Lancée il y a trois ans, la refonte des diplômes de niveau V est près d’aboutir, dans un contexte nouveau : depuis ces derniers mois, le projet de réforme de l’architecture des diplômes du travail social, dont l’issue sera connue à la conclusion des « états généraux du travail social », à la fin octobre, a en effet donné une nouvelle teneur aux débats. Les référentiels du nouveau diplôme, qui avait d’abord vocation à rapprocher les formations d’aide médico-psychologique (AMP) et d’auxiliaire de vie sociale (AVS), avant d’intégrer celle des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), ont été adoptés le 25 juin par la commission professionnelle consultative (CPC) du travail social et de l’intervention sociale, avec 20 voix pour, 9 contre et 6 abstentions. Le nouveau diplôme générique de niveau V, dont le nom provisoire – « accompagnant social de proximité » – faisait encore débat au moment du vote, est structuré autour d’un socle commun et de trois spécialités correspondant à l’accompagnement « de la vie en structure », « de la vie à domicile » et « à l’éducation inclusive et à la vie ordinaire ». Si les travaux ont été accélérés, voire menés « à marche forcée », selon les participants, pour pouvoir mettre en œuvre la formation courant 2016, et permettre avant cela aux AESH de s’engager dans une validation des acquis de l’expérience, les modalités de mise en œuvre de la formation doivent encore être précisées après l’été. Parmi les points qui restent à définir : les volumes horaires, la durée de la formation (en cycle « court » ou « long » en alternance), les procédures d’allégement et de dispense et les établissements qui pourront préparer au diplôme et à ses spécialités, selon la formation qu’ils dispensent actuellement. Certains sujets devront donc repasser en CPC à la fin septembre.
Les employeurs de l’aide à domicile se sont abstenus sur le vote, bien qu’ils approuvent la nouvelle maquette des formations et l’idée de favoriser les parcours professionnels, facteur d’attractivité pour le secteur. Claire Perrault, secrétaire générale adjointe de la FNAAFP (Fédération nationale des associations de l’aide familiale populaire)-CSF, rappelle que la branche a, dès le début des travaux, porté l’idée d’un tronc commun pour les formations d’aide à domicile, d’aide médico-psychologique, mais aussi d’aide-soignant, cette dernière n’ayant finalement pas été intégrée à la refonte. « Nous avons voté en décembre pour la réarchitecture globale des diplômes, mais nous avions demandé en même temps la suspension des travaux sur les niveaux V, pour veiller à la cohérence de la construction des formations, dans une logique de filière du niveau V à I », explique-t-elle. Pour cette raison, « les travaux ne se sont pas déroulés dans les conditions que nous souhaitions pour optimiser la réforme, abonde Marie-France Bernard, déléguée auprès de la direction d’Adessadomicile. En outre, nous regrettons une précipitation qui ne nous a pas permis de solliciter nos adhérents et d’avoir une dernière lecture des référentiels. » Pour l’Unifed (Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale à but non lucratif), l’enjeu était de ne pas rester « au milieu du gué ». Manuel Pélissié, vice-président de la CPC au titre de l’Unifed (Syneas), la refonte des niveaux V est « un premier acte dans la réarchitecture des diplômes ». Si ces travaux avaient été reportés, « il n’aurait pas été envisageable de parler du reste », estime-t-il, soulignant la convergence de vue des employeurs sur la réingénierie globale.
Le télescopage avec les « états généraux du travail social » a, en revanche, principalement motivé le vote « contre » de la majorité des syndicats (la CFE-CGC et la CFTC ont voté « pour »), dont la CFDT. « Nous nous sommes opposés en décembre au rapport de la CPC sur la réingénierie des diplômes, rappelle Maryannick Lanozière-Binet, suppléante pour la CFDT Santé-sociaux à la commission. Nous ne pouvions pas approuver la refonte des niveaux V dans la mesure où la réarchitecture globale posait question ! » Au-delà, ajoute-t-elle, « nous ne sommes pas satisfaits des conclusions de ce travail ». Parmi les sources de déception syndicales : le niveau du diplôme. « Les compétences de niveau IV clairement incluses pour les AESH, comme la prise de notes, ont été retirées des référentiels, indique Sylviane Spique, représentante de la CGT à la CPC. Mais cela n’a pas réglé la question ! Cela pose problème de payer au niveau V des salariés qui ont été embauchés avec le bac et à qui on va de toute façon demander des compétences de niveau IV. » Une reconnaissance à laquelle pourraient accéder les aides-soignants, dont la formation est en pleine réingénierie, mais dont il n’a pas été question pour le nouveau diplôme en travail social.
