Leur nombre est passé de 35 en 2010 à plus d’une centaine à la fin 2014. Le développement des conseils locaux de santé mentale (CLSM) répond donc « à l’évidence à un besoin », souligne le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS), dans un état des lieux qui vient d’être publié(1) sur ces « espaces de codécision », dont « l’importance a été entérinée au début 2015 par [leur] inscription dans la loi de modernisation du système de santé en cours d’examen au Parlement ». Ces lieux de concertation entre les acteurs « de la cité » et ceux de la santé mentale, conçus pour promouvoir des actions d’accès à la citoyenneté, aux soins et aux droits, ont émergé, dans les pratiques locales, au fil de « la prise en compte croissante, au cours des années 2000, des questions liées à la santé mentale dans les politiques publiques », rappelle le CCOMS, à l’origine d’un programme d’appui au développement et au renforcement des CLSM(2). Parmi ces enjeux : la complexité des troubles psychiques, de leur prévention, des parcours de soins des personnes, de leur retentissement social et familial.
Souhaitant « avoir une meilleure visibilité des pratiques et des activités » de ces structures – qui se caractérisent par « une souplesse de fonctionnement » allant de pair avec « une importante hétérogénéité », le CCOMS a diffusé à 81 d’entre eux, opérationnels en novembre 2014, un questionnaire portant sur leur « identité » (genèse du projet, territoire couvert…), leur organisation, les thématiques traitées et les actions qui en découlent, les projets, les difficultés rencontrées, le point de vue des partenaires… La moitié des dispositifs ainsi sollicités ont participé à cette enquête en ligne, répartis dans toute la France, mais avec une surreprésentation de CLSM franciliens (34 % de l’échantillon). Les résultats de cette démarche reflètent donc « certaines tendances nationales » sans avoir « vocation à représenter l’ensemble des situations ».
Premier enseignement de cette « photographie » : ces dispositifs récents – plus de 80 % d’entre eux ont été mis en place après 2008 – interviennent en majorité à l’échelle de la commune (à 60 %) et plus rarement au niveau intercommunal (agglomérations, pays, secteurs de psychiatrie [32 %]), la couverture infracommunale (arrondissement) étant minoritaire (8 %). Les conseils locaux de santé mentale ayant répondu au questionnaire ont ainsi indiqué couvrir des territoires comptant de 25 000 à 850 000 habitants (plus de la moitié d’entre eux couvrent cependant moins de 90 000 habitants et un tiers moins de 50 000).
L’organisation de ces dispositifs – où deux instances de gouvernance se révèlent nécessaires, l’assemblée plénière (réunie dans 80 % des cas) et le comité de pilotage (présent dans 90 %) – est très variable d’un territoire à l’autre, et comprend le plus souvent l’intervention d’élus locaux et de chefs de pôles de la psychiatrie publique (70 %), ainsi que d’associations d’usagers et d’aidants (60 %). « La faible représentation voire l’absence des usagers restreint de facto le CLSM à un espace de professionnels et d’experts de la prise en charge », souligne à cet égard le CCOMS. Les autres institutions les plus représentées au sein du comité de pilotage sont le centre communal ou intercommunal d’action sociale (CCAS/CIAS), le conseil général, l’agence régionale de santé (ARS) et des structures médico-sociales. Et dans 83 % des cas, une personne – le plus souvent rattachée à un service municipal – est chargée de la coordination des actions du CLSM.
Les multiples questions soulevées dans le champ de la santé mentale se traduisent par « une grande variété de commissions de travail » : parmi les thématiques principalement abordées figure notamment le logement, « composante essentielle dans la vie de chacun », qui est traité dans 76 % des conseils locaux, dont une large part (80 %) a également « mis en place une cellule de coordination autour de situations individuelles complexes, connues le plus souvent de nombreux services dans la cité, mais dont l’action n’est pas coordonnée ». L’information en santé mentale fait aussi partie des priorités, à travers différents supports de communication (plaquettes, rencontres…), de même que la lutte contre la stigmatisation. Les soins sous contrainte ou la santé mentale des adolescents font l’objet d’une commission dans environ un tiers des dispositifs, tandis qu’un quart seulement se sont emparés de la question de la santé mentale des enfants. La réduction des inégalités socio-territoriales de santé mentale, la prévention précoce, les personnes âgées, le droit des usagers, l’insertion professionnelle ou la précarité font partie des sujets les moins abordés dans ce cadre.
Les référents des conseils locaux de santé mentale mettent en avant plusieurs difficultés empêchant leur démarche d’être réellement opérationnelle et pérenne : un manque de temps, d’interlocuteurs au sein de la psychiatrie, un soutien insuffisant de l’ARS, une « rivalité » avec l’action du secteur social, un manque de coopération des bailleurs sociaux… Ce qui n’empêche pas nombre d’entre eux de nourrir des projets pour l’avenir : la moitié indique vouloir se pencher sur une nouvelle thématique (par exemple, le soin en santé mentale, la place des acteurs libéraux dans ce champ, la mise en œuvre de dispositifs d’accueil et d’écoute psychologique, la veille dans les établissements scolaires…), d’autres travaillent à mettre en place de nouveaux partenariats (avec la pédopsychiatrie, la gendarmerie, l’Education nationale, le secteur médico-social…). Un conseil local sur cinq déclare aussi avoir un projet de création de structure (équipe mobile personnes âgées, permanence psychiatrique en direction des sans-abri…) et enfin 15 % font savoir qu’ils espèrent de nouveaux financements pour pouvoir assurer leur mission.
(1) « Les conseils locaux de santé mentale : état des lieux » – A télécharger sur
(2) Avec le soutien initialement, en 2007-2010, de la délégation interministérielle à la ville (DIV), puis de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé) et, depuis 2012, de la direction générale de la santé (DGS) et de l’ACSé.