Dans une note, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) diffuse ses directives afin que les services et établissements des secteurs public et associatif habilité organisent au mieux la poursuite, dans le cadre d’une mesure civile, de l’action éducative qu’ils ont initiée dans le cadre pénal. En effet, explique-t-elle, « le temps moyen de prise en charge relativement court dans le cadre pénal comme la difficulté à rendre les relais systématiquement opérationnels dès la fin de la mesure amènent les services et établissements de la PJJ à poursuivre parfois leur action dans un autre cadre, toujours protecteur et éducatif ». Or l’objectif est, d’une part, d’« éviter qu’une rupture nouvelle et forte dans le parcours ne vienne compromettre les effets positifs produits par la prise en charge au pénal et, d’autre part, de consolider le relais avec les intervenants ultérieurs ».
Le recours à des mesures civiles dans les établissements et les services de la PJJ doit être « envisagé de manière ciblée », le domaine pénal restant le « cadre principal de l’action de la DPJJ », indique la note. « Il répond aux besoins des jeunes, auxquels il ne peut être répondu par ailleurs et alors que tous les relais possibles ont été anticipés, dans une logique de continuité des parcours, après une prise en charge dans un cadre pénal ». En pratique, le recours à une mesure civile doit être fondé :
→ soit sur l’article 375 du code civil relatif à l’assistance éducative, c’est-à-dire l’existence d’une mise en danger de la santé, de la sécurité ou de la moralité du mineur non émancipé ou bien des conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif intellectuel et social ;
→ soit sur le décret n° 75-96 du 18 février 1975 sur les modalités de mise en œuvre d’une action de protection judiciaire en faveur du majeur de moins de 21 ans ou du mineur anticipé ayant de graves difficultés d’insertion sociale.
Le recours à une mesure civile de milieu ouvert et/ou de placement à la PJJ en relais d’une mesure pénale peut apparaître opportun lorsque la finalisation du travail engagé dans le cadre de l’action éducative en dépend, indique la DPJJ. Soulignant que, « sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, l’intervention en assistance éducative en relais d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, pénale ou civile, n’est pas envisagée ». Dans tous les cas, les fins de mesures doivent être anticipées et préparées par le service éducatif, le cadre de direction étant garant de cette obligation de moyens, précise la note. Quoi qu’il en soit, c’est la nécessité de poursuivre le projet éducatif coconstruit avec le jeune qui fonde l’orientation éducative.
Lorsqu’une mesure civile est envisagée, elle doit plus remplir des critères cumulatifs de fond et de temporalité. Concernant les premiers, s’il n’est « pas souhaitable de créer de typologie des cas appelant la poursuite de la prise en charge au civil, tant chaque situation est singulière et doit être considérée comme telle », des critères qualitatifs généraux peuvent cependant être retenus par les services et proposés au magistrat. Il s’agit, en l’absence de relais immédiat pouvant être assuré par les services de la protection de l’enfance ou par le droit commun de la protection sociale, de :
→ l’existence de signes de danger ou de détresse grave pendant l’exercice d’une mesure pénale qui arrive à échéance ;
→ la nécessité de poursuivre un accompagnement éducatif auprès des jeunes majeurs isolés socialement.
A ces critères de fond, s’ajoute un critère de temporalité : « la durée des mesures civiles s’étend sur le laps de temps strictement nécessaire à la réalisation des objectifs prédéfinis ». Ainsi, précise la note, dans le secteur public, « il n’est pas souhaitable que la prise en charge des mesures de protection jeunes majeurs par les services de la PJJ perdure au-delà d’un délai de un an suivant leur prononcé, sauf circonstances exceptionnelles dûment motivées ».
Lorsqu’ils envisagent de recourir à une mesure civile, les cadres de direction des services et établissements de la protection judiciaire de la jeunesse doivent élaborer une proposition en ce sens sur la base d’une « évaluation fine et interdisciplinaire[1] des situations des jeunes » et des critères décrits ci-dessus, explique la note. Cette proposition doit aussi mentionner les démarches engagées par ailleurs pour assurer la poursuite de la prise en charge éducative.
Lors de la prise en charge au civil, le service ou l’établissement doit « organiser des synthèses régulières, au moins trimestrielles, destinées à évaluer l’évolution de la situation du jeune et la pertinence de la poursuite de l’intervention éducative judiciaire dans ce cadre ». Et, à l’issue de la mesure, il doit « rédiger une évaluation de la prise en charge exercée dans le cadre civil ».
Afin de s’assurer d’une bonne prise en charge, la DPJJ insiste sur le renforcement de la formation des professionnels. Plus précisément, elle demande que les programmes de formation prennent en compte les attentes du magistrat dans les contenus d’une mesure d’AEMO ou de protection judiciaire en faveur des jeunes majeurs. Par ailleurs, indique-t-elle, les professionnels peuvent s’appuyer sur divers outils, dont le « Recueil de documents théoriques et méthodologiques : pratiques professionnelles en investigation et action d’éducation » et le document de travail « Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire ».
L’administration demande également aux directeurs interrégionaux de la PJJ de veiller à ce que tout professionnel ait une « bonne connaissance du système de protection de l’enfance ». Pour ce faire, ils sont invités à se rapprocher des acteurs œuvrant dans le champ de la protection de l’enfance sur leur territoire afin de faire bénéficier les professionnels des formations communes sur ces thèmes.
Pour l’administration centrale, il appartient aux directions interrégionales et territoriales de la PJJ de « fixer le cadre de travail et les marges de manœuvre disponibles et d’initier tous dispositifs et instances de pilotage permettant », notamment, l’appropriation et l’exécution de ses directives pour la prise en charge au civil, ainsi que l’adaptation de la politique locale de protection de l’enfance.
Par ailleurs, la DPJJ invite les directions territoriales à développer leur partenariat avec les conseils départementaux dans le cadre des schémas départementaux de protection de l’enfance et à participer aux observatoires départementaux de la protection de l’enfance.
Autre mission des directions territoriales : définir une procédure de validation préalable à la transmission par le service ou l’établissement au magistrat de la proposition de prise en charge civile. « A titre d’exemple, illustre la note, les directions territoriales peuvent constituer des instances chargées d’étudier l’opportunité éducative de soumettre au magistrat les projets d’intervention en assistance éducative dans un cadre budgétaire nécessairement contraint. » Toutefois, prévient-elle, « cette activité a vocation à rester résiduelle en proportion au volume global d’activité, se justifiant au cas par cas par les situations individuelles des mineurs et jeunes majeurs concernés ».
(1) Ce terme « interdisciplinaire » renvoie au processus de travail alors que le terme « pluridisciplinaire », lui, fait référence à la constitution des services.