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Expérimentations tarifaires des services d’aide à domicile : le bilan de l’IGAS

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Pour l’inspection, il faut conclure les expérimentations et passer à l’étape suivante. C’est le modèle de tarification de l’ADF – le forfait global négocié – qui a été le plus adopté. Si de bonnes pratiques ressortent, des difficultés persistent en matière de ressources humaines ou de pilotage des dépenses.

En raison des difficultés financières des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), les pouvoirs publics ont décidé d’expérimenter à compter de 2011 de nouvelles règles de tarification selon des modalités précisées par un arrêté du 10 août 2012, modifié par celui du 6 janvier 2014(1). D’une durée de trois ans, ces expérimentations devaient être évaluées par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) dont le rapport est désormais finalisé(2). Ce document présente les avantages et les risques des choix effectués par les différentes parties prenantes à l’expérimentation et doit nourrir le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, actuellement en discussion au Parlement(3).

Rappelons que deux modalités de tarification peuvent être mises en œuvre. La première – élaborée par l’Assemblée des départements de France (ADF) – consiste en un forfait global négocié se substituant à la tarification horaire (annexe 2 de l’arrêté de 2012) et qui peut être composé de trois modalités de financement faisant toutes l’objet d’une contractualisation entre les financeurs et le SAAD. Les missions d’intérêt général ou de prévention sont, quant à elles, financées sous la forme de compensations financières spécifiques. La deuxième modalité de tarification – inspirée du rapport « Poletti » de janvier 2012(4) – repose sur le maintien de la tarification horaire à la fois pour l’allocation des dotations aux services, le calibrage des plans d’aide des usagers et le calcul de leur participation (annexe 3 de l’arrêté de 2012). Cette tarification horaire est assortie d’une dotation de valorisation de missions d’intérêt général spécifiques, le cas échéant. Deux options au choix du conseil départemental :

→ un tarif relatif à un ou à des paniers de prestations socle, complété, le cas échéant, de dotations de compensation liées à des contraintes particulières ou à des missions d’intérêt général constituant des charges particulières pour le service ;

→ une tarification à l’activité reposant sur deux tarifs de référence : un tarif « aides à la personne » et un tarif « aides à l’environnement », accompagnés ou non de dotations spécifiques.

Une préférence pour le forfait global négocié…

Ce sont ainsi 14 départements qui ont commencé cette expérimentation entre 2011 et 2014, pendant au moins six mois, et trois autres qui pourraient en débuter une cette année. « Dans les deux cas, les départements et les SAAD ont besoin, pour expérimenter ou passer à l’étape suivante, de s’appuyer sur des outils pérennes et performants », estime l’IGAS. Aussi considère-t-elle qu’« il n’y a pas lieu de prolonger cette expérimentation, ce qui ne veut pas dire renoncer aux nouveaux outils qui ont été déployés et testés ces dernières années ». Elle recommande donc de compléter les articles L. 232-3, R. 232-11, R. 314-130 et R. 314-135 du code de l’action sociale et des familles afin d’inscrire dans le droit commun les outils expérimentés.

En pratique, les expérimentations sont « le plus souvent départementales, parfois infradépartementales, souligne l’IGAS : dans 11 départements, le conseil départemental a signé un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) (ou une convention semblable) avec tous (ou presque tous) les SAAD autorisés ; dans trois départements, un tel accord n’a été formalisé qu’avec un ou deux SAAD ». En matière d’option de tarification, 13 départements ont retenu le forfait global négocié (annexe 2) et un seul a opté pour la tarification à l’activité (annexe 3).

S’agissant des outils de contextualisation visant à affiner la dotation globale des services, les annexes de l’arrêté de 2012 permettent d’utiliser un nouvel outil « en réflexion », dit « entourage moyen pondéré » (EMP), qui vise à prendre en compte la part d’aide et d’accompagnement assurée par des proches de la personne âgée. En pratique, « paramétrer cette réalité sociale se heurte à des difficultés de principe et d’ordre technique », relève l’IGAS, ajoutant que, « de toute façon », la prise en compte de l’EMP soulève certaines réserves. En effet, explique-t-elle, « des biais pourraient être introduits par des proches lors de l’évaluation ; la fixation d’un « coefficient entourage » pourrait provoquer des tensions chez les proches ; dès à présent, de façon empirique et informelle, l’aide de l’entourage est prise en compte par les équipes médico-sociales pour évaluer si le maintien à domicile est possible ».

Par ailleurs, pour l’inspection, les SAAD se heurtent toujours à la problématique de la gestion de leurs ressources humaines, dont les compétences et la motivation sont « fondamentales pour la qualité de service » rendu. En effet, souligne-t-elle, « si les expérimentations se veulent ambitieuses sur l’amélioration de la qualité de l’emploi, la mise en œuvre des objectifs s’avère souvent complexe et difficilement compatible avec les contraintes opérationnelles et pratiques des SAAD. Les moyens de l’expérimentation restent très limités sur cette question et ne permettent pas de résoudre ces problèmes de recrutement et de gestion de personnel ».

… et pour la fixation d’un tarif unique pour l’usager

Sur les 14 départements expérimentateurs, dix ont mis en place un tarif unique pour l’usager. Le financement des SAAD est alors compensé soit par des dotations complémentaires allouées par le conseil départemental, soit dans le cadre d’une revalorisation des heures effectuées en fonction des paramètres d’intervention, note l’IGAS, reconnaissant que « les SAAD concernés peuvent ainsi faire valoir des interventions de qualité sans que le déterminant du prix ne dissuade l’usager d’y recourir ». Toutefois, prévient-elle, « cette approche n’est pas exempte de risques »: en effet, « le conseil départemental peut se trouver confronté à des dérives inflationnistes puisque les coûts des SAAD peuvent dériver sans que les prix servent d’alerte ».

