D ans une information adressée aux préfets, le ministère de l’Intérieur revient en détail sur la récente réforme des aides au retour et à la réinsertion – prévue par un arrêté du 17 avril dernier(1) –, dont l’objectif est d’inciter à davantage de retours volontaires tout en contribuant à leur caractère durable.
Tout étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et qui n’a pas été placé en rétention peut recevoir une aide au retour de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Cette aide comprend une aide administrative et matérielle à la préparation du voyage, une prise en charge des frais de transport et une allocation forfaitaire.
La grande nouveauté, c’est que le barème de cette allocation forfaitaire a été augmenté pour les ressortissants de pays tiers à l’Union européenne (UE) soumis à visa ainsi que pour les enfants mineurs, et diminué pour certains autres ressortissants. Plus précisément :
→ l’allocation a été portée de 500 à 650 € pour les ressortissants de pays tiers soumis à visa « afin d’être plus incitative »;
→ l’allocation a été réduite à 300 € pour les ressortissants de pays tiers dispensés de visa ainsi que pour ceux du Kosovo. Un montant que le ministère justifie, pour ceux du pays du continent européen hors UE « par leur relative proximité géographique et la facilité de retours par voie routière qui en découle ». Tandis que, pour les autres pays (ceux du continent américain, Israël, Australie, etc.), « ce taux intermédiaire se justifie par le fait que ces nationalités ne constituent pas un public prioritaire pour l’aide au retour »;
→ le montant est demeuré inchangé – 50 € – pour les ressortissants de pays membres de l’Union européenne, de l’Espace économique européen(2), de la Suisse, d’Andorre, de Monaco et de San Marin.
Alors que le régime précédent prévoyait un montant minoré pour les enfants, le montant est désormais le même pour chaque membre d’une famille. « Ce changement permet d’atteindre des montants incitatifs pour les familles », explique le ministère. « Ainsi, une famille de deux enfants provenant d’un pays tiers soumis à visa pourra bénéficier de 2 600 €, contre 1 500 précédemment. »
Autre nouveauté : sur la base des éléments fournis par les préfets justifiant le recours à ce dispositif, le directeur général de l’OFII peut dorénavant compléter, à titre exceptionnel, le montant de base de l’allocation forfaitaire par l’adjonction d’une majoration. Il doit s’agir, plus précisément, d’opérations ponctuelles et limitées dans le temps, « destinées à faciliter le départ des demandeurs d’asile déboutés d’un centre d’accueil ou d’un hébergement d’urgence, ou l’évacuation d’un campement ou d’un squat particulièrement difficile ou emblématique ».
La majoration ne peut excéder 350 € par personne. Ce plafond, précise le ministère, « a vocation à être réservé aux ressortissants de pays où ne sont pas disponibles les aides à la réinsertion » (voir ci-contre), « ce qui permettra d’atteindre, dans le cas de ressortissants de pays tiers soumis à visa, le seuil de 1 000 € ».
Le demandeur d’une aide au retour doit désormais justifier qu’il réside en France depuis au moins six mois. L’idée étant ainsi de prévenir les effets d’aubaine. Le ministère précise que, dans le cadre de l’instruction de la demande d’aide, l’OFII prendra notamment en considération « certains justificatifs particulièrement probants que pourra produire le migrant »: passeport, titre de séjour périmé, bulletins de paie, avis d’imposition, quittance de loyer, certificat de scolarité, carte de transport en commun, etc. La durée de séjour irrégulier figurant le cas échéant dans l’obligation de quitter le territoire français sera également prise en compte.
A noter : il peut être dérogé à cette règle des six mois dans des situations exceptionnelles, « lorsqu’il est clairement établi que le but principal du demandeur n’est pas l’obtention de l’aide ».
L’OFII peut aussi accorder – le cas échéant en complément de l’aide au retour – des aides à la réinsertion aux ressortissants de pays couverts par un programme spécifique d’aide à la réinstallation qui en font la demande, « afin de conforter la durabilité de [leur] réinstallation et celle de [leur] famille ». 29 pays sont concernés(3). Ces aides sont destinées, en premier lieu, aux étrangers en situation irrégulière, indique le ministère. Mais, à titre exceptionnel, elles peuvent aussi être accordées « à des étrangers – plus particulièrement des étudiants ou des jeunes professionnels – dont le titre arrive à expiration et qui n’ont aucune perspective de séjour régulier en France ».
L’aide à la réinsertion ne se cantonne plus désormais au seul domaine économique. Il existe ainsi trois niveaux d’aide, afin qu’elle corresponde mieux aux besoins du demandeur « tels qu’évalués par l’OFII en lien avec son opérateur dans le pays de retour » :
→ une aide à la réinsertion sociale (niveau 1), pour prendre en charge les premières dépenses suscitées par le retour (scolarisation des enfants, achat de mobilier, soutien au paiement du loyer, etc.);
→ une aide à la réinsertion par l’emploi (niveau 2), qui inclut une aide à la reprise d’emploi dans le pays d’origine, sous forme de prise en charge d’une partie du salaire versé par l’employeur et/ou d’une formation professionnelle complémentaire ;
→ une aide à la réinsertion par la création d’entreprise (niveau 3) consistant à faciliter les investissements nécessaires à l’accomplissement d’un projet entrepreneurial dans le pays de retour (gestion, commerce, agriculture, etc.).
Concrètement, le migrant dispose de trois mois après son départ pour se manifester auprès de l’OFII ou de son opérateur local pour déterminer les dépenses éligibles à une prise en charge au titre des aides à la réinsertion. « A la différence de l’aide au retour, l’aide à la réinsertion ne prend donc pas la forme d’un pécule », explique le ministère. « Il s’agit d’un accompagnement concret et personnalisé, après le retour, afin de garantir la viabilité des projets et la durabilité de la réinstallation du migrant et de sa famille dans le pays d’origine. » Le bénéficiaire est suivi six mois dans le cadre d’une aide de niveau 1, 12 mois dans le cadre d’une aide de niveau 2 ou 3.
Le ministère de l’Intérieur insiste auprès des préfets pour qu’ils assurent la plus large information sur les aides au retour et à la réinsertion. A cet effet, toute notification d’une OQTF, que ce soit par remise directe ou par voie postale, doit être accompagnée du dépliant d’information de l’OFII sur ce sujet.
Par ailleurs, en cas de libération – à la suite d’une décision de justice – d’un étranger placé en rétention, les préfets devront veiller à l’informer des possibilités en matière d’aide au retour.
Un premier bilan de la mise en œuvre de la réforme sera dressé au 30 novembre prochain par l’OFII et la direction générale des étrangers en France.
(2) C’est-à-dire tous les pays de l’Union européenne, plus l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.
(3) Dont la Roumanie et une quinzaine de pays du continent africain. Les 29 pays sont listés en annexe de l’information adressée aux préfets.