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Adaptation de la procédure pénale au droit de l’UE : plus des deux tiers de la loi jugés contraires à la Constitution

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La loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne (UE) a été définitivement adoptée par le Parlement le 23 juillet dernier… Mais c’était sans compter la sévère intervention du Conseil constitutionnel qui, dans sa décision du 13 août, a censuré 28 des 39 articles du texte – dont la plupart avaient été introduits par le gouvernement au cours des discussions à l’Assemblée nationale – au motif qu’ils n’ont « pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial » qui n’en comprenait que huit. Parmi les dispositions jugées contraires à la Constitution, signalons celles qui sont relatives à la création d’un dispositif de sur-amende destiné à financer l’aide aux victimes ou encore celles qui permettent la transmission d’informations entre les services du ministère de la Justice et les administrations concernant les infractions graves commises à l’encontre des mineurs. Dans un communiqué, la garde des Sceaux « prend acte de la sanction » de ces différentes mesures et indique vouloir s’assurer qu’elles « puissent de nouveau être soumises à l’examen du Parlement dans les meilleurs délais ».

Les dispositions validées

La loi comprend plusieurs articles applicables à compter du 1er octobre prochain et permettant de transposer dans le code pénal et le code de procédure pénale français certaines réglementations européennes, telles que :

→ la décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution(1) ;

→ la directive 2011/99/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la décision de protection européenne(2). Les victimes de violences pourront ainsi bénéficier d’une protection équivalente à celle qu’elles reçoivent dans leur Etat lorsqu’elles se rendent ou voyagent dans un autre pays de l’UE. Une décision qui emporte pour la personne suspectée, poursuivie ou condamnée et pouvant être à l’origine d’un danger encouru par la victime de l’infraction de se soumettre à un certain nombre d’obligations (interdiction de se rendre dans certains lieux, interdiction d’approcher la victime…). En cas de non-respect des obligations ou interdictions, l’intéressé s’expose à une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

Les parlementaires ont également adopté une disposition tendant à transposer dans le droit français, à compter du 15 novembre prochain, la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes(3). Ainsi, il sera désormais inscrit dans le code de procédure pénale que les services de police judiciaire doivent informer par tout moyen les victimes de leur droit d’obtenir réparation de leur préjudice, de se constituer partie civile, d’être assistées d’un avocat, d’être aidées par une association d’aide aux victimes, d’être informées sur les mesures de protection dont elles peuvent profiter, de bénéficier d’un interprète, de déclarer comme domicile l’adresse d’un tiers sous réserve de l’accord de celui-ci… Des droits dont les modalités de mise en œuvre sont précisées dans la loi. En outre, les victimes pourront, « dès que possible », faire l’objet d’une évaluation personnalisée afin de déterminer si elles ont besoin de mesures spécifiques de protection au cours de la procédure pénale(4).

Les articles censurés

En revanche, le Conseil constitutionnel a notamment invalidé les articles suivants de la loi :

→ l’article 9 – et, par coordination, l’article 38, III prévoyant sa date d’entrée en vigueur – qui assortissait les amendes prononcées en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle d’une majoration maximum de 10 % destinée à financer l’aide aux victimes ;

→ l’article 10 qui permettait d’ordonner, dans le cadre du jugement de certains crimes ou délits (actes de barbarie, crime contre l’humanité…) le huis clos pour l’audition de témoins ou de ne pas révéler leur identité si leur déposition publique est susceptible de les mettre en danger ou bien leurs familles et leurs proches ;

→ l’article 12 qui disposait que les décisions de mise à exécution de tout ou partie de l’emprisonnement prévu en cas de non-respect de la contrainte pénale(5) ou des mesures, obligations ou interdictions prononcées dans ce cadre, sont exécutoires par provision, c’est-à-dire commencent juridiquement à s’exécuter le jour de leur prononcé ;

→ l’article 13 qui, en cas d’absence de l’interessé lors de l’audience sur le prononcé de la contrainte pénale, rendait exécutoire cette peine à compter du jour où le condamné avait connaissance de la signification de la décision ou se l’était vu personnellement notifier ;

