« Au fond de ma cellule, jamais je n’aurais pensé être un jour le héros d’un livre » , confie Alain lors de la présentation aux médias de La lente évasion. Ecrit par la journaliste Camille Polloni, cet ouvrage raconte neuf mois de la vie de cet ex-détenu. En octobre 2013, Camille Polloni a fait la connaissance d’Alain dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) géré par l’Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale (Apcars). Alain entamait sa période de semi-liberté, c’est-à-dire qu’il bénéficiait d’un aménagement de peine accordé par le juge l’autorisant à passer une partie de la journée hors de prison pour travailler ou suivre une formation, dans le cadre d’un projet de réinsertion. A partir de ce moment-là, elle a pu assister chaque semaine aux entretiens qu’il avait avec son assistante sociale, Julie Buquet. La journaliste était là pour écouter et retranscrire « l’apprentissage progressif et heurté de la liberté » par le condamné. Elle a d’abord publié ses chroniques sur son blog de Rue89 (un billet par rendez-vous), avant de mettre ses articles bout à bout pour une parution dans Rue89 Week-end. Presque un an après, alors qu’Alain termine sa période de liberté conditionnelle, cette histoire connaît une deuxième vie sous la forme d’un livre édité par une toute jeune maison d’édition.
Alain n’a pas été « casté ». Il a pourtant le profil du détenu modèle – assidu à la fac, sérieux au travail, volontaire dans la vie et à l’allure soignée. Tombée par hasard sur lui, Camille Polloni a eu la chance qu’il accepte de se livrer à découvert – « car il n’a pas honte de son passé et ne cherche pas à se cacher ». La chance également que, durant cette période de semi-liberté, Alain ne « retombe » pas. A 37 ans, celui qui s’est fait arrêter pour trafic de stupéfiants a connu plusieurs passages en prison. Un lieu qu’il considère avec ambivalence, entre attraction et répulsion. C’est là qu’il a ses amis, sa « famille » , qu’il a pu reprendre des études et faire du théâtre. Mais il a cet appétit pour la « vie normale » … Même s’il trouve cette normalité « difficile ». Pour lui, être délinquant, c’était un quotidien, une évidence, simple. Son existence connaît pendant ces neuf mois de grands bouleversements, la semi-liberté étant un sas extrêmement dur à tenir, un pied dehors, un pied dedans… Camille Polloni décrit combien le chemin vers l’autonomie est tortueux et sans garantie d’arriver au terme espéré – un travail, un logement, des relations sociales. La lente évasion permet aussi de mieux envisager l’activité de Julie Buquet. Cette assistante sociale ne s’est jamais opposée à la présence d’une journaliste, reconnaissante qu’il « reste une trace de cette rencontre avec Alain ». « Ni un témoignage de professionnel ni un rapport social, le livre montre comment nous avons travaillé ensemble pas à pas » , résume-t-elle.
La lente évasion.
Alain, de la prison à la liberté
Camille Polloni – Ed. Premier parallèle – 4,99 € en version numérique (