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La parole est à vous…

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Dans les Vosges, l’association d’aide à domicile Adavie tente de favoriser la représentation des usagers par la mise en place de groupes d’expression. Une initiative peu commune, qui se heurte à la difficulté de mobiliser des personnes âgées peu autonomes.

« Vous êtes bien installée, le siège n’est pas trop incliné ? », s’enquiert Sandra Weimer, aide à domicile, en prenant place derrière le volant de son véhicule. « Si vous avez trop chaud, dites-le moi », ajoute-t-elle à l’intention de Jacqueline Charpentier, qui vient d’investir le siège passager. Agée de 86 ans, cette vieille dame bénéficie des services à domicile de l’association Adavie depuis environ quatre ans. Ce lundi-là, conduite par Sandra Weimer, elle se rend à l’antenne locale de l’association pour y assister à un « groupe d’expression » organisé l’après-midi à Saint-Dié (Vosges). Les quelque 460 usagers du secteur y ont été conviés par courrier.

Près de 450 professionnelles

Adavie est une association de services à domicile des Vosges. Issue de la fusion des associations AMF (Aide aux mères et aux familles) et ADAPA (Association départementale d’aide aux personnes âgées), elle gère également un EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) et un foyer d’accueil spécialisé. Ses quelque 450 professionnelles sont des aides-ménagères, des assistantes de vie ou des auxiliaires de vie sociale. « Notre métier, c’est aider aux gestes essentiels de la vie courante, résume Francine Moine, auxiliaire de vie sociale à Adavie depuis vingt ans et déléguée du personnel. Il peut s’agir d’une toilette, du ménage, des courses ou d’une promenade, de parler, d’aider aux loisirs, mais toujours dans le but d’entretenir l’autonomie des personnes. » « Et si le ménage fait partie de notre métier, ce n’est pas ce qui nous représente », poursuit sa collègue Nadia Bernard, assistante de vie depuis une vingtaine d’années et également déléguée du personnel.

Ayant constaté un manque de dialogue avec les bénéficiaires des services délivrés aux personnes âgées ou handicapées à domicile, l’association a souhaité mettre en place un dispositif à cet effet. « Nos enquêtes de satisfaction auprès des usagers montrent que nous avons 97 % de satisfaction, explique Grégory Bracha, directeur général d’Adavie. Mais nous savons que ce taux est biaisé. Les gens sont dans une position de dépendance, alors ils ont tendance à dire que tout va bien. » Les services à domicile n’étant pas assujettis à l’obligation légale de mettre en œuvre un CVS (conseil de la vie sociale), l’association a néanmoins tenté l’expérience il y a quelques années. « Mais nous ne parvenions à réunir que deux ou trois représentants sur les 3 000 clients chez qui nous intervenons chaque année, face à quatre ou cinq professionnels, raconte Grégory Bracha. Or ce qui nous intéresse, c’est que les personnes viennent et se sentent libres de s’exprimer. » Outre le faible nombre de participants aux réunions, l’équipe regrettait également le manque de compréhension des objectifs du CVS. « Les élus venaient avec leur problématique individuelle, ou parfois ne venaient pas, observe Christelle Donadeï, une des deux chefs de service et chargée de la communication d’Adavie. Ils ne portaient pas vraiment la parole de l’ensemble des usagers. »

Faire remonter la parole des usagers

« L’écoute des usagers, c’est important, observe Nadia Bernard. Nous les écoutons tous les jours, oui, mais ça ne suffit pas. Tout cela doit remonter vers la direction pour que notre service soit amélioré. » Les bénéficiaires des services de l’association peuvent évidemment déposer des réclamations auprès de la responsable de secteur. A Saint-Dié, il s’agit d’Hélène Thiery, de formation conseillère en économie sociale et familiale. Elle se déplace à domicile pour assister les usagers potentiels dans la rédaction de leur demande de prise en charge par le conseil départemental et contribuer à l’évaluation de leurs besoins, ainsi qu’à chaque renouvellement de contrat. Le reste de son emploi du temps est consacré au management des 45 professionnelles qui interviennent sur les trois cantons de sa zone. « L’idée d’organiser des groupes d’expression ouverts à tous les adhérents a émergé lors d’un séminaire stratégique organisé par l’association il y a quatre ans, où l’ensemble des salariés étaient mélangés dans des groupes de travail », se rappelle Francine Moine. Sur chacun des quatre secteurs géographiques couverts par l’association, une réunion annuelle sera donc mise en place, en présence d’un administrateur de l’association, du directeur général et du responsable de secteur.

