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PJJ : les séjours éducatifs à l’étranger

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Une note d’instruction de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse met à jour le cadre réglementaire des séjours éducatifs organisés – principalement pour des mineurs confiés par l’autorité judiciaire – en dehors de la France.

Le document abroge pas moins de quatre textes diffusés entre 2000 et 2010 : une récente note d’instruction signée par la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) précise et met à jour le cadre réglementaire des séjours éducatifs organisés à l’étranger – et en outre-mer – par les services de la PJJ.

La définition du « séjour à l’étranger » est à envisager selon deux perspectives, pose d’emblée Catherine Sultan. D’une part, le terme peut désigner « un certain nombre d’actions » ponctuelles se déroulant à l’étranger, répertoriables en trois catégories de déplacements :

→ des actions humanitaires et de solidarité internationale dans des pays émergents ;

→ des échanges transnationaux ;

→ ou bien encore des séjours de loisirs dans le cadre des activités proposées aux jeunes au sein d’un établissement ou service du secteur public et associatif de la PJJ.

D’autre part, le séjour à l’étranger peut représenter un facteur de remobilisation sur lequel des établissements de placement judiciaire – et notamment des centres éducatifs renforcés (CER) – font reposer leur projet d’établissement. Ce sont les fameux « séjours de rupture à l’étranger », « mode de prise en charge spécifique favorisant une mise à distance marquée, à l’étranger, de certains mineurs, de leur mode de vie habituel et de leur milieu familial ».

Le séjour à l’étranger organisé par la PJJ est donc un mode de prise en charge, selon les cas, « structurel ou ponctuel » consistant à accompagner des mineurs confiés par l’autorité judiciaire en dehors de la France.

Une fois passée cette clarification, la note d’instruction détaille le public et les établissements et services concernés. Elle s’arrête également sur la notion de « plus-value éducative » – qui justifie le recours à un séjour à l’étranger – ainsi que sur les conditions juridiques et sanitaires incontournables à la réalisation de chaque projet.

(A noter) La notion de « séjour à l’étranger » au sens de la note d’instruction présentée dans ce dossier s’applique également à l’outre-mer français. En effet, un déplacement vers un département, un territoire ou une collectivité française d’outre-mer implique un passage par une zone étrangère. Le terme désigne ainsi tout séjour hors du territoire hexagonal.

I. LE PUBLIC ET LES STRUCTURES CONCERNÉS

Le public autorisé à participer à un séjour à l’étranger peut être composé de :

→ mineurs et/ou jeunes majeurs faisant l’objet d’une décision judiciaire, confiés aux établissements de placement et/ou pris en charge par les services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, que cette décision soit fondée sur l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ou l’article 375 du code civil relatif à l’enfance en danger ;

→ mineurs et/ou jeunes majeurs confiés au secteur associatif habilité sur le fondement de l’ordonnance de 1945 uniquement ;

→ mineurs et/ou jeunes majeurs hors mandat judiciaire, « connus dans le cadre de projets partenariaux » (situation qui peut se rencontrer au sein des unités éducatives d’activités de jour). « Dans cette hypothèse, souligne Catherine Sultan, il convient de s’assurer au préalable de ce que les parents ont bien souscrit pour leur enfant une assurance de responsabilité civile couvrant ce type de séjour. »

S’agissant des établissements et services concernés, la DPJJ indique que si tous ceux du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse peuvent donc organiser des séjours à l’étranger, il n’en est pas de même pour les établissements de placement du secteur associatif. Parmi ces derniers, en effet, seuls ceux qui accueillent des mineurs confiés par l’autorité judiciaire au titre de l’ordonnance de 1945 sont habilités par la PJJ à organiser de tels séjours.

II. LES CONDITIONS À RESPECTER

A. La nécessaire plus-value éducative du projet

1. LA VALEUR PÉDAGOGIQUE DU PROJET

Le recours au séjour doit constituer « une plus-value éducative » dans la prise en charge du mineur. La directrice de la protection judiciaire de la jeunesse insiste beaucoup sur cette notion. « Il ne saurait y avoir de séjours à l’étranger sans que le projet […] démontre sa valeur pédagogique et les effets attendus sur les mineurs », explique-t-elle, ajoutant que « ces précautions apparaissent essentielles dans la mesure où le dispositif n’est pas exempt de risques ».

