En 2008, le réalisateur Jacques Audiard dépeignait le quotidien d’une prison centrale dans Un prophète. Les gangs, les trafics, la violence, il les avait alors largement explorés. Avec Dheepan, primé à Cannes (Palme d’or 2015), il ressuscite ces ingrédients hors les murs de la prison. Les guerres de gangs dans les cités de banlieue sont-elles aussi violentes que les guerres civiles ? En quittant le Sri Lanka pour se réfugier en France, son nouveau héros, Dheepan, ancien soldat des Tigres de libération de l’Eelam tamoul, qui a vu femme et enfants se faire massacrer, passe en tout cas d’une horreur à une autre. Après un séjour en centre d’accueil pour demandeurs d’asile et la vente de gadgets à 2 € dans les restaurants, il parvient à tromper l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) en se présentant avec de faux papiers, une fausse histoire et une fausse famille – une jeune femme Yalini prend le rôle de son épouse tandis qu’une orpheline, Illayal, trouvée dans un camp, se fait passer pour sa fille. On propose à la famille un logement et à Dheepan un métier : gardien d’immeuble dans la cité du Pré. Dans cette barre d’immeubles délabrés de la banlieue parisienne règnent les trafiquants. Ils occupent les couloirs, guettent sur les toits, bloquent les ascenseurs, sèment la terreur. Dheepan et sa famille fictive ont du mal à comprendre ce à quoi s’occupent tous ces hommes. Ils comprennent simplement que là, sous leurs fenêtres, ils retrouvent la guerre qui les hante. Alors qu’ils cherchaient la paix, une vie normale. En s’efforçant d’améliorer le quotidien de la communauté – en réparant les ascenseurs, en dessinant une no shoot zone (« zone sans tirs ») –, Dheepan se fait des ennemis. Quand Brahim, le chef du réseau de la cité, sort de prison et devient l’employeur de Yalini – elle fait le ménage et la cuisine chez son oncle –, les incidents se multiplient, de plus en plus violents. Ils affolent Yalini et Illayal, qui rêvent d’un avenir meilleur en Angleterre, mais galvanisent Dheepan, qui retrouve peu à peu sa posture de combattant. Dheepan n’est pas seulement un film empathique sur le sort des migrants, leur confrontation à l’administration incompréhensible et la découverte de mœurs étranges, ce n’est pas non plus qu’un docu-fiction pertinent sur une cité de non-droit, c’est aussi l’histoire, hypnotisante, de trois êtres humains qui se connaissent à peine et tentent de se construire un foyer.
Dheepan
Jacques Audiard – 1 h 50 – En salles le 26 août