En l’espace de quatre ans, les bénévoles de la Croix-Rouge française ont distribué près de 400 000 « kits hygiène » à des personnes sans abri et/ou en situation de grande précarité. Lancée en 2011 sous forme expérimentale dans 22 départements par l’association avec le groupe SCA, spécialisé dans les produits d’hygiène, l’opération a depuis été renouvelée et étendue à tout le territoire après un premier bilan positif. Afin de « trouver de nouveaux axes d’amélioration pour les années à venir », les deux partenaires ont confié au cabinet d’études Opinion Way la réalisation d’une enquête « afin d’évaluer l’utilité sociale de l’opération », dont les résultats ont été rendus publics le 9 juillet.
Réalisée entre février 2013 et juin 2014, elle a été menée auprès de trois publics cibles : 239 bénéficiaires, pour moitié accueillis dans des centres d’accueil d’urgence et pour moitié vivant à la rue (dont 24 % depuis plus de deux ans), 36 bénévoles, dont les trois quarts sont impliqués dans des équipes mobiles, et enfin le grand public, interrogé sur sa perception des comportements de consommation et d’usage des produits d’hygiène par les sans-abri. « Nous avons constaté qu’il y avait un certain nombre d’idées reçues, avec une vision plutôt négative concernant la préoccupation que peuvent avoir les sans-abri pour leur hygiène alors qu’au contraire, l’enquête a montré que, pour eux, se laver arrive en deuxième position en termes de préoccupation, avant se nourrir et juste après trouver un toit pour la nuit », a souligné Stéphanie Giron, chargée de mission « santé-précarité » à la Croix-Rouge, lors de la présentation de ces résultats.
Autre enseignement : les personnes en situation de grande exclusion connaissent bien les structures où il est possible de se laver, mais rencontrent des difficultés pour y accéder, en raison de leur nombre insuffisant. En effet, si Paris reste bien doté en bains-douches municipaux, c’est loin d’être le cas dans de nombreuses autres villes. Par ailleurs, « les temps d’attente peuvent y être très importants, d’autant plus lorsque les plages horaires d’ouverture sont resserrées », a relevé Stéphanie Giron.
L’enquête a également porté sur l’accès aux soins, révélant que la moitié des bénéficiaires disposent d’une couverture sociale (pour 68 % il s’agit de la CMU) et qu’ils sont la même proportion à se déclarer plutôt en bonne santé. Malgré cela, 34 % d’entre eux ont indiqué avoir renoncé à des soins lors des 12 derniers mois, contre 15 % dans la population générale. Si la raison financière est le principal motif de renoncement, « pour les populations fragilisées et en situation de grande précarité, comme c’est le cas des bénéficiaires de l’opération kits hygiène, le renoncement aux soins est lié au faible niveau d’intégration sociale, à l’isolement, au manque de logement, au chômage de longue durée, etc. », peut-on lire dans l’étude.
Enfin, s’agissant de l’utilisation du kit, 97 % des personnes interrogées le jugent utile. Par ailleurs, l’échange avec les bénévoles de la Croix-Rouge à l’occasion de sa distribution leur a permis « de se sentir mieux (68 %) et de maintenir leurs habitudes d’hygiène (65 %) », tandis que « plus de la moitié (52 %) ont ressenti l’envie de prendre soin de leur santé ». Comme le rappelle en effet Stéphanie Giron, la Croix-Rouge mène cette action à deux titres, « en tant qu’acteur de la santé et de la lutte contre l’exclusion. C’est la stratégie des petits pas : la distribution du kit constitue un prétexte pour entamer un dialogue autour de l’hygiène, qui permet ensuite de parler plus largement des difficultés » des personnes. Enfin, l’hygiène est aussi un facteur essentiel pour l’image de soi, le bien-être et l’insertion sociale. Raison pour laquelle, dans les lieux d’accueil de jour, les bénévoles sont attentifs à la négligence vestimentaire, premier signe d’un décrochage social de la personne, a souligné Stéphanie Giron.
La Croix-Rouge vient de renouveler son partenariat avec la société SCA qui va permettre la distribution de 100 000 kits par an sur l’ensemble du territoire, outre-mer compris, sur les trois prochaines années. Différenciés pour les femmes et les hommes, ces « kits hygiène et bien-être » sont censés couvrir les besoins en produits d’hygiène pour trois jours (brosse à dents, dentifrice, lait hydratant, rasoir, mousse à raser, brosse à cheveux, cotons-tiges, miroir, préservatifs, mouchoirs en papier, gel douche-shampoing et protections féminines). Un livret, décliné en six langues, intitulé « Votre bien-être, votre santé » est également contenu dans le kit : les usagers y trouvent des informations de base sur la santé et les règles d’hygiène, les principaux numéros d’urgence et des renseignements sur l’accès aux droits, l’accès aux soins et la prévention des pathologies touchant les personnes en situation de grande exclusion sociale.