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Des citoyens « réservistes » bientôt affectés au soutien des plus fragiles ?

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Convaincu que le « sursaut républicain » des 10 et 11 janvier 2015 « a exprimé beaucoup plus que le refus du terrorisme » et a représenté « la prise de conscience, par beaucoup de [citoyens], de leur responsabilité à la fois personnelle et collective envers le projet républicain », François Hollande avait commandé au vice-président du Conseil d’Etat, Jean-Marc Sauvé et – curieusement – à l’entraîneur de l’équipe de France de handball, Claude Onesta, un rapport sur la mise en place d’une « réserve citoyenne » – inspirée de celle qui a été mise en place par l’armée – qui permettrait à tous les Français de s’impliquer bénévolement auprès des grands services publics.

Durant trois mois, le duo a procédé à de très nombreuses auditions de responsables associatifs, administratifs, professionnels ou syndicaux ainsi que d’élus et de personnalités issues de la société civile. Il a remis le fruit de ses réflexions au chef de l’Etat le 8 juillet(1). Pour le moment, aucun calendrier n’a encore été décidé pour la mise en place du dispositif(2). Mais le président de la République voudrait qu’il soit mis en œuvre d’ici à la fin de l’année 2015.

Des réservistes pour « aider les aidants »

Dans l’esprit des auteurs du rapport, le dispositif s’adresserait à toute personne de plus de 16 ans, française ou étrangère – dans ce dernier cas, résidant de manière durable sur le territoire français –, sans exigence ou prérequis particulier(3). Les réservistes seraient affectés à des missions variées qui pourraient être ponctuelles (gestion de crises, d’accidents, de grands rassemblements…) sous la responsabilité des autorités civiles, ou plus régulières dans différents domaines. A l’égard des publics les plus fragiles, par exemple. Selon les auteurs, la réserve citoyenne pourrait ainsi apporter aux malades et, plus largement, aux personnes isolées ou placées en établissement « une présence et un soutien complémentaire » aux services publics ou privés intervenant déjà auprès d’eux, l’idée n’étant pas de remettre en cause l’action de ces derniers. « Les contacts noués par la mission et les auditions auxquelles elle a procédé ont confirmé à la fois l’ampleur des besoins et la pertinence d’une participation de la réserve à l’accompagnement de ces personnes », estime le duo.

Pour Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé, les réservistes ont aussi « naturellement vocation à intervenir auprès de personnes en situation de handicap et en appui aux aidants ». « Les possibilités d’intervention sont multiples aux côtés d’un secteur associatif pleinement investi. » A titre d’exemple, ils pourraient notamment soulager les aidants naturels de personnes âgées en perte d’autonomie dans une logique de répit, « sans empiéter sur la prise en charge professionnelle ». Dans le même esprit, ils pourraient contribuer à accompagner des séjours de rupture ainsi que des loisirs ou des vacances adaptées pour des personnes en situation de handicap.

D’une manière générale, indique le rapport, toutes les actions de lutte contre l’isolement ou d’aide aux personnes en situation d’exclusion sociale pourraient constituer des domaines d’intervention privilégiés pour les réservistes. Les auteurs évoquent également l’accompagnement des personnes condamnées, l’aide aux chômeurs et aux étudiants, la lutte contre l’illettrisme… mais aussi l’aide aux étrangers. A cet égard, Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé estiment que la réserve pourrait, en les accueillant en tant que réservistes, aider les anciens demandeurs d’asile devenus réfugiés à surmonter la période paradoxalement délicate qui suit l’obtention du statut. Certains réfugiés « présentant un profil pertinent » pourraient ainsi « assurer une fonction de médiateur à l’égard de demandeurs d’asile venant d’arriver sur le territoire français » ou « assurer la présence d’un accueil fraternel et ouvert, sans enjeu particulier, à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou à la Cour nationale du droit d’asile où les durées d’attente peuvent être longues ».

Engagement associatif et réserve citoyenne : deux logiques différentes

Toutes les structures publiques, les associations ainsi que les entreprises à but non lucratif pourraient recourir à un réserviste(4). Mais, pour éviter toute confusion entre l’appel à la réserve et l’emploi de professionnels, Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé jugent souhaitable de retenir le principe que la réserve ne puisse être affectée qu’à des missions ne relevant pas d’emplois permanents, à temps plein ou à temps partiel. Ils jugent par ailleurs indispensable, à l’instar de ce qui a été prévu pour les volontaires du service civique, que la loi interdise de faire intervenir un réserviste sur des missions confiées à un agent public moins de un an auparavant ou bien encore sur des missions qui ont été exercées par un salarié de la personne morale agréée ou de l’organisme d’accueil dont le contrat de travail a été rompu moins de un an avant l’engagement du réserviste. Les auteurs plaident également pour qu’un réserviste ne puisse pas assurer de missions au titre de la réserve auprès d’une personne morale dont elle est le salarié ou l’agent public, pour éviter tout risque de confusion des statuts.