Dans ce cadre, le reste à charge supporté par la personne âgée est, lui, payé sous forme d’un abonnement ou d’un forfait mensuel, fonction d’un nombre d’heures mensuel prédéterminé, mais modulable. La mise en œuvre de cet abonnement a « en général » été précédée d’une révision des plans d’aide et s’est « accompagnée d’une meilleure calibration des nouveaux plans d’aide qui servent de base au calcul du forfait », indique le rapport. Ainsi, souligne-t-il, « avec des plans d’aide revus et mieux consommés, le département dispose d’un outil plus précis et fiable de prévision budgétaire ». Seul point noir pour l’IGAS : « la gestion du forfait et le suivi des heures à reporter [qui répondent à des règles plus ou moins complexes selon les départements] peuvent être sources de difficultés et de coûts de gestion ». « Là encore, les fonctionnalités des systèmes de télégestion sont un élément clé pour réduire les coûts de gestion associés à ces nouvelles exigences. » L’inspection note enfin qu’aucun département n’a, pour le moment, fixé de seuil de non-consommation du forfait qui commanderait un remboursement ou un mécanisme de révision automatique du plan d’aide. Ce qui, à ses yeux, constituerait pourtant « une sécurité supplémentaire pour l’usager ». Aussi suggère-t-elle de « déterminer un socle de règles nationales pour la gestion du forfait afin de garantir les droits des usagers sur l’ensemble du territoire national ».

S’agissant des modalités d’intervention de l’équipe médico-sociale pour la définition du plan d’aide, l’IGAS rapporte que le « plan individualisé d’intervention » prévu par l’annexe 2 de l’arrêté de 2012 est « lourd et peu pragmatique aux yeux de la plupart des responsables. Les procédures mises au point dans chaque département entre personne âgée, professionnels du conseil général et des SAAD, sont plus simples. Elles insistent sur la coordination entre “responsable de secteur” du SAAD et équipe médico-sociale. » En outre, souligne l’inspection, « à la flexibilité ouverte par les principes de l’expérimentation, s’ajoutent le plus souvent des « circuits d’urgence » entre responsable de secteur du SAAD et un correspondant au sein de l’équipe médico-sociale ».

Des limites dans le pilotage des dépenses

L’arrêté de 2012 prévoyait que le forfait global négocié puisse faire l’objet de versements mensuels pour 90 % de son montant annuel. Et que les 10 % restants, gelés en début d’exercice budgétaire, soient libérés en totalité ou en partie dès l’issue du dialogue de gestion en fonction de la réalisation des objectifs quantitatifs et qualitatifs fixés par le CPOM. Au final, huit départements ont décidé de verser a priori 90 % de la dotation, deux 95 % et un 100 %. Pour l’IGAS, « la rédaction de ces clauses de fonctionnement de la dotation s’avère une condition essentielle pour la maîtrise des coûts de l’expérimentation ». Cette dernière a d’ailleurs montré que l’importance de l’écart (+/– 10 % ou +/– 5 %) – mécanisme d’ajustement en cas d’écarts entre activité réelle et activité prévue qui permet de sécuriser les ressources des services – « ne peut résulter d’un choix a priori mais doit être affiné au fil des exercices, en tenant compte des contextes d’activité ». Là encore, les départements ont adopté des positions différentes négociées avec les SAAD dans le dialogue de gestion de fin d’année et dans la convention financière de l’année n + 1. Par ailleurs, le rapport souligne que tous les départements ont prévu dans leur CPOM le versement par douzième de 90 %, 95 % ou 100 % de la dotation annuelle définie en début d’exercice (annexe 2), et celui qui a été opté pour l’annexe 3 a choisi le versement d’acompte. Ce qui, selon l’inspection, permet d’assurer « une meilleure trésorerie puisque les services disposent des ressources au moment où elles engagent leurs frais (essentiellement liés aux salaires) ».

En revanche, l’IGAS a noté quelques limites en ce qui concerne le pilotage des dépenses. Elle regrette notamment que « l’équilibre général du CPOM [puisse] se trouver modifié par la décision unilatérale d’une des parties signataires ». En effet, rappelle-t-elle, la signature du CPOM ne porte que sur les activités financées par le département et n’engage pas les parties au-delà. Or « des décisions d’un conseil d’administration d’un SAAD peuvent avoir de lourdes conséquences. Ainsi en est-il de la reprise par un SAAD sous CPOM d’un SAAD d’un autre département, très déficitaire depuis plusieurs années. » Pour l’IGAS, « la conclusion d’un CPOM et la logique de l’expérimentation demandent que chacun des partenaires se tienne à juste distance pour que les relations de confiance soient maintenues tout au long de la convention ».

Notes

(1) Voir respectivement ASH n° 2776 du 28-09-12, p. 42 et n° 2844 du 24-01-14, p. 38.

(2) Evaluation des expérimentations relatives à la tarification des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) – IGAS – Avril 2015 – Disponible sur www.igas.fr.

(3) Ce texte devrait revenir, en seconde lecture, à l’Assemblée nationale à la fin juin, puis au Sénat en septembre.

(4) Voir ASH n° 2741-2742 du 13-01-12, p. 6.

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