Auditionnée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 8 juillet – une semaine avant que l’instance ne se penche de nouveau sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement(1) –, Laurence Rossignol a présenté les amendements gouvernementaux qu’elle souhaite voir discuter en deuxième lecture… « au tout début de la session extraordinaire de septembre », a assuré Martine Carillon-Couvreur, vice-présidente (PS) de la commission.
La secrétaire d’Etat chargée des personnes âgées et de l’autonomie a rappelé que, en première lecture, le Sénat a voté un article 32 bis prévoyant la mise en place d’un régime unique d’autorisation tarifé pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). Toutefois, a-t-elle estimé, la rédaction proposée n’est « pas totalement satisfaisante » car poser le principe que tous les SAAD passent en régime unique d’autorisation tarifé en 2021 comporte un « risque inflationniste des dépenses pour les départements extrêmement grand ». Laurence Rossignol veut, elle, opter pour une « évolution progressive – celle du Sénat est un peu brutale –, sécurisante et qui permet à la fois de préserver l’existant et l’emploi [c’est-à-dire plus de 10 000 structures et de 450 000 emplois en mode prestataire], et d’enclencher la structuration de l’offre sur le territoire ». Elle a donc proposé de mettre en place un régime unique d’autorisation géré par les départements – qui met fin au droit d’option entre l’agrément et l’autorisation – pour les SAAD intervenant en mode prestataire(2) auprès des personnes âgées, des personnes handicapées et – contrairement au Sénat – des familles en difficulté dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance ou de l’action sociale des caisses d’allocations familiales. Et, afin de maîtriser les dépenses locales, ce régime unique d’autorisation serait appliqué « sans tarification administrée automatique »(3). Parallèlement, les structures devront respecter un cahier des charges national précisant leurs conditions de fonctionnement et d’organisation, qui pourra, selon la secrétaire d’Etat « s’inspirer, tout en le rénovant, bien entendu, de l’actuel cahier des charges de l’agrément ». Au final, a conclu la secrétaire d’Etat, ce régime unique d’autorisation est censé permettre :
→ l’inscription des services dans un seul cadre réglementaire – celui du code de l’action sociale et des familles – en tant que service social et médico-social ;
→ le positionnement du département, en cohérence avec le recentrage de ses missions sur ses compétences sociales, comme l’acteur impulsant la structuration territoriale de l’offre d’aide à domicile.
En pratique, les modalités de mise en œuvre de ce nouveau régime différeront selon la situation de la structure. Les SAAD déjà agréés au moment de la publication de la future loi (soit 6 000 au total) pourraient ainsi basculer automatiquement dans le champ de l’autorisation sans tarification, a indiqué Laurence Rossignol. Précisant, que, par la suite, plusieurs options se posent à elles :
→ soit elles sollicitent du département un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), en contrepartie d’une tarification négociée. L’agence régionale de santé pouvant, elle aussi, être partie en cas de rapprochement d’un service de soins infirmiers à domicile pour construire un service polyvalent de soins et d’aide à domicile (Spasad)(4) ;
→ soit elles ne signent pas de CPOM avec le département et restent en tarification libre.
La secrétaire d’Etat a également souligné que, pour garantir la qualité de service aux usagers, une évaluation externe sera obligatoire à la date à laquelle l’agrément devrait prendre fin.
S’agissant des nouvelles structures, Laurence Rossignol entend les soumettre à une période transitoire de sept ans pendant laquelle elles pourraient demander l’autorisation auprès du département, même en l’absence d’appel à projets.
Au-delà, la secrétaire d’Etat chargée des personnes âgées et de l’autonomie souhaite amender le projet de loi afin de rétablir le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, tel qu’il est voulu par l’Assemblée nationale. En effet, le Sénat avait modifié sa rédaction pour revenir à un simple Haut Conseil de l’âge, craignant que l’instance à trois têtes souhaitée par le gouvernement n’envoie « le signal d’une moindre ambition, voire d’une régression, sur le sujet de l’adaptation de la société au vieillissement, alors que le projet de loi prétendait au départ ériger cette problématique en priorité nationale », expliquent les rapporteurs du texte au Sénat (Rap. Sén. n° 322, tome 1, Labazée et Roche, 2015, page 193). Mais Laurence Rossignol, elle, ne pense pas que cette nouvelle instance à trois têtes diluerait le Haut Conseil de l’âge, mais le renforcerait : les missions de l’actuel Comité national des retraités et personnes âgées seraient en effet reprises tout en lui donnant « une autre envergure en le plaçant dans ce Haut Conseil », a-t-elle assuré.
La secrétaire d’Etat a par ailleurs indiqué qu’elle présenterait en septembre d’autres amendements, notamment issus des travaux du groupe de travail sur la tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et de la concertation engagée dans la foulée (voir ce numéro, page 25). Elle souhaite également « réajuster » la définition de la notion de « personne de confiance » pour mieux l’articuler avec celle du code de l’action sociale et des familles et celle qui est prévue par la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, actuellement discutée au Parlement(5).
Autre sujet « délicat » abordé par la secrétaire d’Etat, celui de l’affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA). Le Sénat a précisément défini les pourcentages d’affectation aux différents postes de dépenses que la loi « vieillissement » vient formaliser. Mais, pour Laurence Rossignol, il s’agit là d’une « répartition en tuyaux d’orgue et qui, parce qu’elle est définitive, empêchera les pouvoirs publics d’adapter, d’ajuster l’affectation en fonction des sous-consommations de certaines dépenses, de l’augmentation des besoins ou du dynamisme de la recette ». Cela « ne contribue pas à une gestion efficiente de la dépense publique », a-t-elle insisté sans toutefois préciser quelles étaient ses intentions en la matière…
(1) Sur les grandes lignes du projet de loi, voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 53.
(2) L’activité est exercée en mode prestataire lorsque le bénéficiaire n’est pas employeur mais simple usager d’un service délivré par une personne salariée d’une association ou d’une entreprise.
(3) La tarification administrée est définie dans le cadre d’une négociation budgétaire annuelle entre le conseil départemental et la structure. Cette procédure tarifaire conduit ainsi à la fixation d’un tarif horaire distinct selon le degré de qualification des intervenants.
(4) Sur l’expérimentation des Spasad, voir ASH n° 2877 du 3-10-14, p. 8.
(5) Sur les grandes lignes du texte, voir ASH n° 2902 du 20-03-15, p. 8.