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Le Caferuis, une formation « exportable » à d’autres pays

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Insuffisamment reconnu en France malgré ses atouts – qui viennent d’être mis en avant par une étude (voir ce numéro, page 15) –, le Caferuis suscite pourtant un grand intérêt dans les pays voisins, explique Sophonie Pérard, présidente de la Fédération française de l’encadrement intermédiaire(1). D’où le projet de cette dernière de développer une formation de type Caferuis à l’échelle internationale.

« Le certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention (Caferuis) a fêté ses dix ans le 8 juin dernier. En une décennie, le nombre d’inscrits – passé d’un peu plus de 500 en 2005 à plus de 1 500 en 2011 – a quasi triplé, celui des diplômés affichant la même progression. 60 à 70 % des titulaires du certificat issus du secteur social trouvent un emploi de chef de service éducatif, de responsable d’unité d’intervention sociale ou de directeur adjoint, voire de directeur pouvant manager jusqu’à 50 équivalents temps plein dans le secteur privé à but non lucratif dans les six à douze mois qui suivent son obtention. Quant à ceux qui travaillaient déjà dans la fonction publique ou hospitalière, ils deviennent en général, quelques années après, cadre socio-éducatif ou cadre supérieur socio-éducatif.

Ce certificat, qui atteste des compétences nécessaires pour gérer une unité de travail dans le champ de l’intervention sociale et qui est inscrit au niveau II du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), a permis de structurer sur le plan national la formation à l’encadrement. Auparavant, en effet, les centres de formation dispensaient des formations “maison” de cadres intermédiaires sans cohérence entre elles, ni reconnaissance nationale.

Difficile de définir en quelques lignes les tâches du chef de service car ce métier comporte de nombreuses facettes. Il assure l’encadrement d’une équipe, mais engage aussi des actions directement auprès des usagers. Son rôle est essentiel pour la mise en œuvre de réponses adaptées aux besoins des personnes concernées.

Le cadre de proximité pilote l’action dans le cadre de projets de service. S’il est autonome, il doit toutefois construire ces projets en cohérence avec les projets d’établissement dont il assure le bon accomplissement. Il doit en outre savoir prendre des décisions en l’absence du directeur et intervenir éventuellement dans la gestion directe de son établissement, sans pour autant détenir les pouvoirs de gouvernance.

Pivot incontournable

L’atout principal du chef de service est sa place d’“intermédiaire” au sein de l’institution, qui l’oblige à trouver le juste milieu entre l’équipe pluridisciplinaire et l’équipe élargie de direction. Face à l’alourdissement de la charge de travail des équipes éducatives et des directions, qui résulte de l’accroissement de la bureaucratie, des politiques sociales changeantes et des contraintes économiques, l’arrivée d’un chef de service éducatif est souvent vécue par les équipes comme un soulagement et un soutien considérables. De fait, les cadres de proximité participent activement à des équipes de direction élargie et sont appréciés pour leurs compétences, qui ne sont pas celles d’un directeur titulaire du certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale (Cafdes) ou d’un ingénieur doté d’un diplôme d’Etat d’ingénierie sociale (DEIS). Et, contrairement à une idée reçue, ils trouvent relativement facilement leur place aux côtés des directeurs d’établissement social ou médico-social, qui, eux, sont chargés de piloter les orientations stratégiques et d’organiser les liens politiques entre les membres des conseils d’administration et les élus des collectivités locales et territoriales.

Par ailleurs, ils maîtrisent les outils professionnels des lois 2002, 2005, 2007, ainsi que la démarche “qualité” et la méthodologie d’évaluation. Et leur formation aux techniques de management les prépare à gérer des équipes pluridisciplinaires.

Selon le rapport d’évaluation de la réingénierie du Caferuis de décembre 2013, réalisé à la demande de la direction générale de la cohésion sociale, les atouts de ce diplôme (attractivité, souplesse et évolutivité des contenus de formation, pertinence des épreuves de certification) dépassent ses faiblesses, notamment son insuffisante pénétration dans le secteur de l’aide à domicile. Ce titre, qui a fait ses preuves ces dix dernières années, devrait être reconnu au grade de master et les encadrants intermédiaires avoir le statut de cadre – les nomenclatures de l’INSEE [Institut national de la statistique et des études économiques] ne les enregistrent toujours pas dans cette catégorie ! Pourtant, le projet de réarchitecture des diplômes, adopté en décembre dernier par la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale(2) – et sur lequel nous attendons prochainement les conclusions de la mission confiée à la députée Brigitte Bourguignon(3) –, nous rend très inquiets sur l’avenir du Caferuis.

