Ce n’est pas parce qu’elle vit dans un fauteuil roulant que Charlotte de Vilmorin a envie de « jouer l’experte du handicap ». Aussi, quand l’une de ses collègues en agence de publicité lui propose de participer à une compétition pour gagner le budget d’une association pour l’emploi des personnes handicapées, la jeune femme fait mine de ne pas comprendre. C’est pourtant « un classique » : « Dès qu’un sujet avait un rapport plus ou moins direct avec le handicap, raconte-t-elle, les gens venaient m’en parler, sans se douter le moins du monde que cela ne m’intéressait absolument pas, et que je n’y connaissais rien. » Cette anecdote, Charlotte de Vilmorin, 24 ans, la rapporte parmi d’autres dans un petit ouvrage au titre aussi drôle et ironique que son contenu : Ne dites pas à ma mère que je suis handicapée, elle me croit trapéziste dans un cirque. Pas un livre d’expert, donc. Mais quel valide est conscient des multiples contraintes subies par les personnes handicapées ? De l’impossibilité totale de s’autoriser une panne d’oreiller puisque, de toute façon, l’aide à domicile sera là pour vous réveiller ? De ne jamais pouvoir improviser un déplacement, faute de véhicule adapté disponible ? De cette question cruciale : enfiler ou pas un manteau pour se rendre à un entretien d’embauche ? Autrement dit, soit devoir demander au recruteur de vous déshabiller, soit prendre le risque de grelotter sur le trajet… Conservant le ton humoristique et décalé de son blog, Wheelcome(1), jamais Charlotte de Vilmorin ne verse dans l’auto-apitoiement. Elle pointe les incohérences des politiques publiques, et les bâtons glissés – au sens propre comme au figuré – dans les roues des personnes handicapées : comme ces modalités différentes de prise en charge des déplacements, payés lorsqu’elle était étudiante puis plus du tout lorsque l’agence de publicité propose de l’embaucher à l’issue de son stage. Soit une facture mensuelle de… 4 500 €. « C’était presque trois fois mon salaire, écrit-elle. Le simple fait d’aller travailler m’endetterait. » Quel intérêt, pour la société, d’avoir investi pour ses études, alors qu’elle se voit finalement contrainte de devoir refuser le poste, s’interroge-t-elle ? Forte de cette expérience et d’un optimisme à toute épreuve, Charlotte de Vilmorin vient de se lancer dans une nouvelle aventure : la création de son entreprise, Wheeliz, un site de location de voitures aménagées entre particuliers.
Ne dites pas à ma mère que je suis handicapée, elle me croit trapéziste dans un cirque
Charlotte de Vilmorin – Ed. Grasset – 16 €
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