Au nom de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a, le 7 juillet, condamné la Belgique pour avoir laissé dans des « conditions de dénuement extrême » dans la rue, pendant un mois, une famille serbe de demandeurs d’asile finalement renvoyée vers son pays.
Les faits remontent à l’année 2011. Après avoir transité un an auparavant par la France – où elle avait déposé une demande d’asile –, cette famille d’origine rom était arrivée en Belgique en mars 2011. Elle comptait alors trois enfants de 4, 7 et 10 ans – l’aînée étant handicapée –, et la mère mit au monde un quatrième enfant en Belgique en 2011. Visés par des décisions de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire et ne pouvant plus bénéficier de l’aide matérielle aux réfugiés, les requérants furent sortis du centre d’accueil où ils résidaient et se retrouvèrent à la rue. Ils ont alors passé neuf jours sur une place publique de Bruxelles, puis, après deux nuits en centre de transit, trois semaines dans une gare avant que leur retour en Serbie soit organisé, résume la Cour. Une situation « d’une particulière gravité » qui, explique-t-elle encore, « aurait pu être évitée ou abrégée si la procédure en annulation et en suspension des décisions de refus de séjour et de quitter le territoire intentée par les requérants, qui a duré deux mois, avait été traitée plus rapidement ».
Pour la CEDH, les Etats membres de l’Union européenne « ont le droit de contrôler l’entrée, le séjour et l’expulsion » des étrangers, mais leur responsabilité peut être engagée « concernant les conditions dans lesquelles sont accueillis les demandeurs d’asile ». Or, aux yeux des juges européens, quelle qu’ait été la saturation du réseau des demandeurs d’asile en Belgique à l’époque(1), les autorités belges n’ont pas, en l’espèce, « dûment pris en compte la vulnérabilité » des requérants – restés quatre semaines « dans des conditions de dénuement extrême » – et ont manqué à leur obligation de ne pas les exposer à un traitement dégradant. La Cour a estimé, en outre, que l’exigence de protection spéciale des demandeurs d’asile était encore renforcée par la présence d’enfants en bas âge – dont un nourrisson – et d’une enfant handicapée.
Les autorités belges devront verser 22 750 € au titre du dommage moral aux requérants. Bruxelles a toutefois trois mois pour demander un nouvel examen du dossier.
(1) La Belgique a connu une « crise de l’accueil » entre 2008 et 2011.