consommateurs titulaires du tarif social « électricité » ou « gaz » d’un boîtier, situé dans leur habitation, faisant apparaître les données de comptage (exprimées en euros) de leur consommation. Selon les députés, « une telle installation permettra aux consommateurs en situation de précarité énergétique de suivre l’évolution de leur consommation en temps réel [et] ainsi de pouvoir adapter leur comportement et de réduire le montant de leur facture » (Rap. A.N. n° 2230, tome 1, 2014, page 248). Les fournisseurs d’énergie mettront aussi à la disposition de ces consommateurs des systèmes d’alerte liés au niveau de leur consommation ainsi que des éléments de comparaison issus de moyennes statistiques fondées sur les données de consommation locales et nationales.
L’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit que les fournisseurs d’électricité, de chaleur et de gaz ne peuvent interrompre la fourniture de ces énergies dans une résidence principale en raison du non-paiement des factures, entre le 1er novembre et le 15 mars de l’année suivante. Les fournisseurs d’électricité peuvent néanmoins réduire la puissance sauf pour les bénéficiaires du tarif social. Mais la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové a repoussé du 15 mars au 31 mars la date de la fin de la trêve hivernale des expulsions locatives(3). Sur les recommandations du Médiateur de l’énergie(4), les parlementaires ont donc décidé d’aligner la date de la fin de la trêve hivernale de l’énergie sur celle de la fin de la trêve hivernale locative : désormais, la trêve hivernale de l’énergie s’applique du 1er novembre au 31 mars de l’année suivante.
Afin de soutenir les consommateurs en situation de précarité énergétique, la loi crée le « chèque énergie », un titre spécial de paiement permettant aux ménages dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un certain plafond d’acquitter tout ou partie du montant des dépenses d’énergie relatives à leur logement ou des dépenses qu’ils assument pour l’amélioration de la qualité environnementale ou de la capacité de maîtrise de la consommation d’énergie de ce logement. Le nouveau dispositif sera expérimenté dès 2016 selon des modalités fixées par décret, avant d’être généralisé au plus tard le 1er janvier 2018. A cette échéance, il remplacera les tarifs sociaux « électricité » et « gaz ». Signalons que, dans le cadre de l’expérimentation, l’Etat pourra aussi autoriser l’utilisation du chèque énergie pour l’achat d’équipements électriques lorsque le remplacement d’un ancien équipement permet un gain substantiel de performance énergétique. Seront tenus d’accepter ce mode de règlement les fournisseurs et les distributeurs d’énergie, les gestionnaires de logements-foyers conventionnés au titre de l’aide personnalisée au logement et les professionnels ayant facturé les dépenses d’amélioration de la qualité environnementale ou de maîtrise de la consommation des logements.
Le montant de l’aide sera modulé en fonction du nombre de membres et des revenus du ménage. Le chèque énergie sera nominatif et sa durée de validité limitée. Cette durée sera différente selon que le chèque est utilisé pour acquitter des factures d’énergie ou des dépenses d’amélioration de la qualité environnementale ou de maîtrise de la consommation d’énergie du logement. Dans tous les cas, le chèque sera périmé s’il n’a pas été utilisé avant la fin du deuxième mois suivant l’expiration de sa durée de validité. Concrètement, le chèque énergie, accompagné d’une notice d’information et de conseils en matière d’efficacité et de bonne gestion énergétiques du logement et des appareils électriques, sera attribué à ses bénéficiaires par l’Agence de services et de paiement(5). Celle-ci procédera sur la base d’un fichier établi par l’administration fiscale faisant apparaître la liste des personnes remplissant les conditions pour bénéficier de l’aide et les éléments nécessaires au calcul de son montant.
A noter : les occupants des résidences sociales conventionnées au titre de l’aide personnalisée au logement pourront bénéficier d’une aide spécifique lorsqu’ils n’ont pas la disposition privative de la chambre ou du logement qu’ils occupent. Cette aide sera versée par l’Agence de services et de paiement au gestionnaire de la résidence sociale, à sa demande, lequel la déduira, sous réserve des frais de gestion, du montant des redevances quittancées, précise la loi.
Reprenant une suggestion du Médiateur de l’énergie(6), députés et sénateurs ont voté une disposition interdisant aux fournisseurs d’électricité ou de gaz naturel de facturer des rattrapages de consommation de plus de 14 mois. Durée qui se calcule à partir du dernier relevé ou autorelevé, sauf en cas de défaut d’accès au compteur, d’absence de transmission par le consommateur d’un index relatif à sa consommation réelle ou de fraude. Objectif : éviter que les consommateurs en difficulté financière ne basculent dans la précarité énergétique ou ne voient leur situation s’aggraver lorsqu’ils y sont déjà confrontés. Cette disposition entrera en vigueur le 18 août 2016 (7) et s’appliquera aux consommations d’électricité ou de gaz facturées à compter de cette date.
Inscrite initialement dans une proposition de loi finalement vidée de son sens, puis mise en avant via une pétition du conseiller municipal de Courbevoie (Hauts-de-Seine) Arash Derambarsh(8), la lutte contre le gaspillage alimentaire avait finalement fini par trouver sa place au sein de l’article 103 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte avec, notamment, l’interdiction faite aux distributeurs du secteur alimentaire de rendre délibérément leurs invendus encore consommables impropres à la consommation ou encore l’interdiction de prévoir toute stipulation contractuelle faisant obstacle au don de denrées alimentaires vendues sous marque de distributeur.
Des dispositions introduites par voie d’amendements en toute fin de débats parlementaires, adoptées à l’unanimité, mais censurées par le Conseil constitutionnel au motif que « ces adjonctions n’étaient pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion ». Au final, seule demeure inscrite dans la loi une disposition permettant à l’Etat et à ses établissements publics ainsi qu’aux collectivités territoriales de mettre en place, avant le 1er septembre 2016, une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire au sein des services de restauration collective dont ils assurent la gestion.
Prenant acte de la censure du Conseil constitutionnel, la ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie devait réunir le 27 août les représentants de la grande distribution pour leur proposer d’appliquer « de manière volontariste et contractuelle ce que prévoyait la loi » et qui a été simplement invalidé pour des raisons de procédure. Elle envisage, faute d’accord, de passer par la loi. Exprimant des doutes quant au succès de cette démarche, un groupe de sept sénateurs (UDI et Les Républicains) a déposé, dès le 17 août, une proposition de loi visant à lutter contre le gaspillage alimentaire reprenant les termes de l’article censuré. Selon son exposé des motifs, « un texte identique sera également déposé à l’Assemblée nationale par Frédéric Lefebvre », député du groupe Les Républicains. Auteur d’un rapport sur le sujet remis en avril dernier à Ségolène Royal, le député socialiste Guillaume Garot a également fait savoir que, en accord avec la ministre, il déposerait lui aussi une proposition de loi en ce sens sur le bureau de l’Assemblée nationale.
(1) A cette fin, l’article 20 de la loi crée un fonds de garantie pour la rénovation énergétique – placé auprès de la Caisse des dépôts et consignations – qui pourra octroyer, à titre individuel, des prêts destinés au financement des travaux de rénovation aux personnes remplissant une condition de ressources qui doit être précisée par décret.
(2) C’est-à-dire dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.
(5) L’Agence de services et de paiement est un établissement public placé sous la tutelle de l’Etat qui a notamment pour mission d’assurer la gestion administrative et financière d’aides publiques (instruction des demandes, exécution des paiements…).
(7) C’est-à-dire un an après la promulgation de la loi.