C’est après un ultime vote de l’Assemblée nationale et au terme d’un parcours législatif mené au pas de charge que le très controversé projet de loi relatif au renseignement a été adopté définitivement le 24 juin par le Parlement. Elaboré dans le contexte des attentats de janvier dernier et défendu au nom de la lutte contre la menace terroriste par le gouvernement, le texte légalise, selon ses détracteurs, des pratiques contestables des services de renseignement. Le Conseil constitutionnel a d’ores et déjà été saisi.
Sous réserve de la décision des sages, la nouvelle loi définit un large éventail de missions confiées à ces services, ainsi que le régime d’autorisation et de contrôle de nombreuses techniques d’espionnage (écoutes, pose de caméra ou de logiciel-espion, accès aux données de connexion, etc.). Il prévoit notamment que la mise en œuvre sur le territoire national de toutes ces techniques soit soumise à autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Au cours de son parcours parlementaire, le texte aura provoqué l’opposition du monde syndical et associatif – qui y voit une atteinte généralisée à la vie privée des citoyens – et fait l’objet de critiques du défenseur des droits, de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Il aura également fait réagir l’Association nationale des assistants de service social (ANAS), qui a alerté sur ses risques pour les travailleurs sociaux(1). L’ANAS s’est émue, en particulier, que ces derniers ne soient pas davantage protégés contre d’éventuelles dérives alors qu’un amendement déposé par le gouvernement et adopté par les députés a introduit des dispositions spécifiques pour encadrer davantage la mise en œuvre des techniques lorsqu’elles visent des personnes exerçant certaines professions « particulièrement sensibles »… sans y inclure les travailleurs sociaux. Aucun changement n’a été apporté, à cet égard, dans la version définitive du texte. Les professions concernées sont les parlementaires, les magistrats, les avocats et les journalistes(2). Mais pas les travailleurs sociaux, dont les communications professionnelles pourront donc « être collectées et écoutées au même titre que les autres, sans dispositions particulières », selon l’ANAS.
Les intérêts fondamentaux de la Nation au nom desquelles les services spécialisés de renseignement peuvent être autorisés à recourir aux techniques décrites dans la loi sont les suivants :
→ l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale ;
→ les intérêts majeurs de la politique étrangère, l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère ;
→ les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France ;
→ la prévention du terrorisme ;
→ la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ;
→ la prévention de la prolifération des armes de destruction massive ;
→ la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions ;
→ la prévention des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous en application de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure (groupes de combat et milices privées) ;
→ la prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.
(2) Le gouvernement a justifié ces dispositions par la nécessité de veiller à la conciliation du respect du secret attaché à l’exercice de ces professions (secret de l’enquête, de l’instruction, du délibéré, secret applicable aux échanges relevant de l’exercice des droits de la défense, secret des sources pour les journalistes) avec la défense et la promotion des intérêts publics.