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Une lettre ouverte en faveur d’une « doctrine » pour le travail social

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A quelle réforme des diplômes s’attendre dans le cadre des « états généraux du travail social » annoncés pour l’automne ? Alors que les conclusions de la mission de la députée Brigitte Bourguignon ne sont pas attendues, selon son entourage, avant la mi-juillet, le rapport du groupe de travail « métiers et complémentarités », validé par la commission professionnelle consultative (CPC) du travail social et de l’intervention sociale en décembre dernier(1), suscite toujours beaucoup d’inquiétude.

Le projet de refonte des diplômes était, le 25 juin, au cœur de la mobilisation des syndicats de travailleurs sociaux, qui devaient interroger le ministère des Affaires sociales sur ses intentions. Mais le sujet a aussi fait l’objet d’une lettre ouverte intitulée « Défendre les métiers sociaux », adressée le 19 juin « aux autorités publiques et aux partenaires concernés ». Dans cette missive, près de 40 professionnels, enseignants universitaires, chercheurs et formateurs, dont Michel Chauvière, Michel Autès, Bertrand Ravon, Joseph Rouzel, Roland Gori ou Laurent Mucchielli, apportent leur soutien à la mobilisation portée par le collectif Avenir éducs. Celui-ci est né il y a plus de un an(2), après la diffusion du rapport sur l’évaluation de la réingénierie des diplômes réalisée entre 2002 et 2009 sous la houlette de la CPC, qui esquissait déjà un projet de refonte de la formation initiale des travailleurs sociaux.

Au-delà des seules pistes du rapport de la CPC – réduction du nombre de diplômes, référence aux fonctions de coordinateur des professionnels titulaires d’un diplôme actuellement de niveau III, révision de l’alternance intégrative… –, avec lesquelles la secrétaire d’Etat chargée de la lutte contre l’exclusion a pris soin ses distances, les signataires alertent sur une orientation générale, qui à leurs yeux pourrait se confirmer. Ils fondent leurs craintes sur les récentes évolutions du travail social. « Notre pays se caractérise d’abord par l’absence d’une doctrine globale pour l’action sociale depuis plus de 30 ans et, à ce titre, le rapport de la CPC témoigne d’une absence totale d’ambition politique, ne faisant que soumettre des propositions techniques face à une réalité qu’il caricature », jugent-ils. Ils contestent des propositions qui répondent « avant tout à une rationalité organisationnelle, au service des employeurs, en évitant soigneusement de penser de façon éthique la question de l’accompagnement et de l’aide qu’il faut mettre en œuvre au profit de personnes en difficulté ».

Cette absence de doctrine a, selon eux, déjà des conséquences sur le terrain : « Ainsi, le travail social a été décentralisé comme une simple main-d’œuvre, sans réflexion sur l’impact de cette réforme structurelle sur les métiers et les conditions de travail. » Egalement pointée du doigt : la marchandisation des missions. En outre, une division du travail, « bien connue dans les secteurs productifs, s’introduit progressivement dans le domaine du travail social », ajoutent-ils, constatant une séparation beaucoup plus nette entre « les fonctions supérieures d’ingénierie, de direction, d’encadrement, de coordination, d’évaluation, etc., et les fonctions “inférieures” d’exécution qui sont pourtant le cœur des métiers ». Or le marché de la formation est « totalement ouvert » pour les premières, si bien qu’elles sont « maintenant investies par des candidats en reconversion parfois très éloignés et très ignorants de la question sociale et de la culture clinique ». Pour les autres, « la norme d’exécution entraîne la déqualification des postes comme des personnes, elle précarise les salariés et fait courir des risques nouveaux aux usagers ». Rappelant que le travail social ne peut être réduit à « une modalité technicienne », la lettre ouverte évoque les conséquences de la diminution des budgets dédiés à la formation continue non certifiante depuis la réforme de la formation professionnelle de mars 2014. Des restrictions qui touchent en particulier les professionnels « en attente d’espace d’élaboration et de construction du sens de leur pratique ».

Dans ce contexte, les signataires estiment que les projets de refonte, tels qu’ils ont été présentés, « font craindre le pire, sous couvert hélas de meilleures intentions ». Ils appellent à « réfléchir ensemble à la doctrine du travail social qu’il nous faut, aux meilleures conditions de sa préparation collective, pluridisciplinaire et indépendante, et à quel type de société ces différents choix correspondent ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2888 du 19-12-14, p. 5.

(2) Voir ASH n° 2855 du 11-04-14, p. 16.

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