Ces projets de séjour à l’étranger doivent, en outre, reposer sur une démarche pédagogique non seulement portée par les organisateurs du projet mais aussi, insiste la note, par l’ensemble de l’équipe éducative, soutenue par l’équipe de direction du service ou de l’établissement.

Revenant sur les risques encourus, Catherine Sultan glisse au passage que ces projets de séjour à l’étranger doivent demeurer « exceptionnels ». Elle indique également qu’ils ne peuvent constituer la seule préconisation répondant aux problèmes de comportement de jeunes en grande difficulté, accumulant des placements de diverses natures. « Il doit correspondre à une orientation positive, qui prend tout son sens dans l’évolution du mineur. »

2. LES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES

Les projets de séjour à l’étranger qui sont proposés doivent revêtir un caractère pédagogique et éducatif « avéré », insiste la note. « Ils doivent permettre une réelle évolution des jeunes qui y participent et leur faire acquérir une plus grande autonomie (les responsabiliser, leur redonner confiance, leur faire prendre conscience de leurs potentialités, etc.). » Ils doivent « favoriser une dynamique nouvelle dans la prise en charge des mineurs concernés en les faisant participer à un projet motivant, chargé de sens et fortement valorisant ».

La DPJJ dresse, à titre d’exemples, une liste d’objectifs pédagogiques, non exhaustive. L’expérience d’un séjour à l’étranger dans un cadre prédéfini peut ainsi permettre de :

→ développer les échanges interculturels au travers d’activités artistiques, sportives d’insertion, etc. ;

→ découvrir des métiers, de développer des compétences et de mener à bien un projet en groupe ;

→ comprendre l’histoire, de découvrir d’autres civilisations et cultures et ainsi de se construire une forme de citoyenneté ;

→ favoriser la mobilité sociale, culturelle voire professionnelle ;

→ faciliter le dialogue intergénérationnel ;

→ favoriser l’estime de soi et la confiance en soi.

Catherine Sultan encourage par ailleurs le déroulement de tels séjours dans des pays de développement ou dans des pays émergents, des contextes permettant au jeune de « porter un regard nouveau sur les conditions de vie de ces pays » et favorisant « la prise de recul sur sa propre situation ».

B. Les conditions juridiques d’un séjour à l’étranger

Tout projet de séjour à l’étranger fait l’objet d’une procédure de validation administrative par les services de la PJJ, qui diffère selon que le projet est un élément constitutif du projet d’établissement ou constitue une modalité de prise en charge ponctuelle.

Au-delà, la note apporte des précisions sur le cadre juridique d’un séjour éducatif à l’étranger en répondant aux trois questions suivantes : quelle est la valeur de la décision ayant conduit au recours à un tel séjour lorsque le mineur est à l’étranger Quelles sont les autorisations requises pour que le jeune puisse quitter le territoire national ou les personnes à consulter au préalable

1. LA VALIDATION DU SÉJOUR PAR LA PJJ

Pour les structures qui font du séjour à l’étranger un élément constitutif de leur projet d’établissement, comme c’est le cas notamment pour les CER, la procédure de validation du projet est détaillée dans une fiche technique n° 1 annexée à la note d’instruction. Ce document précise notamment que, une fois que le projet d’établissement a été validé par les services de la protection judiciaire de la jeunesse, la structure doit, 4 semaines avant chaque départ à l’étranger avec un nouveau groupe de mineurs, présenter un dossier à la direction interrégionale de la PJJ comprenant notamment les fiches individuelles des jeunes participant au voyage, le projet pédagogique et le budget prévisionnel.

Lorsque le séjour à l’étranger constitue une modalité de prise en charge ponctuelle, la procédure à suivre est fixée dans une fiche technique n° 2 figurant aussi en annexe de la note d’instruction. Il y est notamment précisé que l’accompagnement des mineurs se déroule selon la norme d’un professionnel (éducateur, professeur technique, personnel de santé, etc.) pour quatre jeunes a minima. Il appartient aux organisateurs d’apprécier la qualité de cet encadrement et sa motivation au regard du projet pédagogique. Dans le cas où le projet de séjour inclut la réalisation de travaux sur place (exemple : activité de chantier d’utilité sociale) ou dans le cas de la conduite de véhicule, un personnel supplémentaire peut être autorisé, précise la fiche technique. Les projets de séjour à l’étranger, qu’ils soient portés par le service public ou le secteur associatif habilité, doivent être communiqués, pour première validation et autorisation, au directeur territorial puis au directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse. Celui-ci doit ensuite transmettre le dossier à la DPJJ au plus tard 4 semaines avant le départ, sous peine de rejet.

