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Rétention : le nombre de personnes enfermées ne cesse d’augmenter

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Alors qu’elles militent depuis de nombreuses années contre l’enfermement des étrangers, les cinq associations qui interviennent dans les centres de rétention administrative (CRA) pour y assurer une mission d’information et d’assistance juridique – l’Assfam, la Cimade, Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile et l’Ordre de Malte – constatent, une fois encore, dans leur Ve rapport publié le 30 juin, une augmentation du nombre de personnes enfermées en 2014(1). « Plus 9 % par rapport à l’an dernier, précise David Rohi, responsable de la « commission éloignement » de la Cimade. Soit près de 50 000 personnes privées de liberté – 10 fois plus qu’en Allemagne et 18 fois plus qu’en Angleterre ! » Rien qu’à Mayotte, précisent les associations, le placement en rétention a progressé de 19 %. Quant au taux d’éloignement à la suite de cet enfermement, il varie de 48 % en métropole à 64 % en Guyane et à près de 100 % à Mayotte. Pour les cinq associations, il est urgent que les pouvoirs publics réfléchissent à des alternatives à l’enfermement et à l’éloignement, qui « s’avèrent souvent inutiles, parfois même absurdes et entachés de nombreuses violations de droits ». En effet, elles constatent qu’en métropole, 6 117 des 11 093 personnes renvoyées l’ont été vers un Etat membre de l’espace Schengen « alors que bon nombre d’entre elles seraient parties volontairement si elles avaient bénéficié d’un délai de départ ». Et de préciser qu’une part de ces renvois – précisément 1 713 – concerne des ressortissants européens – essentiellement des Roumains – pourtant libres de circuler au sein de l’Union. Selon les associations, les autorités auraient trouvé dans les ressortissants albanais « une nouvelle population permettant de faire du chiffre » : ils sont devenus, en 2014, la quatrième « nationalité à être enfermée » (derrière les Tunisiens, les Marocains et les Algériens) et « la première à être expulsée ».

Pour souligner l’absurdité du processus, les associations expliquent qu’en Guyane, ce sont souvent les mêmes personnes qui passent « jusqu’à 20 fois dans la même année » dans les CRA et sont renvoyées de force de l’autre côté d’un fleuve qu’elles retraverseront bientôt. A Mayotte, ce sont des Comoriens qui sont renvoyés sur l’île voisine avant de retenter une entrée dans le département sur des embarcations dangereuses. « Cette politique fait la démonstration année après année de son incapacité à prendre en compte des migrations pourtant coutumières et incontournables », martèlent les responsables associatifs. Ils rappellent également que le placement en rétention est abusif lorsqu’il est utilisé dans le seul but d’évacuer des camps à Calais ou des squats à Paris.

A l’instar du précédent rapport publié il y a seulement quelques mois(2), le document critique le projet de loi relatif au droit des étrangers (voir ce numéro, page 12), qualifié de « silencieux » par Lucie Feutrier-Cook, directrice du pôle migrants à l’Ordre de Malte. « Il ne garantit pas que l’enfermement devienne l’exception, il maintient les systèmes dérogatoires, il ne mentionne ni les locaux de rétention administrative ni un traitement particulier des personnes vulnérables et ne revient sur aucun point de la loi “Besson” du 16 juin 2011. Pire, deux outils mis en place par ce texte sont conservés, l’allongement de la durée de détention à 45 jours – une durée particulièrement traumatisante – et l’autorisation des éloignements sans contrôle du juge judiciaire avant le délai de cinq jours ! Si bien que 45 % des personnes ont été expulsées sans avoir pu être présentées devant un juge. » Les associations demandent, dès lors, que le projet de loi « soit substantiellement modifié et notamment que la durée maximale d’enfermement revienne à 32 jours et que l’intervention du juge ait lieu dans les 48 heures ».

Très remontées contre les locaux de rétention administrative (LRA) – « où les conditions matérielles sont proches de celles d’une garde à vue » –, les associations constatent que de nombreux mineurs – 676 – y ont été enfermés, alors même que « la loi interdit leur privation de liberté dans ces lieux »(3). La part d’enfants dans les centres et locaux de rétention administrative a d’ailleurs explosé en 2014 avec 5 682 jeunes enfermés (+ 57 %), dont 4 971 à Mayotte. « Une pratique pourtant condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme ». Egalement incriminés, les transferts entre CRA du nord de la France et CRA du sud, qui sont « banalisés alors qu’ils ne devraient pas être autorisés sans que le parquet soit informé ».

Si la France est devenue la « championne » européenne de la rétention administrative, les associations admettent qu’« il n’y a aucun pays où la situation de la rétention est bonne. L’Europe est marquée par un populisme et, en dehors de quelques micro-expériences, en Belgique notamment, il n’existe pas d’alternatives intéressantes. Celles-ci sont encore à inventer car la rétention n’est pas une fatalité. » Selon elles, il faut agir en amont, à travers « l’étude personnalisée des situations des personnes ».

(1) Centres et locaux de rétention administrative – Rapport 2014 – Disponible sur www.lacimade.org.

(2) Voir ASH n° 2884 du 21-11-14, p. 22.

(3) Les chiffres concernant les LRA ont été communiqués par le ministère de l’Intérieur, les associations ne disposant pas d’informations détaillées les concernant. Les autres données ont été collectées par chacune des cinq associations dans l’ensemble des centres de rétention de France, à l’exception de Mayotte, où l’aide à l’exercice des droits n’est pas financée par l’Etat.

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