→ les articles 15 et 16 qui, lorsque le juge prescrit à une personne condamnée pour un délit passible d’une peine d’emprisonnement d’accomplir respectivement un stage de citoyenneté ou un travail d’intérêt général (TIG), lui permettaient de prononcer ces peines en l’absence du prévenu à l’audience ;

→ l’article 17 qui fixait la durée maximale et le montant maximal, pour le condamné, de la peine d’accomplissement d’un stage (sensibilisation aux dangers de la drogue, responsabilité parentale…) ;

→ l’article 18 qui imposait au juge de motiver les peines d’emprisonnement sans sursis ou ne faisant pas l’objet d’un aménagement de peine ;

→ l’article 19 qui permettait de prononcer un sursis avec mise à l’épreuve en cas de récidive légale(6) ;

→ l’article 20 qui autorisait la juridiction, lorsqu’elle assortit le sursis à exécution de la peine d’emprisonnement d’une obligation d’accomplir un TIG, d’ordonner ce sursis en l’absence du prévenu à l’audience ;

→ l’article 21 qui permettait au juge de l’application des peines de convertir une peine d’emprisonnement ferme en sursis avec mise à l’épreuve ou en contrainte pénale ;

→ l’article 27 qui disposait que l’impact sur le condamné des conditions matérielles de détention et du taux d’occupation de l’établissement pénitentiaire devait être pris en compte dans l’appréciation de ses efforts de réinsertion pour l’octroi de réductions supplémentaires de peine ;

→ l’article 28 qui portait de quatre à six mois le délai maximal dans lequel le juge devait examiner une demande d’aménagement de peine pour les condamnés non incarcérés ;

→ l’article 30 qui autorisait le parquet à informer une administration de la condamnation, même non définitive, d’une personne dont l’activité professionnelle ou sociale est placée sous son contrôle lorsque, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, cette information est nécessaire à l’exercice de ce contrôle ;

→ l’article 31 qui sanctionnait la méconnaissance de l’interdiction d’enseigner, d’animer ou d’encadrer une activité sportive ou physique auprès de mineurs, à titre rémunéré ou bénévole ;

→ l’article 33 qui prévoyait l’impossibilité d’exploiter ou de diriger un établissement, service ou lieu de vie régi par le code de l’action sociale et des familles en cas de condamnation définitive pour des faits d’infraction sexuelle sur mineurs ;

→ l’article 34 qui permettait aux directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation d’accéder au bulletin n° 1 du casier judiciaire(7) des condamnés afin de mieux individualiser leurs modalités de prise en charge, notamment de proposer à ceux qui sont incarcérés un aménagement de peine ou – ce qui est nouveau – une libération sous contrainte.

[Loi n° 2015-993 du 17 août 2015 et décision du Conseil constitutionnel n° 2015-719 DC du 13 août 2015, J.O. du 18-08-15]
Notes

(1) Dans les relations avec les Etats membres qui n’ont pas transposé cette décision-cadre, les dispositions du code de procédure pénale ainsi que les instruments juridiques existants en matière de surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition en vigueur au 6 décembre 2011 restent applicables.

(2) Voir ASH n° 2738 du 23-12-11, p. 23.

(3) Voir ASH n° 2778 du 12-10-12, p. 44.

(4) Voir ASH n° 2919-2920 du 17-07-15, p. 20.

(5) Sur le dispositif de la contrainte pénale, voir ASH n° 2911 du 22-05-15, p. 47.

(6) La récidive légale consiste en la commission d’une deuxième infraction dans les conditions précisées par la loi après que son auteur a été condamné définitivement pour une première infraction. Les infractions commises ne répondant pas aux conditions de la récidive légale relèvent de la réitération.

(7) Ce bulletin comporte l’ensemble des condamnations et des décisions contenues dans le casier judiciaire et n’est actuellement destiné qu’aux seules autorités judiciaires.

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