La gestation pour autrui (GPA) « ne justifie pas à elle seule le refus de transcrire à l’état civil français l’acte de naissance étranger d’un enfant ayant un parent français », a jugé la Cour de cassation réunie en assemblée plénière le 3 juillet, opérant un revirement de jurisprudence. En effet, rappelons que, jusqu’à présent, la Haute Juridiction avait toujours refusé de reconnaître la filiation de ces enfants en raison de l’interdiction de la GPA en France. Or, le 26 juin 2014, la Cour européenne des droits de l’Homme a justement condamné l’Etat français en raison de ce refus systématique(1).
La Cour de cassation était saisie de deux affaires similaires concernant l’inscription à l’état civil français d’enfants nés en Russie, les actes de naissance russes mentionnant comme père un Français et comme mère la ressortissante russe ayant accouché. Dans un arrêt du 15 avril 2014, la cour d’appel de Rennes a refusé la transcription de l’acte de naissance, conduisant le père à se pourvoir en cassation. A l’inverse, dans un arrêt du 16 décembre 2014, les magistrats d’Ille-et-Vilaine ont ordonné cette transcription en considérant que la convention de GPA conclue entre le père et la mère porteuse ne pouvait pas y faire obstacle dans la mesure où l’acte de naissance n’était ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y étaient déclarés correspondaient à la réalité. Cette fois, c’est le procureur général de la cour d’appel qui a saisi la Cour de cassation.
Dans les deux cas, les Hauts Magistrats ont examiné les décisions rendues au regard de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (droit au respect de la vie privée et familiale), de l’article 47 du code civil(2) et d’un décret du 3 août 1962 selon lequel un ressortissant français dont l’acte d’état civil a été dressé à l’étranger peut le faire transcrire sur les actes de l’état civil français. Ainsi, la Cour de cassation a cassé le premier arrêt qui avait écarté la demande de transcription au seul motif que la naissance était l’aboutissement d’un processus comportant une convention de GPA et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Paris. Elle a par ailleurs rejeté le pourvoi qui était dirigé contre le second arrêt ayant ordonné la transcription.
A noter : ces décisions ne remettent pas en cause l’interdiction de la GPA en France, ainsi que l’a souligné la ministre de la Justice dans un communiqué du même jour. En revanche, « le sort des enfants, qui ne sont pas responsables des conditions de leur naissance, est distingué de celui de leurs parents », s’est félicitée Christiane Taubira.
Enfin, signalons que la Cour de cassation ne s’est pas prononcée sur la transcription à l’état civil français de la filiation établie à l’étranger à l’égard de parents d’intention. Plaidant pour une filiation complète, conforme à la réalité biologique et sociale, le défenseur des droits a, de son côté, estimé « vraisemblable que dans les prochains mois plusieurs contentieux permettent de trancher la question ».
(2) Selon ce texte, « tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».