Le rapport évoque encore la question de l’articulation entre le bénévolat associatif et la réserve citoyenne, « un sujet délicat ». « D’une certaine manière, reconnaissent Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé, les 16 millions de bénévoles constituent autant de réservistes prêts à poursuivre leur engagement. Dans ces conditions, pourquoi créer une réserve citoyenne ? » Pour le duo, engagement associatif et réserve citoyenne relèvent malgré tout de logiques et d’inspirations différentes. « Le projet associatif est celui d’un engagement totalement libre vis-à-vis des pouvoirs publics. » Il en va autrement pour le réserviste « qui fait délibérément le choix de s’engager au service de la République et assume d’en rendre compte à l’Etat et aux pouvoirs publics ». Il s’agirait en outre d’un véritable engagement, en ce sens que, en signant une charte – « la Charte de la réserve » –, le réserviste se créerait quelques devoirs « et, notamment, celui d’assurer la ou les missions choisies selon les modalités convenues avec l’organisme d’accueil ».

Il n’en demeure pas moins que dans certains secteurs, notamment celui de la solidarité, l’intervention du réserviste et celle du bénévole associatif pourraient se recouper. Mais Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé en sont convaincus : « l’ampleur des besoins d’intérêt général dans notre société paraît aujourd’hui telle qu’il y a […] place pour une intervention conjointe et coordonnée à la fois de réservistes et de bénévoles ». Ainsi – exemple d’articulation –, « des bénévoles et des réservistes pourraient intervenir conjointement sur des missions communes, sous couvert de la logique d’engagement propre à chaque association ou au réserviste ».

A noter : le rapport préconise de créer une agence nationale de la réserve citoyenne. Elle servirait de plateforme de diffusion des projets à destination des citoyens voulant devenir réservistes et serait chargée de vérifier que les projets proposés par les structures sont cohérents avec les objectifs de la réserve citoyenne.

Pas de « statut » à proprement parler pour les réservistes

La mission s’est interrogée sur le point de savoir s’il fallait arrêter un « statut » du réserviste, c’est-à-dire définir des garanties et des droits spécifiques. Mais elle n’a pas jugé cette option pertinente. L’engagement dans la réserve « ne doit pas être intéressé au sens où cette démarche permettrait d’obtenir, y compris de manière indirecte, certaines prestations ou avantages ». « L’instauration d’un statut protecteur de la réserve citoyenne risquerait par ailleurs de déstabiliser profondément le vivier des bénévoles associatifs », note le rapport. Les auteurs ont également écarté l’idée selon laquelle l’engagement du réserviste pourrait être opposable aux employeurs et estiment préférable de prévoir explicitement que la mission du réserviste s’inscrit dans une relation qui n’est pas soumise aux règles du code du travail, afin d’éviter tout risque de requalification en contrat de travail.

Comment permettre une reconnaissance de l’engagement des réservistes ? « A l’instar du bénévolat associatif, la principale rétribution du réserviste sera trouvée dans l’expérience humaine de la mobilisation collective autour d’un projet partagé et la singularité des échanges tissés à l’occasion de l’exercice de ses missions », écrit le duo, qui ne juge pas opportun de créer une distinction honorifique particulière qui distinguerait la réserve citoyenne des autres formes d’engagement.

Autres effets positifs pour les réservistes mis en avant par le rapport :

→ la réserve pourrait permettre de contribuer au décloisonnement des milieux socioprofessionnels et à une véritable mixité sociale ;

→ les formations suivies et les qualifications acquises dans la réserve pourraient dans certains cas donner lieu à des certifications. « Elles contribueront aussi, avec les responsabilités prises et les missions effectuées, à développer l’expérience professionnelle des réservistes, en particulier de ceux qui sont encore en formation ou en parcours d’insertion. »

Notes

(1) Rapport disp. sur www.mission-reserve-citoyenne.fr.

(2) Le cas échéant, la réserve citoyenne existera en parallèle de celle de l’Education nationale, créée au mois de mai par Najat Vallaud-Belkacem, et qui doit permettre aux enseignants de faire appel ponctuellement à des intervenants bénévoles au sein de leur classe dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté.

(3) L’entrée des mineurs dans la réserve serait simplement subordonnée à une autorisation parentale et, le cas échéant, à un encadrement spécifique.

(4) Le rapport suggère toutefois d’exclure, comme pour les volontaires du service civique, les associations trop spécifiques comme les associations politiques, mais aussi les associations cultuelles, les congrégations et les fondations d’entreprise.

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