Créativité centrale

« J’écris pour ressasser tous ces délires toutes ces pensées […] J’écris pour apaiser ma douleur, essayer de réparer mes erreurs […] J’écris sous écrou, sans tabou », chante Sans Tiep dans la chanson Bataille. Le CD Casse muraille comprend cinq titres aux styles très différents : deux reggae (en anglais), un morceau acoustique, un funk et une chanson française à texte. Les compositeurs-interprètes ? Tous des détenus de la maison centrale de Saint-Maur (Indre), où Casse muraille a été entièrement écrit (textes et musiques) et enregistré (en studio nomade). Depuis 2011, un groupe musical, les Titi Twister, s’était monté dans la prison avec la participation du musicien professionnel Fabien Thomas. « Ils proposaient des concerts dans la salle de spectacle plusieurs fois par an, retrace Jean-Marc Le Bruman, coordonnateur culturel pour le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation) de l’Indre. Un jour, le bluesman Chaek[1] est venu jouer avec eux. Le feeling est si bien passé avec les personnes sous écrou qu’il a proposé de faire un disque avec eux ! » Les détenus n’y croyaient pas, tant le projet leur semblait inatteignable. « C’est vrai qu’un projet pareil dans une centrale, c’est comme de déplacer des montagnes », confirme Jean-Marc Le Bruman, qui a dû faire appel à une plateforme de financement participatif pour finaliser le projet et la fabrication du disque. Non seulement la lourdeur administrative des services pénitentiaires va à l’encontre du processus de création, mais en plus le temps accordé – un jour par mois pendant un an et une semaine pour l’enregistrement – était insuffisant. » Mais le résultat est là. Casse muraille raconte par la force des choses ce qui préoccupe Vincent (bassiste), Thierry (saxophone), Fabien (trombone), Charles (chant) ou Paco (guitare) : les erreurs de jeunesse, le bonheur recherché, la foi, la justice, le racisme… La jaquette du disque et tous les visuels ont été créés par un groupe d’une dizaine de détenus de Saint-Maur avec l’auteur de bande dessinée Laurent Astier. Egalement réalisé dans la centrale par un groupe de détenus coachés par le photographe Gilles Roger, un clip vidéo en stop motion illustre, dans un formidable travail de maquettes montées avec trois fois rien, la chanson Mes premiers pas.