Malgré les efforts des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) pour harmoniser leurs pratiques, il subsiste de fortes disparités territoriales dans l’évaluation des besoins des personnes handicapées et l’élaboration des réponses, constate le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Afin d’objectiver ces différences de traitement et d’identifier d’éventuels mécanismes explicatifs, l’institution a réalisé une enquête auprès de l’ensemble des MDPH, dont les résultats – présentés dans un rapport – ont servi de base aux recommandations formulées dans un avis du 11 mai dernier et récemment rendu public(1). S’il n’a pas été possible de définir ce qu’est un processus d’évaluation performant, un certain nombre de bonnes pratiques peuvent être déployées ou adaptées selon les possibilités et le contexte d’exercice des maisons départementales.
Pour répondre « au plus près » au projet de vie des personnes handicapées, il faut étudier les moyens de « réduire les écarts entre ce qui est souhaitable et ce qui est possible », plaide le HCSP. En effet, souligne-t-il, pour 38 % des MDPH ayant participé à l’enquête, les propositions d’orientation sont « systématiquement ou fréquemment » influencées par l’offre locale. Pour réduire ces écarts, le rapport « Zéro sans solution » de Denis Piveteau(2) propose de remplacer l’actuelle unique décision d’orientation par deux décisions distinctes, à savoir, d’une part, une décision d’orientation qui fixe le souhaitable et, d’autre part, un plan d’accompagnement qui tient compte du possible mais cherche à mettre tout en œuvre pour arriver au plus près du souhaitable, rappelle le Haut Conseil. Mais, alerte-t-il, « si cette proposition paraît séduisante, il n’est pas sûr qu’elle soit réalisable en pratique ». C’est pourquoi il recommande d’analyser ses avantages et ses inconvénients, en collaboration avec les acteurs de terrain, avant d’en décider l’application(3). En outre, « il serait, dès maintenant, essentiel de pouvoir disposer d’informations précises sur ces écarts pour un meilleur pilotage territorial des ressources médico-sociales et de la politique du handicap », estime-t-il.
Les efforts pour améliorer l’évaluation des handicaps psychiques et des troubles des apprentissages doivent être renforcés, considère le HCSP. Pour lui, « c’est dans ces domaines que le manque d’outils est le plus marqué, tant pour l’évaluation que pour la liaison avec les structures de prise en charge ». Il recommande d’assurer la diffusion des outils d’évaluation spécifiques sur lesquels certaines équipes de MDPH ont travaillé en partenariat avec des structures ou des professionnels spécialisés.
Autre préconisation : faire évoluer le certificat médical qui accompagne les dossiers de demandes. Les maisons départementales déplorent en effet une qualité de remplissage « trop souvent insuffisante » des certificats médicaux, souligne le HCSP. Pour lui, il est donc « important » d’organiser une réflexion au niveau national sur la pertinence de ce certificat et/ou sur les évolutions qu’il serait nécessaire d’y apporter pour qu’il soit rempli de façon plus adaptée. Il suggère à ce titre de le remplacer par un document informatif, non obligatoirement réalisé par un médecin, qui permettrait de déclencher l’instruction d’un dossier de demande par les MDPH. Par ailleurs, la prise en compte de la réalité de la situation de la personne handicapée nécessite souvent de compléter le dossier initial de demande par différents documents (curriculum vitæ, par exemple). Le HCSP appelle donc les MDPH à demander les pièces nécessaires à l’évaluation le plus en amont possible afin de réduire les délais d’instruction et d’évaluation.
Alors que la plupart des MDPH ont réalisé un « important travail interne » en vue d’une égalité de traitement des dossiers, l’indépendance de chaque conseil départemental ne facilite pas l’harmonisation des pratiques sur l’ensemble du territoire, souligne le HCSP. Saluant le rôle « important » de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie dans ce domaine, il constate que des temps d’échanges sont régulièrement mis en place aux niveaux départemental, régional et national, autour de l’utilisation d’outils d’évaluation et de l’analyse de dossiers complexes. Pour l’institution, il faut poursuivre les démarches visant à faire connaître au niveau national les outils d’aide à l’évaluation et d’aide à la préconisation qui ont déjà fait leurs preuves au niveau départemental ou régional. De plus, l’élaboration collective de ces outils est un gage d’acceptabilité et d’applicabilité, souligne-t-il.
Le Haut Conseil recommande également de simplifier les procédures administratives dans les MDPH(4) et d’accélérer la mise en place d’un système d’information « performant ».
« En l’absence d’un soutien fort apporté aux structures, la majorité des préconisations émises dans cet avis ou dans d’autres rapports seront difficilement introduites dans la pratique quotidienne des MDPH », prévient le Haut Conseil en guise de conclusion. Il constate en effet que les maisons départementales, fréquemment sollicitées pour participer à des études ou à des expérimentations au niveau national, n’ont pas toujours le temps et les moyens de s’approprier leurs résultats. « Les conclusions leur sont généralement fournies avec des préconisations sans qu’une aide soit prévue pour leur mise en œuvre », déplore-t-il. Il recommande donc de prévoir un accompagnement à la mise en place des nouveaux outils, des dispositifs ou des modes d’organisation proposés. Il faudrait enfin « communiquer pour changer l’image des MDPH » et leur assurer une reconnaissance de leur mission d’évaluation pluridisciplinaire auprès des différents acteurs (professionnels de santé…).
(1) Avis et rapport disponibles sur
(3) Ce chantier fait l’objet d’une concertation dans le cadre de la feuille de route « Une réponse accompagnée pour tous » pilotée par Marie-Sophie Desaulle – Voir ASH n° 2893 du 16-01-15, p. 5, n° 2897 du 13-02-15, p. 5 et n° 2906 du 17-04-15, p. 19.
(4) Plusieurs mesures de simplification ont été présentées au mois de juin par le gouvernement – Voir ASH n° 2913 du 5-06-15, p. 8.