Très attendu, le texte aura mis plus de un an à arriver dans l’hémicycle : l’Assemblée nationale a adopté le 9 juin, en première lecture, la proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, déposée par le député (PS) de Loire-Atlantique Dominique Raimbourg et plusieurs de ses collègues en décembre 2013. Mesure emblématique : la suppression du livret de circulation, imposé encore aujourd’hui aux gens du voyage. Mais ce n’est pas la seule évolution proposée s’agissant du statut administratif de cette population, avec notamment la fin du régime spécifique de domiciliation qui lui est appliquée ou bien encore des dispositions relatives à la scolarisation des enfants du voyage et au droit de leurs parents aux prestations familiales. La proposition de loi doit maintenant être débattue au Sénat.
Le texte propose l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969 « relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe » qui impose aux gens du voyage un statut administratif d’exception en matière de titres de circulation et d’obligation de rattachement à une commune. Jusqu’en 2012, elle prévoyait que toutes les personnes âgées de plus de 16 ans ayant une résidence mobile devaient être en possession soit d’un livret de circulation, soit d’un carnet de circulation si elles n’avaient pas de ressources régulières. En 2012, le Conseil constitutionnel a abrogé le carnet de circulation(1) – particulièrement contraignant puisque, non seulement il devait être visé par les forces de l’ordre de manière trimestrielle mais, en plus, la circulation sans carnet était punie d’une peine de prison allant de trois mois à un an. Les sages n’ont toutefois pas touché au livret de circulation, lequel doit, pour sa part, être visé chaque année et dont l’absence est passible d’une contravention de 5e classe (1 500 €). Un traitement jugé discriminatoire par les députés et qui touche également les droits civiques puisque la délivrance d’un titre de circulation est conditionnée au rattachement à une commune. Depuis 2012, les gens du voyage y ont le droit de vote après six mois de rattachement ininterrompu et non plus trois ans, grâce au Conseil constitutionnel… qui n’a toutefois pas invalidé une règle : celle qui veut que le nombre de personnes détentrices d’un titre de circulation (sans domicile ni résidence fixe) rattachées à une commune ne puisse dépasser 3 % de la population municipale.
Ainsi, si la loi de 1969 devait être abrogée, l’obligation de détenir un livret de circulation disparaîtrait – ce que de nombreuses voix ne cessent de réclamer, du défenseur des droits jusqu’aux Nations unies(2). Tout comme l’obligation d’être inscrit dans une commune de rattachement pour pouvoir voter, et le seuil de 3 % de la population au-delà duquel le maire peut refuser leur inscription. La proposition de loi modifie d’ailleurs le code électoral en conséquence, en prévoyant que les personnes « sans domicile stable » sont « à leur demande, inscrites sur la liste électorale de la commune où est situé l’organisme au sein duquel elles ont élu domicile »(3) – un centre communal d’action sociale (CCAS) ou intercommunal ou un organisme agréé.
A noter : le texte prévoit une période transitoire de deux ans au cours de laquelle le CCAS de l’ex-commune de rattachement est de droit l’organisme de domiciliation en attendant un autre choix de l’intéressé. En outre, pendant également deux ans, les titulaires d’un livret de circulation pourraient encore s’en prévaloir comme justificatif pour déclarer leurs activités commerciales auprès des chambres de métiers ou des chambres de commerce.
Il est proposé de modifier l’article L. 131-5 du code de l’éducation pour affirmer que le statut ou le mode d’habitat des familles installées sur le territoire de la commune ne saurait être une cause de refus d’inscription d’un enfant soumis à l’obligation scolaire. Autrement dit, le maire ne pourrait plus se prévaloir du fait que des gens du voyage soient installés sur un terrain communal illégalement pour refuser l’inscription de leurs enfants. Le texte propose par ailleurs l’abrogation de l’article L. 552-5 du code de la sécurité sociale, qui stipule que le droit aux prestations familiales des gens du voyage est subordonné à la justification par eux de l’assiduité des enfants soumis à l’obligation scolaire.
Autre innovation à signaler : la résidence mobile comme mode d’habitat devrait être « prise en compte par les politiques et les dispositifs d’urbanisme, d’habitat et de logement adoptés par l’Etat et par les collectivités territoriales ».
La proposition de loi prévoit aussi, pour lutter contre les occupations illicites de terrain par des gens du voyage lorsque des aires d’accueil existent, que la mise en demeure d’un préfet contre une occupation illicite continuera de s’appliquer si les intéressés procèdent à un nouveau stationnement illicite dans un délai de sept jours. Elle réduit aussi à 48 heures – contre 72 heures actuellement – le délai laissé au tribunal administratif pour statuer sur un recours déposé contre une mise en demeure.
(3) Les gens du voyage relèveraient ainsi, désormais, du régime du « droit à la domiciliation » mis en place au profit des « personnes sans domicile stable » (modifié en dernier lieu par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové) – Voir ASH n° 2861 du 23-05-14, p. 41.