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Projet de loi « immigration » : les associations exigent plus de droits pour les étrangers

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Pour les organisations de lutte contre l’exclusion et d’aide aux migrants, le texte amendé par les députés, malgré des avancées, n’est pas encore à la hauteur d’une politique ambitieuse d’accueil et d’intégration. Elles notent même quelques reculs.

Favoriser l’accès à un titre de séjour pluriannuel dans le cadre d’un parcours d’intégration et attirer les « talents » tout en renforçant la lutte contre l’immigration irrégulière. Tels sont les principaux objectifs du projet de loi relatif au droit des étrangers, adopté par l’Assemblée nationale le 23 juillet, quelques jours après le vote définitif, le 15 juillet, du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile(1). Ce second texte sur les étrangers porté par le ministère de l’Intérieur, examiné en procédure accélérée et qui devrait passer entre les mains des sénateurs cet automne, suscite de nombreuses réserves et oppositions du côté associatif et syndical. « A quand une vraie réforme, respectueuse des droits des étrangers ? », s’interrogent l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, la Cimade, la FASTI, le Groupe d’information et de soutien des immigrés, la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat de la magistrature dans un communiqué commun.

Logique de contrôle

Les organisations déplorent l’absence de rupture avec la législation en vigueur. Elles relèvent notamment les silences du texte « sur le sort des personnes enfermées dans les zones d’attente et de toutes les personnes qui vivent en France sans titre de séjour, parfois dans la précarité depuis de nombreuses années », tels les travailleurs sans papiers. « Prétendant apporter des améliorations en matière de séjour, le texte perpétue voire aggrave la précarité de la situation des personnes en situation régulière », estiment les six organisations. En cause notamment : l’obligation pour l’étranger de pouvoir justifier à tout moment qu’il continue de satisfaire aux conditions de délivrance de son titre de séjour. « La carte pluriannuelle, présentée comme une grande avancée, peut être retirée à tout moment, et l’accès à la carte de résident, seule garantie de leur sécurité juridique, reste limité », ajoutent-elles. Les députés n’ont de surcroît pas supprimé les dispositions très critiquées donnant aux préfets le pouvoir de requérir, dans le cadre du contrôle des éléments fournis pour bénéficier du droit au séjour, des informations ou documents auprès d’institutions, organismes ou établissements (scolaires, de santé…), sans que soit opposé le secret professionnel. La possibilité d’interpeller à leur domicile les étrangers faisant l’objet d’une procédure d’éloignement a également été maintenue.

« Les personnes étrangères ont besoin de droits pour s’intégrer, et non de s’intégrer pour mériter des droits », estiment encore les six signataires. C’est dans cet esprit que la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, avec le Secours catholique, Emmaüs France et la Cimade, avait souhaité que le contrat d’accueil et d’intégration soit assorti d’un accompagnement personnalisé, « allant au-delà d’une simple contrainte pour l’étranger ». Parmi ses recommandations, France terre d’asile avait également préconisé que le contrat ne se borne pas à des démarches « sans suivi réel ». Les députés ont, semble-t-il, entendu le secteur associatif en prévoyant dans ce cadre « un accompagnement adapté » aux besoins de l’étranger pour favoriser son intégration.

En matière de droit au séjour, le texte a notamment le mérite de revenir sur la réforme du titre de séjour pour soins intervenue en 2011, en réintroduisant la notion de bénéfice effectif d’un traitement approprié dans le pays d’origine, au lieu de la simple existence de ce dernier. Progrès toutefois limité, pour les associations, par les modalités de l’évaluation médicale prévues par le projet de loi. Celle-ci serait confiée à un collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Les députés ont aussi renforcé le droit au séjour des parents d’enfants malades et des personnes victimes de violences conjugales ou familiales. Ils ont adopté une disposition accordant de plein droit la carte de résident de dix ans aux conjoints de Français et aux parents d’enfants français pouvant justifier de trois ans de séjour régulier. Une carte de résident permanent pourrait être délivrée de plein droit aux étrangers âgés de plus de 60 ans titulaires d’une carte de résident et qui en sollicitent le renouvellement. Une autre disposition prévoit d’accorder « dans les plus brefs délais » une carte de séjour temporaire aux bénéficiaires d’une ordonnance de protection en raison de la menace d’un mariage forcé. Le texte facilite, par ailleurs, l’accès à la nationalité française des enfants entrés en France avant l’âge de six ans.

La rétention des mineurs toujours possible

En matière d’éloignement, Forum réfugiés-Cosi s’alarme en particulier de l’instauration d’un délai de recours de 15 jours pour les personnes déboutées de leur demande d’asile, au lieu de 30 jours actuellement. L’association se félicite en revanche que le texte amendé par les députés avance l’intervention du juge des libertés et de la détention à 48 heures après le placement en rétention, au lieu des cinq jours applicables depuis la réforme de 2011. Parmi les déceptions associatives figure aussi l’encadrement du placement en rétention de personnes accompagnées de mineurs, que le texte limite à certaines situations, sans le proscrire. Les associations restent d’ailleurs sur leur faim sur l’ambition de réduire les placements en rétention, qui, selon le texte, seraient prononcés quand la personne risquerait de se soustraire à son obligation de quitter le territoire. « Le projet de loi prévoit seulement de renforcer les conditions de l’assignation à résidence, sans proposer de véritables mesures alternatives à la rétention », ont ainsi regretté France terre d’asile, Forum réfugiés-Cosi, l’Assfam et l’Ordre de Malte. Le projet de loi sécurise, en effet, l’intervention des forces de l’ordre pour assurer l’exécution des mesures d’éloignement.

Autre disposition très décriée : l’instauration d’une mesure nouvelle d’interdiction de circulation sur le territoire français pour les ressortissants de l’Union européenne ayant commis des troubles graves à l’ordre public ou en situation d’« abus de droits ». Ce qui, selon les associations, nuit de manière disproportionnée à leur liberté de circulation. Et vise à mots à peine couverts les populations rom.

Notes

(1) Sur lequel les ASH reviendront dans un prochain numéro.

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