Quel sera l’impact de l’accord sur la formation professionnelle dans la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale ? Signé à la fin mai par une seule organisation syndicale – la CFDT – et avec l’opposition de deux autres – FO et la CFTC –, le texte est désormais soumis à l’agrément. Au terme du long feuilleton de négociations qui a opposé l’Unifed (Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social) et les organisations syndicales, les représentants d’Unifaf ont, le 30 juin lors de la conférence de presse annuelle de l’organisme paritaire collecteur agréé (OPCA), dressé leur bilan politique et technique de la situation. Car, au-delà d’avoir assuré in extremis sa survie, l’accord de branche qui vise à transposer la loi du 5 mars 2014 modifie le rôle de l’OPCA à l’égard de ses adhérents. Une révolution : « En passant de l’obligation de dépenser à l’obligation de former, les employeurs entrent dans une logique d’investissement formation qui aura des conséquences économiques à appréhender dès 2015 », souligne Jean-Pierre Delfino, directeur général de l’OPCA.
A la présidence d’Unifaf, la parole paritaire est optimiste. Une fois agréé puis étendu, l’accord « permettra aux 8 000 structures associatives du champ et à leurs 700 000 collaborateurs de mener à bien leurs projets emploi-formation », dans un nouveau cadre tenant compte des nouveaux besoins de la population, des exigences de qualité des prestations et d’efficacité budgétaire, assure Franco Stivala, administrateur CFDT et président d’Unifaf. « Les organisations syndicales et l’Unifed sont attachées indéfectiblement à la formation professionnelle », insiste Alain Carrée, président-adjoint d’Unifaf, vice-président de la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs) et membre du comité directeur de l’Unifed. Non sans concéder des divergences qui ont traversé les négociations. Tandis que les syndicats font de la qualification une priorité, les employeurs, de leur côté, veulent privilégier la professionnalisation, dont les besoins sont « liés aux injonctions réglementaires et à l’évolution des publics accueillis », argue-t-il.
A cet enjeu de la nature des formations financées s’ajoute celui du niveau de la cotisation des employeurs, qui passe de 2,3 % auparavant (dont 1,85 % obligatoirement versés à l’OPCA), à 2 % avec le nouvel accord (dont 1,35 % obligatoirement versé à l’OPCA). Les taux désormais prévus « sont le résultat d’un compromis », indique Alain Carrée, rappelant que, dans un contexte de contraintes budgétaires, les employeurs eux-mêmes ne partagent pas les mêmes préoccupations – entre le secteur sanitaire, confronté à des problématiques financières dues à la tarification à l’activité et enclin aux mesures d’économie, et le médico-social, plus favorable aux dispositions conventionnelles, dont l’opposabilité assure en théorie le financement. Le fruit de ces âpres discussions ? En plus du taux de 1 % de contribution légale, une part conventionnelle (mutualisée) de 0,35 % et l’« obligation d’investissement formation », à hauteur de 0,65 %, « qui correspond à la volonté des employeurs d’avoir à leur main un budget qu’ils utiliseront, en lien avec les instances représentatives du personnel », rappelle Alain Carrée. Cette part qui, précise-t-il, « pourra très bien servir à des formations qualifiantes », pourra être gérée en interne, versée à l’OPCA, ou bien les deux à la fois.
Qu’en sera-t-il du niveau de la collecte à l’avenir réunie par Unifaf ? Alors qu’en 2014, ses adhérents lui ont versé un taux de contribution moyen de 2,24 %, une hypothèse de baisse à 2 % reviendrait, selon les calculs de l’OPCA, à une diminution potentielle de quelque 35 millions d’euros (sur un total de 413 millions d’euros en 2014). Mais l’organisme manque encore de visibilité sur la façon dont les employeurs vont utiliser leur « obligation investissement formation ». Vont-ils ou non la verser à l’OPCA ? La part non consommée de cette enveloppe devra par ailleurs obligatoirement revenir à Unifaf.
Difficile, donc, selon les termes de Jean-Pierre Delfino, « de lire dans la boule de cristal ». Mais pour tenter d’assurer le maintien de la collecte, Unifaf devra encore convaincre ses adhérents de l’utilité de lui verser au-delà de 2 % de cotisation. « Ce qui était auparavant une part libre pourrait demain passer à l’OPCA s’ils y trouvent un intérêt », estime Alain Carrée, qui y voit « un jeu de relation entre l’OPCA et l’adhérent, qui est un client » attendant des contreparties. « Ce qui incite un adhérent à verser à l’OPCA est le niveau de service proposé par ce dernier et le taux de retour économique », abonde Jean-Pierre Delfino. D’où un plan de transformation de 10 millions d’euros sur cinq ans (2013-2017) qui doit permettre à l’OPCA de « changer de métier », selon son directeur général, soit cinq millions consacrés à la professionnalisation de ses collaborateurs et cinq autres à la refonte de son système d’information. Ses « options stratégiques » d’ici à 2017 : améliorer le service aux adhérents en « faisant moins de gestion simple et plus de gestion complexe », en renforçant leur accompagnement dans la mise en œuvre de la loi de mars 2014, sachant que celle-ci « transfère une partie des responsabilités vers les partenaires sociaux », et surtout en leur proposant des prestations sur mesure et des « conventions de service ». En interne, cette mutation se traduira par une organisation dédiée qui renforcera les « synergies entre le siège et les régions », par la spécialisation des conseillers de proximité (en matière de gestion et financement, sur la mise en place du conseil en évolution professionnelle et du compte personnel de formation notamment). Unifaf a déjà commencé en 2015 une démarche de contractualisation sous la forme de « lettres d’engagements ». Parmi les 12 200 « contributeurs », plus de 6 500 s’étaient prononcés au 24 juin, dont 80 % se sont engagés à verser à Unifaf une contribution à hauteur de 2,3 % au titre de leur masse salariale 2015.