L’Union européenne (UE) peine à s’entendre sur la répartition entre les Etats membres de 60 000 réfugiés et demandeurs d’asile réclamée par la Commission européenne. Le Conseil « affaires intérieures » du 9 juillet, qui s’est déroulé à Luxembourg, n’a en effet pas abouti à un accord global, et seuls trois Etats membres – dont la France – ont affiché officiellement leurs objectifs en matière d’accueil de migrants.
Pour rappel, l’Agenda européen pour la migration, présenté en mai par la Commission(1), prévoit l’accueil obligatoire de 60 000 réfugiés et demandeurs d’asile au cours des deux prochaines années. Il s’agit, plus précisément, de 40 000 demandeurs d’asile arrivés sur les côtes grecques et italiennes depuis avril dernier, ainsi que de 20 000 réfugiés reconnus par le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies et actuellement hébergés dans les pays limitrophes de la Syrie, principalement la Turquie. Lors de leur réunion du 25 juin dernier, les chefs d’Etat et de gouvernement ont validé les grandes lignes de ce plan, tout en refusant son caractère contraignant(2). Ils ont en outre chargé les ministres des Affaires intérieures de s’accorder, d’ici à la fin juillet, sur la répartition de ces migrants entre les différents pays.
Le 9 juillet, la France a donc finalement exprimé son soutien à la proposition de répartition de la Commission européenne et s’est ainsi dite prête à accueillir 9 127 migrants sur deux ans : 2 375 personnes au titre du processus de réinstallation (accueil de réfugiés reconnus par le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies) et 6 752 personnes au titre du processus de relocalisation (transfert de demandeurs d’asile). Dans un communiqué du 10 juillet, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a précisé que cet engagement de la France était toutefois « soumis à quatre conditions strictes » :
→ le fait que l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne concernés « prennent également leur part » ;
→ l’ouverture simultanée, sous l’égide de l’Union européenne, de « hot spots », zones d’attente situées dans les pays de première entrée, permettant à la fois l’enregistrement des migrants dans la base « Eurodac », et la nécessaire distinction entre réfugiés politiques fuyant les persécutions et ayant vocation à être répartis et accueillis dans les différents Etats membres, et ceux qui relèvent de l’immigration économique irrégulière, devant être reconduits dans leurs pays d’origine ;
→ la poursuite d’une action européenne coordonnée et résolue contre l’immigration clandestine, comprenant le démantèlement des filières criminelles de passeurs et le retour effectif des migrants irréguliers dans leur pays d’origine, sous l’égide de l’agence européenne Frontex et en lien avec les pays de provenance ;
→ l’étalement sur deux ans de l’accueil des réfugiés au titre des programmes de relocalisation et de réinstallation, indispensable à la soutenabilité de l’opération.
En ce qui concerne les autres Etats membres, l’Allemagne et la Pologne sont les seuls à avoir rendu publics leurs objectifs nationaux, fixés respectivement à 12 000 et 2 000. Le reste des pays de l’UE se donne encore jusqu’au 20 juillet, date à laquelle une nouvelle réunion des ministres européens chargés de l’immigration sera convoquée à Bruxelles. « Ce que je peux vous dire, c’est qu’aucun pays n’a refusé la solidarité. Certains pays doivent encore trouver une “énergie” ; d’autres ont annoncé des chiffres mais ont demandé plus de temps pour voir s’ils ne peuvent pas aller encore plus loin », a précisé le ministre luxembourgeois de l’immigration et de l’asile, Jean Asselborn. Il a aussi laissé entendre que tous les pays s’étaient engagés à participer au programme de réinstallation et que l’objectif de 20 000 réfugiés avait été dépassé de quelque 2 000 personnes grâce, notamment, à la participation de pays hors UE, comme la Suisse. En revanche, « en ce qui concerne la relocalisation, on n’est pas loin du but mais il faut encore des ajustements dans certains pays », a-t-il ajouté. D’après une source européenne, l’Autriche, la Slovaquie et l’Espagne auraient refusé de prendre des engagements formels tandis que la Grande-Bretagne et le Danemark auraient indiqué leur souhait de ne pas participer à ce mécanisme, comme le leur permet leur traité d’adhésion.