Faciliter l’arrivée d’une nouvelle professionnelle

Ce lundi après-midi, à Saint-Dié, cinq usagers ont fait le déplacement jusqu’à l’antenne locale d’Adavie installée dans un appartement du centre-ville, ouvrant sur la forêt vosgienne. Outre Jacqueline Charpentier, que Sandra Weimer viendra récupérer à l’issue de la réunion, Pierre Bonafos, qui s’occupe quotidiennement de son épouse, invalide depuis huit ans, s’est également mobilisé. « Je suis un peu perdu, avertit-il en début de réunion, car l’un des mes appareils auditifs est cassé. » Sa voisine est accompagnée d’une amie qui l’aide au quotidien. Claude, quant à elle, est venue en lieu et place de la tante dont elle s’occupe et semble avoir beaucoup à dire sur le service mis en place. Grégory Bracha ouvre la séance en présentant le groupe et ses objectifs. « Nous voulions vous rencontrer pour parler de ce qui va et ne va pas, de ce qu’on peut améliorer », résume-t-il. Il présente les différents outils de communication mis en place par l’association : la lettre d’information bisannuelle – que certains indiquent ne pas recevoir – et l’enquête de satisfaction, rappelant que la parole de chacun est importante.

Bien vite, les prises de parole se révèlent extrêmement personnelles. L’un estime que les horaires de passage de l’aide à son domicile ne lui conviennent pas, l’autre regrette les roulements de personnels. « Cela change tout le temps, on ne les connaît pas », se plaint Mme Kutter. Le directeur explique les règles de fonctionnement et les obligations de l’association, les impératifs du droit du travail, les congés, les arrêts maladie, le temps de formation, etc. François Thiriet, président d’Adavie, signale pour sa part que cette problématique de roulement concerne l’ensemble des services d’aide à domicile, avant d’ajouter : « Faites la comparaison, lorsque vous êtes hospitalisés, ce n’est pas chaque matin la même aide-soignante ou la même infirmière qui réalise les soins. » Il évoque cependant la possibilité que les nouvelles professionnelles recrutées sur un secteur puissent être présentées par les plus anciennes, histoire de faire connaissance. « Mais c’est un temps de travail qu’il faudrait rémunérer », précise-t-il. Plus tard, le directeur général signale : « Nous sommes déjà dans une organisation qui a fait le choix de salarier des professionnels qualifiés et d’employer des responsables de secteur qui sont des travailleurs sociaux, ce qui nous amène à un tarif horaire supérieur de 2 € à nos concurrents. »

L’association a par ailleurs mis en place plusieurs astuces pour limiter l’effet de surprise à l’arrivée d’une nouvelle professionnelle. Sur certains secteurs un pool de quatre salariées est constitué par domicile afin d’intervenir en relais, le week-end, pendant les congés. « Nous essayons aussi de mettre en place des doublons à chaque fois que c’est possible, explique Hélène Thiery, afin que chaque nouvelle salariée commence à travailler avec une ancienne. » En outre, pour faciliter la connaissance des actions à réaliser, la localisation des ustensiles de ménage et autres produits utiles, un cahier de liaison est laissé au domicile de chaque usager. « Il sert également à communiquer avec la famille et les autres intervenants à domicile », ajoute la responsable de secteur. C’est d’ailleurs par ce biais que Marie-Claude Ancel a découvert que l’aide à domicile de sa tante âgée de 94 ans se « permettait » de recommander une visite chez le médecin. « De quel droit ? », s’interroge-t-elle. La professionnelle se serait également préoccupée d’acheter des fleurs – « alors que c’est moi qui m’en occupe ! », s’agace la nièce. « Et puis bon, je trouve qu’elle ne fait pas grand-chose dans la maison. Quand la remplaçante est là, finalement, c’est mieux. »

Des demandes très différentes

Pour Hélène Thiery, il n’y a cependant pas lieu de s’alarmer. « Chaque demande et chaque accompagnement sont très différents. Pour certains clients, il faut être en veille sur leur état de santé, les petits symptômes qui pourraient alerter… Et certaines familles sont demandeuses d’un accompagnement poussé, alors que d’autres vivront notre présence comme une intrusion. » Elle s’engage néanmoins à vérifier la situation, afin de s’assurer que les initiatives de l’aide à domicile sont appréciées de la personne prise en charge. Lorsque Mme Kutter fait ensuite observer que les interventions de trente minutes dont elle bénéficie ne sont pas suffisantes, la jeune femme prend des notes. « On va refaire le point ultérieurement ensemble pour voir s’il est possible de réorganiser son planning », expliquera-t-elle plus tard. Sur cette question, les représentants d’Adavie renvoient cependant la balle au conseil départemental, responsable de l’élaboration des plans d’aide. « N’hésitez pas à contacter votre assistante sociale ou votre médecin pour préciser vos besoins, et nous pourrons vous appuyer », insiste Grégory Bracha à l’intention des usagers présents. Suivent des louanges sur la qualité du service. « Les femmes de ménage sont très bien. Elles sont discrètes, ne racontent rien de notre vie privée », remarque l’un des participants, faisant aussitôt réagir le président et le directeur général. « Elles sont aides à domicile, rappelle François Thiriet. Attention, c’est une identité complexe, et elles y tiennent. »