Le métier de cadre de proximité répond pourtant à une attente et à un besoin dans notre secteur. C’est pourquoi, plutôt qu’une remise en cause du Caferuis, il faudrait au contraire le relever au niveau du master (M1), ce qui lui permettrait d’atteindre progressivement, grâce à un système de passerelles entre les diplômes, le niveau 7 du cadre européen de certification (déjà acquis pour le diplôme d’Etat d’ingénierie sociale et le certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale). Un réajustement d’autant plus légitime qu’une reconnaissance des formations initiales de niveau III au grade de la licence amènerait les assistants sociaux et les éducateurs spécialisés au même niveau que le Caferuis !

Manque de reconnaissance

Toutes les évaluations réalisées sur le niveau universitaire de ce diplôme le positionnent au grade de master. Malheureusement, force est de constater que le métier de chef de service et la formation qui y prépare souffrent d’un manque de reconnaissance Les rapports, qui soulignent les nombreux atouts du Caferuis, n’ont été jusqu’ici que peu diffusés. Une étude, menée en 2014 avec Philippe Hirlet, responsable du département “recherche” à l’IRTS [Institut régional du travail social] de Lorraine par la Fédération française des encadrants intermédiaires (FFEI) – qui a été créée en juillet 2014 par plusieurs chefs de service éducatif(4) –, montre que les métiers de l’encadrement font l’objet de questionnements et de recherches, avec notamment l’organisation de colloques, dans de nombreux pays européens. Il est vrai que, dans certains Etats voisins, on peut accéder à un poste d’encadrement dans une structure médico-sociale avec un diplôme supérieur de la fonction médicale (psychologue, médecin…) ou après des années d’expérience professionnelle au sein du même établissement. Dans ces pays, certaines formations à l’encadrement commencent tout juste à voir le jour !

Ces constats, et surtout l’intérêt que suscite le Caferuis chez nos voisins, ont conduit la FFEI à proposer un projet de “consortium” entre des centres de formation et des universités français et européens. Objectif ? Réfléchir à la création de formations similaires au Caferuis sur le plan européen en adaptant le référentiel professionnel aux besoins de chaque pays partenaire du projet, tout en gardant un tronc commun afin d’assurer à ces formations une reconnaissance européenne. La FFEI compte parmi ses adhérents plusieurs cadres qui ont exercé dans différents pays européens. Tous affirment que le Caferuis leur a permis d’asseoir des compétences et d’adopter une posture professionnelle dans un cadre réglementé par un diplôme, alors que, dans la quasi-totalité des pays européens, les fonctions d’encadrement s’exercent dans le plus grand flou.

Ouvrir la réflexion à l’Europe

D’ores et déjà, une collaboration se met en place entre la FFEI et plusieurs partenaires européens, afin de proposer des interventions de stagiaires titulaires ou en cours d’acquisition du Caferuis, accompagnés de responsables de formation, dans des colloques européens ou des universités. En retour, ceux-ci se verront présenter les masters existants et les besoins de formation supérieure d’encadrement existant dans les pays concernés.

Le lancement officiel de ce projet d’exportation du diplôme, qui se traduira par la signature d’une convention entre les partenaires – on compte déjà des centres de formation et des universités d’Espagne, d’Italie, du Luxembourg et de Suède –, est prévu en décembre prochain, lors d’une journée européenne sur le Caferuis. Elle réunira des instituts de formation français et européens et sera l’occasion de présenter la formation et le métier ainsi que les arguments en faveur d’une reconnaissance au niveau master du diplôme. Elle sera également l’occasion d’ouvrir une réflexion sur le travail social en Europe. »

Contact : soph.vigato@yahoo.com

Notes

(1) Et directrice générale de l’Association pour la réhabilitation des marginaux au Luxembourg.

(2) Voir ASH n° 2888 du 19-12-14, p. 5.

(3) Voir ASH n° 2903 du 27-03-15, p. 8.

(4) Elle vise à défendre les intérêts des stagiaires et titulaires du Caferuis et œuvre à une reconnaissance nationale, européenne, voire internationale de cette formation.

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