Cette question dépasse le seul enjeu statutaire. Présente au groupe de travail de la CPC avec d’autres associations, la Fnaseph (Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap) se réjouit des conclusions des travaux, notamment que la spécialité « éducation inclusive et vie ordinaire » ne vise pas seulement l’école, mais tous les lieux et temps de vie (activités scolaires, périscolaires, de loisirs collectifs ou individuels…). Mais le cadre imposé par le niveau V a bien eu des incidences sur la nature des compétences requises des accompagnants d’élèves en situation de handicap, explique Patrice Fondin, vice-président de la Fnaseph. « Les éléments du rapport Komitès y sont, mais certains ont été reformulés, comme “comprendre l’intention pédagogique de l’enseignant”, dans le sens de l’application de méthodes et techniques pédagogiques. » D’où, pour la fédération, la nécessité d’une « formation d’adaptation », qui devrait compléter le diplôme pour répondre aux attentes de l’Education nationale sur l’accès aux apprentissages. « Cela ne se joue pas sur l’ensemble du diplôme, mais sur trois ou quatre compétences », précise Patrice Fondin, selon qui l’analyse des pratiques devra aussi jouer un rôle dans la prise de recul nécessaire au rôle d’intermédiaire entre l’élève et l’enseignant.
La réforme correspond également aux attentes de l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale), qui a approuvé les textes. « Nous avons été constamment attentifs à la cohérence de cette refonte avec l’ensemble du projet de réarchitecture, même si on ne peut parler de modélisation du niveau V pour l’ensemble des niveaux », souligne Diane Bossière, directrice générale de l’Unaforis. Pour l’association, cette refonte inaugure donc la logique d’un socle commun de formation, avec des spécialités, « même si on le fait imparfaitement car le diplôme d’Etat d’assistant familial n’est pas intégré », précise Paul Heulin, directeur général du Centre de formation et de recherche à la relation d’aide et de soins (Pays de la Loire) et responsable de la commission des niveaux V à l’Unaforis. L’Unaforis estime également que cette réforme permet « à la fois de répondre aux besoins de qualification, en tenant compte de ceux nécessaires à l’éducation inclusive, en ouvrant pour le secteur médico-social des perspectives de décloisonnement et, pour les salariés, de mobilité professionnelle ». Premiers du genre, les travaux se sont surtout heurtés à la difficulté de mettre en cohérence les référentiels (activité, compétences, formation et certification) et de faire coexister trois univers différents. « L’environnement des établissements du secteur médico-social et celui de l’aide à domicile ont des cultures, des exigences et des contraintes financières pour la qualification qui ne sont pas abordées de la même façon », explique Paul Heulin. Enjeu majeur pour les conditions d’entrée en formation initiale, poursuit-il : « L’application ou pas du principe de gratuité, qui n’est que partiellement acquise selon les régions pour les diplômes de niveau V, dont le financement se fait souvent par la voie de l’alternance. Or ce choix introduit une vraie discrimination entre les publics. » Comment les conseils régionaux vont-ils financer ce nouveau diplôme ? L’Association des régions de France, qui, semble-t-il, aurait souhaité plus de visibilité sur les conséquences de cette réforme, a voté en CPC contre les textes. Contexte concurrentiel et disette budgétaire obligent, il reste aussi des inconnues sur l’évolution de l’appareil de formation, alors que l’agrément des établissements doit être transféré de l’Etat aux régions, en principe en 2016. Avant de passer la main sur cette compétence, le ministère pourrait décider d’une période de transition, avec des règles générales applicables sur tout le territoire au moment de la réforme. Outre l’intérêt que pourra représenter ce nouveau diplôme pour les employeurs et les professionnels, « les mois qui viennent vont être cruciaux pour les centres de formation », souligne Paul Heulin.