2. LA VALEUR DE LA DÉCISION DU JUGE FRANÇAIS À L’ÉTRANGER

S’agissant de mineurs placés sur le fondement de l’ordonnance de 1945, en principe, le fait que le séjour ait lieu à l’étranger ne compromet en rien la validité de la décision judiciaire confiant un mineur poursuivi ou condamné à l’établissement ou au service porteur du projet. Cette décision, indique la note, conserve donc toute sa valeur juridique.

Pour autant, les moyens que la loi confère au juge ne sont pas les mêmes que sur le sol français. Ainsi, en cas de fugue du mineur, le magistrat ne peut faire appel à la force publique pour le rechercher et le reconduire en son lieu de placement, explique la DPJJ, en précisant que l’établissement gardien peut toutefois, sur présentation du titre de placement, demander la restitution de la garde par les autorités locales qui auront retrouvé le mineur.

De même, dans l’hypothèse d’un jeune placé qui commettrait une nouvelle infraction ou ne respecterait pas les obligations définies dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le juge ne disposerait pas de son pouvoir de coercition sur le sol étranger.

(A noter) Les autorités locales confèrent le plus souvent au mineur le statut de touriste, ce qui lui assure la protection consulaire de son pays d’origine.

3. LES AUTORISATIONS À RECUEILLIR

Pour chaque mineur, l’autorisation du juge des enfants ou du juge d’instruction prescripteur doit être recueillie, indique la note.

De plus, les parents ou le tuteur légal doivent donner leur accord à la sortie du territoire. « Il ne peut en effet être admis que des mineurs quittent le territoire national sans qu’eux-mêmes et leurs parents aient pu prendre connaissance du projet et donner leur accord en toute connaissance de cause. » Une implication qui, insiste la DPJJ, « suppose une présentation précise du projet, de ses objectifs, des garanties prises par les organisateurs tant au niveau de l’encadrement que des conditions juridiques et sanitaires ».

Autre avis requis : celui du médecin traitant – ou, à défaut, d’un autre médecin – dans l’hypothèse où l’état de santé du jeune nécessite un traitement médical.

4. LES CONSULTATIONS PRÉALABLES

La procédure d’habilitation ou d’autorisation de tout séjour à l’étranger doit aussi prévoir, dans sa phase d’instruction, la consultation des consulats – « à la diligence de la DPJJ », précise la note –, l’idée étant de recueillir un avis circonstancié sur la compatibilité du projet avec la situation politique, sanitaire et sociale du pays.

La DPJJ juge par ailleurs « utile » de recueillir les avis sur des points tels que « la pertinence des actions humanitaires ou de solidarité envisagées, au regard de l’aide humanitaire dans le pays ». Les services de la coopération et d’action culturelle existant dans la plupart des ambassades sont, à cet égard, les plus appropriés pour cette consultation.

Toujours au préalable, un protocole de rapatriement doit être établi par les organisateurs du séjour éducatif à l’étranger et transmis, après validation de la DPJJ et pour information au magistrat prescripteur, aux représentants légaux et aux services consulaires(1).

Un modèle de protocole figure en annexe de la note d’instruction. En clair, le document prévoit les modalités de retour sur le territoire français des mineurs en envisageant différents scénarii en raison des causes qui motivent leur retour anticipé (raison médicale, décès dans la famille du mineur, incompatibilité du comportement du mineur avec la poursuite du séjour, risque imminent nécessitant le rapatriement du groupe de jeunes dans son intégralité, etc.).

Enfin, avant le départ et après obtention de l’autorisation délivrée par la DPJJ, les organisateurs du séjour doivent se faire connaître auprès des autorités consulaires françaises du pays visité. A charge pour eux de remettre, en ce sens, au consulat, la liste des mineurs effectuant le séjour. « Cette démarche, qui revêt un caractère obligatoire pour toutes les personnes physiques ou morales organisant des séjours linguistiques ou de loisirs à l’étranger à l’intention des mineurs, doit être impérativement effectuée par les organisateurs de séjours à l’étranger avec des mineurs pris en charge », indique la note. « Ils ne sauraient y déroger au motif que la législation sur le tourisme ne leur est pas applicable. »

C. Les conditions sanitaires d’un séjour à l’étranger

L’organisation d’un séjour à l’étranger « nécessite de prévenir les risques sanitaires potentiels en fonction du pays qui est visité et du projet pédagogique (camp itinérant ou pas, pratique d’activités sportives, chantier…) », souligne la DPJJ. Et, insiste-t-elle, cela vaut pour un séjour en Europe qui, au même titre qu’un séjour sur les autres continents, peut comporter des risques spécifiques qu’il convient d’explorer.

