Le Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement des personnes sans abri et mal logées a, le 9 juin, appelé le gouvernement à ne pas se tromper de cible en faisant des économies sur le dos des plus défavorisés. Michel Sapin ayant confirmé, en mai, son intention de faire des économies sur la politique du logement(1), les 34 organisations ont, en particulier, mis en garde contre une baisse des aides personnelles au logement (APL) dans le budget 2016, qui constituerait « une catastrophe sociale », selon Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre et porte-parole du collectif.
« Que l’Etat décide d’augmenter le budget de la Défense, il ne nous appartient pas de le juger, mais que cela se fasse par le biais d’économies sur la santé et le logement, c’est inacceptable », a-t-il martelé dans le « Busabri » des Enfants du canal, stationné devant le ministère des Finances. Certes, le rapport du groupe de travail de l’Assemblée nationale chargé de plancher sur cette réforme – présidé par le député-maire (PS) de Sarcelles, François Pupponi – a calmé le jeu en présentant, à la fin mai, des propositions plutôt rassurantes pour les associations(2). Mais la vigilance reste de mise, alors que le nombre de personnes sans domicile fixe a doublé depuis dix ans et que les expulsions locatives se multiplient, y compris de ménages reconnus prioritaires au titre du droit au logement opposable (voir ce numéro, page 13).
Christophe Robert a rappelé le « rôle déterminant » des aides personnelles au logement, « centrées sur les plus pauvres », dans la « lutte contre les inégalités ». Quelque 6,5 millions de ménages, dont 80 % ont des revenus inférieurs au SMIC, soit environ 13 millions de personnes, bénéficient des APL, pour un montant d’environ 18 milliards d’euros par an. Or ce dispositif est accusé par ses détracteurs de favoriser l’inflation des loyers. Un argument balayé par le porte-parole du collectif, les loyers ayant augmenté deux fois plus vite que les APL. Il faut inverser la logique, a-t-il plaidé, en demandant « une réforme structurelle », qui passe notamment par l’encadrement des loyers, en voie d’être expérimenté à Paris(3), car « la baisse des loyers entraînera la baisse des APL », mais aussi par l’augmentation des moyens permettant de construire 150 000 logements sociaux par an, « urgence vitale pour notre pays ».
Plus généralement, « les plus fragiles ne doivent pas constituer la variable d’ajustement des décisions économiques du gouvernement », réaffirme le Collectif des associations unies, qui s’alarme d’un regain de stigmatisation des pauvres et des chômeurs dans le discours public. « Le sentiment général, c’est que, quand on aide le secteur économique, on parle de relance, alors que quand on aide les personnes défavorisées, on parle d’assistanat ». « Il y a deux poids, deux mesures », a d’ailleurs renchéri Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), également porte-parole du collectif, en réclamant « un effort de transparence ». Car si la fraude sociale représente un milliard d’euros, la fraude fiscale atteint, elle, les 50 milliards d’euros et le non-recours aux prestations sociales est estimé à six millliards d’euros, soit autant d’économies pour l’Etat au détriment des plus vulnérables. « Tous les signaux sont au rouge sur le front de la pauvreté, y compris pour les enfants », a-t-il souligné, comme s’en inquiètent par ailleurs le défenseur des droits ou l’Unicef (voir ce numéro, pages 15 et 19).