Si les problématiques abordées dans ces groupes d’expression demeurent souvent individuelles, elles permettent néanmoins d’apporter des éclaircissements sur les évolutions survenant dans les modalités de prise en charge. « Par exemple, il s’est produit un désengagement de la Carsat [caisse d’assurance retraite et de la santé au travail] il y a deux ans, se souvient Christelle Donadeï. Nous avons perdu 4 000 heures d’aide à domicile. Les gens ne comprenaient pas pourquoi nos services étaient interrompus. Là, ils ont pu rencontrer le directeur alors qu’ils n’auraient pas forcément osé le contacter par courrier ou téléphone. »

Améliorer le suivi des personnes handicapées

Autre amélioration en partie issue des groupes d’expression : l’accompagnement des personnes handicapées. « Les familles qui font appel à Adavie présentent des difficultés de plus en plus délicates à accompagner, des dépendances plus importantes, observe Nadia Bernard. Et le métier demande de plus en plus de compétences techniques. » En effet, depuis environ deux ans, l’association reçoit davantage de demandes de la part de personnes handicapées. « Les familles nous ont interpellés, car ce n’est évidemment pas la même chose de faire la toilette d’un jeune homme avec de fortes restrictions physiques ou celle d’une vieille dame, remarque Christelle Donadeï. Nous nous sommes donc penchés sur le contenu de la formation de nos auxiliaires de vie sociale pour constater qu’il était surtout orienté sur l’aide aux personnes âgées. » Pour certaines situations, l’association a donc développé des partenariats avec des infirmières spécialisées ou des aides médico-psychologiques. Elle a également orienté son plan de formation vers des axes concernant le handicap physique chez des usagers âgés de moins de 60 ans et le handicap psychique. « Il nous est même arrivé de former spécifiquement deux salariées à l’aspiration endo-trachéale », rappelle la chef de service, chargée de communication.

Les usagers présents se disent satisfaits de l’organisation de ces groupes. « C’est très bien, ces réunions, on peut dire ce qu’on a à dire, se félicite Marie-Claude Ancel. On ne voulait pas téléphoner pour se plaindre. Là, c’est plus facile et on espère que cela permettra d’apporter des améliorations. » « En huit ans de service, je n’ai jamais eu de problèmes à signaler, observe pour sa part Pierre Bonafos. Une ou deux fois, j’ai appelé pour quelques modifications, mais avant de rouspéter, il faut être un peu “psychologique” et comprendre la personne qui vient chez vous. » Car les usagers trouvent également l’occasion de discuter entre eux. « Parfois, eux-mêmes répondent aux questions de leurs voisins, et cela passe mieux, constate Christelle Donadeï. Ça permet aussi à ceux qui estiment rencontrer des difficultés de constater qu’ils ne sont pas seuls concernés – par exemple avec les roulements de personnels – et que certaines choses sont inévitables, voire compréhensibles. » Les échanges issus des groupes d’expression sont rapportés chaque année aux salariés, lors de leurs réunions de secteur. « Nous n’y entendons rien que nos usagers ne nous diraient pas », observe Nadia Bernard, avant que Francine Moine continue : « Mais ils sont contents d’y aller et de dire ce qu’ils ont envie de dire. »

A l’issue de la réunion, le directeur général s’avoue néanmoins un peu déçu de la faible participation des usagers de Saint-Dié. « D’ordinaire, en moyenne, nous parvenons à réunir une dizaine de personnes sur chaque secteur. » Même si le choix de l’horaire, en cours d’après-midi, a été dûment réfléchi, ainsi que celui de la saison, l’association étudie encore les dates qui seraient les plus propices. « Beaucoup de personnes ne sont pas mobiles, tempère Christelle Donadeï. Peut-être pourrait-on organiser un mode de transport… même si je pense que beaucoup de gens sont satisfaits du service et ne voient pas l’utilité de venir en réunion. » Le lendemain, le directeur enchaînera sur une réunion similaire à Contrexéville. « Mais nous faisons quand-même mieux qu’avec notre tentative précédente d’instaurer un conseil de vie sociale, poursuit Grégory Bracha : 5 personnes sur 460, c’est mieux que 3 sur 2 500. Et sur l’année, cela représente tout de même une quarantaine de clients. »

Notes

(1) Adavie : 20, rue des Etats-Unis – 88026 Epinal cedex – Tél . 03 29 35 23 06 – adavie@orange.fr.

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