La note délivre en la matière un certain nombre de consignes. Elle exige ainsi que, en amont du séjour, les conditions sanitaires soient établies et les conditions physiques requises pour le séjour optimisées. Ce qui implique « une démarche systématique qui comportera » :

→ l’autorisation des détenteurs de l’autorité parentale après une information sur le lieu, la durée, les conditions de séjour, les activités pratiquées et les démarches à engager en amont du départ (sanitaires, administratives…) ;

→ une consultation médicale appropriée pour les mineurs et les professionnels ;

→ la constitution d’un dossier « administratif » par mineur comportant des informations utiles en cas d’urgence ou de démarches d’accès aux soins, de rapatriement sanitaire ;

→ le recueil d’informations précises sur les mesures d’hygiène à prendre dans le pays visité (alimentation, hygiène corporelle, conditions climatiques…) ;

→ la constitution d’une trousse à pharmacie.

Au retour, la DPJJ demande qu’une attention particulière soit portée à :

→ la poursuite du traitement préventif (commencé en amont ou au début du séjour) ou curatif et/ou de soins en cas de survenue d’un accident de santé lors du séjour ;

→ la surveillance sanitaire des mineurs et des professionnels afin de prévenir l’apparition d’une pathologie contractée lors du séjour.

La note indique plusieurs sites gouvernementaux à consulter pour obtenir des informations et des recommandations aux voyageurs en fonction des pays. Tels le ministère des Affaires sociales et de la Santé (www.sante.gouv.fr) ou bien encore le ministère des Affaires étrangères et du Développement international (www.diplomatie.gouv.fr), qui tient à jour la liste des pays (ou des régions) où les situations politiques mais aussi climatiques (tremblement de terre, inondations…) ou sanitaires (épidémies) pourraient, au maximum, contre-indiquer un voyage, à court ou moyen terme et, dans tous les cas, informe sur la réalité d’un risque.

Par ailleurs, l’Institut national de veille sanitaire (www.invs.sante.fr) édite, chaque année avant l’été, des bulletins épidémiologiques hebdomadaires spécifiques au calendrier vaccinal et aux recommandations sanitaires pour les voyageurs.

Enfin, les services des maladies infectieuses et tropicales des centres hospitaliers universitaires ou régionaux peuvent également être sollicités.

(A noter) Dans une fiche technique jointe en annexe de la note d’information, la DPJJ propose un repérage détaillé des points à explorer en phase préparatoire (pour le mineur mais aussi les professionnels qui vont l’accompagner), durant le séjour et au retour.

Ce qu’il faut retenir

Publics et structures concernés. Peuvent participer à un séjour à l’étranger les mineurs et/ou jeunes majeurs faisant l’objet d’une décision judiciaire fondée sur l’ordonnance du 2 février 1945 ou l’article 375 du code civil, ainsi que ceux hors mandat judiciaire connus dans le cadre de projets partenariaux. Tous les établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) peuvent organiser de tels séjours. En revanche, dans le secteur associatif, seuls ceux accueillant des mineurs confiés par l’autorité judiciaire sont habilités à la faire.

Valeur éducative. Le recours au séjour à l’étranger doit constituer une véritable « plus-value éducative » dans la prise en charge du mineur ou du jeune majeur concerné.

Autorisations. Au-delà de la procédure de validation du projet de séjour à l’étranger par les services de la PJJ, l’autorisation du juge des enfants ou d’instruction prescripteur de la mesure ainsi que celle des parents ou représentants légaux doivent être recueillies.

Conditions sanitaires. L’organisation d’un séjour à l’étranger nécessite de prévenir les risques sanitaires potentiels en fonction du pays visité et du projet pédagogique, ce qui impose notamment, avant le départ, une consultation médicale pour les jeunes et les professionnels et, au retour, a minima une surveillance sanitaire afin de prévenir l’apparition d’une pathologie contractée sur place.

Notes

(1) Le mineur pris en charge dans le cadre d’un séjour à l’étranger qui n’est pas de nationalité française doit faire l’objet d’une procédure d’information identique auprès de la représentation diplomatique de son pays d’origine dans le pays d’accueil.

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