Quels bénéfices des salles de consommation à moindre risque ? L’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies a réalisé une étude(1) dans les 86 « salles de shoot » disséminées en Europe (12 en Suisse – la première a ouvert en 1986 –, 31 au Pays-Bas, 24 en Allemagne, 12 en Espagne, 5 au Danemark, une en Norvège et une au Luxembourg). Réalisée pour répondre aux interrogations de nombreux pays européens sur le bien-fondé de telles structures, alors que devrait prochainement ouvrir, à Paris, au sein de l’hôpital Lariboisière (AP-HP), la première salle de consommation de l’Hexagone(2), l’étude permet de mieux cerner leur fonctionnement et leurs atouts.
Elle précise d’abord que la plupart sont des salles de consommation « intégrées » – c’est-à-dire qu’elles se situent au sein d’une structure d’accueil où les bénéficiaires peuvent également se laver, manger et s’entretenir avec des professionnels du sanitaire et du social. Mais il existe également quelques structures « spécialisées » – qui ne proposent que l’accès à la salle et une supervision médicale – et des salles « mobiles », à Barcelone et à Berlin. En moyenne, les salles de consommation comptent sept places et, dans tous les cas, elles ne sont accessibles qu’aux personnes majeures et résidant dans le pays. La majorité d’entre elles sont ouvertes aux personnes qui s’injectent des drogues, mais de plus en plus de structures s’ouvrent aux consommations par inhalation ou qui se fument. Ces salles sont destinées à des toxicomanes marginalisés qui se droguent dans des conditions d’hygiène précaires, souvent dans la rue. Elles accueillent néanmoins également des bénéficiaires plus stables, qui ne souhaitent pas consommer à leur domicile pour diverses raisons, par exemple pour préserver leur famille.
L’objectif de salles d’injection supervisée est de réduire la mortalité des consommateurs et les risques infectieux, de diminuer les troubles à l’ordre public et, à plus long terme, de soutenir les usagers en cas de sevrage. Selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, l’accès à ces salles permet bel et bien d’améliorer l’hygiène et la sécurité des consommations. L’interdiction du partage de seringues, par exemple, a pour objectif de réduire la transmission du VIH et de l’hépatite C. Dans de nombreuses villes, les décès par overdose ont baissé depuis l’ouverture des salles. Autre argument en faveur de ces établissements, selon l’étude : à Barcelone, alors qu’on dénombrait quelque 13 000 seringues abandonnées dans la nature en 2004, elles n’étaient plus que 3 000 en 2012.
Concernant la hausse de la criminalité qui pourrait être liée au trafic de drogue dans les environs des salles de consommation – crainte partagée par les détracteurs de ce type de structure –, elle n’a été constatée nulle part. Selon l’étude, ces salles ne « conduisent pas non plus à une augmentation de la consommation ». Le document remarque enfin que certains dispositifs ouverts dans les années 1990 ont déjà fermé, « en raison d’une baisse du nombre de consommateurs d’héroïne, d’un déclin des besoins, mais aussi de problèmes de coûts de fonctionnement ».
(1) « Drug consumption rooms : an overview of provision and evidence » (en anglais uniquement) – European monitoring centre for drugs and drug addiction – Disponible sur
(2) Le projet de loi « santé », qui en autorise l’expérimentation pendant six ans et qui a passé le cap de l’Assemblée nationale en avril dernier, doit être débattu au Sénat à l’automne – Voir le site