Plusieurs années après avoir terminé son service civil volontaire, Jessica Pigourier repense encore à cette « meilleure année de sa vie ». A Jean et René, sans-abri rencontrés dans un centre d’hébergement d’urgence de Lyon-Perrache – « un vieux machin perdu entre deux fleuves, dans un quartier vide de tout ». A Mme Boileau, 90 ans, sourde, bavarde et très douée pour recopier des caricatures de Charlie Hebdo, résidente des Petits Hiboux, un foyer de vie pour personnes âgées atteintes de troubles psychiques. A Magali, Rabah, Aminatta et Francine, salariées d’un chantier d’insertion, debout chaque matin à l’aube, quel que soit le temps, pour « aller faire pousser leurs légumes », seul moyen pour elles de « s’intégrer dans une société qui les rejette ». Lasse d’enchaîner les années d’études, sans idées précises pour son avenir, Jessica Pigourier a effectué son service civil volontaire en 2008-2009 avec l’association Unis-Cité. Le principe : permettre à des jeunes entre 16 et 25 ans de s’engager durant six à neuf mois dans des missions d’intérêt général, tout en bénéficiant de formations et d’un accompagnement sur leur projet d’avenir. A l’époque, la jeune femme avait chroniqué son expérience sur un blog. Le blog est devenu un livre, Jeunes et bons, témoignage au jour le jour d’une année bouleversante : « Ce qui nous semblait pénible au premier abord […] nous a finalement appris à dépasser la frustration, à être patient, à rire de ses préjugés, à être à l’aise avec des gens qu’on n’avait pas l’habitude de côtoyer », résume Jessica Pigourier, désormais chargée de projets dans une association départementale des parents et amis de personnes handicapées mentales (Adapei) du sud de la France. Parfaitement calibré pour de jeunes lecteurs qui s’identifieront sans doute aux personnages, le livre s’achève sur un épilogue en demi-teinte, assombri par la transformation du service civil en service civique : un dispositif plus « exigeant », au risque de voir les volontaires transformés en « salariés au rabais », comblant des postes non pourvus dans les associations et contribuant à repousser l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, estime la jeune femme.
Jeunes et bons
Jessica Pigourier – Ed. ABCD’r – 20 €