Depuis une trentaine d’années, le territoire est devenu un axe central de l’action publique en matière sociale. Une pléiade d’auteurs réunis dans cet ouvrage par les sociologues Maryse Bresson, Fabrice Colomb et Jean-François Gaspar s’emploient à éclairer le processus et les implications de cette territorialisation. Prenant l’exemple des politiques gérontologiques, Dominique Argoud, sociologue, montre l’ambiguïté de leur inscription dans de multiples dispositifs territorialisés. Ces derniers, en effet, sont souvent le fruit de politiques nationales localisées et non de politiques d’initiative locale. Le chercheur entrevoit néanmoins une évolution à cet égard, avec la multiplication des lieux où se réfléchissent localement, avec des habitants vieillissants, d’autres manières d’appréhender l’avancée en âge. A contrario, les travailleurs sociaux auxquels il est demandé de revisiter leurs pratiques dans un sens plus collectif et ancré sur des réalités territoriales restent néanmoins toujours axés sur le relationnel, regrette Yvette Molina, formatrice dans ce secteur. Il n’empêche : pour entrer en relation avec les publics, les intervenants doivent s’adapter au terrain. C’est ce que montre bien Michaël Bailleul à partir d’une enquête dans un quartier stigmatisé de Lille (Nord). Mettant en évidence les phénomènes d’attachement fort des jeunes garçons à de microterritoires, le sociologue pointe le paradoxe auquel sont confrontés les professionnels : approcher les jeunes « par l’intra et l’hyperterritorialité » pour les amener à « devenir des “acteurs extraterritoriaux” à part entière ».
Les territoires vécus de l’intervention sociale
Sous la direction de Maryse Bresson, Fabrice Colomb et Jean-François Gaspar – Ed. Presses universitaires du Septentrion – 26 €