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L’outil numérique : un levier d’insertion qui ne va pas de soi pour les jeunes, montre une étude

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Emmaüs Connect montre que l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans un parcours d’insertion n’est pas forcément optimale pour la « génération Internet ». L’association plaide pour davantage de formation et d’accompagnement.

Comment les jeunes inscrits dans un parcours d’insertion se saisissent-ils de l’outil numérique ? Une étude réalisée par Emmaüs Connect(1), dans le cadre d’un projet de portail Web dédié à l’insertion professionnelle des jeunes(2) – et rendue publique le 3 juin –, s’est penchée sur la question. Son premier intérêt est de battre en brèche les idées reçues. S’il est en effet connu que, face à des services de plus en plus dématérialisés, l’exclusion numérique est un facteur supplémentaire de précarité, les moins de 25 ans ne sont pas forcément mieux lotis que leurs aînés. D’une part, parce que leurs habitudes sont loin d’être homogènes et, d’autre part, parce que les connaissances acquises par la « génération Internet » dans le domaine récréatif ne sont pas toujours transférées dans le domaine professionnel. Pour y voir plus clair sur la façon dont les technologies de l’information et de la communication pourraient être un levier d’insertion, « il s’est agi d’interroger le rapport des jeunes en insertion professionnelle au numérique, leurs usages et leurs attentes en s’appuyant sur une démarche ethnographique », explique dans le document Yves-Marie Davenel, anthropologue et chargé d’études au sein d’Emmaüs Connect. Les travaux, menés entre juillet et septembre 2014 avec les missions locales de Lille et de Grenoble, ainsi que celles de Pévèle Mélantois Carembault et d’Alpes Sud Isère, avec le soutien de l’Union nationale des missions locales et du ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, ont consisté en des entretiens avec 23 conseillers et 32 jeunes de 16 à 28 ans fréquentant les structures, des observations in situ, un questionnaire (275 réponses ont pu être exploitées), des tests d’outils, ainsi que, pour avoir un éclairage particulier sur ce public, des entretiens avec des professionnels accompagnant des jeunes sous main de justice.

Des codes mal maîtrisés

Les résultats montrent que, globalement, les jeunes suivis en mission locale sont moins bien équipés que les autres jeunes du même âge. Ainsi, 82,5 % des personnes interrogées par questionnaire disposent d’un ordinateur chez elles, contre 99 % des 12-17 ans et 94 % des 18-24 ans dans la population générale. De même, leur taux d’équipement en smartphone (59 %) est de 15 points inférieurs à celui de l’ensemble des jeunes de 18 à 24 ans. Si la plupart des personnes interrogées ont la possibilité de se connecter à Internet (à domicile ou à l’extérieur), cet accès n’est pas forcément continu, en raison de son coût.

Par ailleurs, un accès aux technologies de l’information et de la communication ne signifie pas un plein usage : seuls 50 % des jeunes en moyenne possèdent une adresse mail au moment de leur inscription en mission locale. Cependant, précise l’étude, « si l’on affine les outils de communication utilisés selon le niveau de diplôme, on constate que l’e-mail arrive en tête des moyens de communication pour les personnes les plus diplômées, devant le SMS et le téléphone ». L’étude relève également un décalage entre le niveau de maîtrise de l’informatique déclaré par les jeunes et leurs pratiques réelles. Si certains « reconnaissent leurs difficultés, nombre d’entre eux n’évaluent pas forcément correctement les compétences numériques liées à la recherche d’emploi et n’appréhendent pas correctement leurs limites et l’étendue de leurs difficultés, n’ayant pas une vision fine des enjeux ».

Le recours aux réseaux sociaux est également trompeur. Si 86,5 % des jeunes interrogés par questionnaire possèdent un compte Facebook, seuls 24 % ont déclaré l’utiliser pour des motifs « personnels et professionnels », sans précision sur la nature de ces usages (mise en réseau, prise de contact…). En outre, « posséder un compte Facebook n’implique pas forcément un usage fréquent, plusieurs jeunes interrogés ayant un regard critique sur ce réseau social », notamment en raison de ses risques, comme la perte de confidentialité ou une utilisation possible par un futur employeur. Là encore, « il semble qu’il y ait une corrélation entre le niveau de diplôme et/ou l’âge » et cette appréciation critique du réseau social. De façon plus générale, les réseaux sociaux professionnels (LinkedIn, Viadeo) sont peu connus des publics des missions locales : seuls 6 % des jeunes interrogés par questionnaire connaissent Viadeo et 14 % LinkedIn. Certes, ces outils s’adressent surtout aux diplômés du supérieur. Pour autant, « même parmi les jeunes diplômés, l’intérêt [des] réseaux sociaux professionnels n’est pas forcément compris ».

Vision stéréotypée

Internet est la plupart du temps utilisé, mais pas de manière optimale, ce recours limité renvoyant à la nécessité pour les jeunes d’être accompagnés dans l’usage des nouvelles technologies, mais aussi à leurs compétences de base et cognitives, insuffisamment prises en compte : « Des jeunes se trouvent ainsi parfois bloqués car ils ne rédigent pas correctement les termes d’une requête ou ne sont pas capables de déterminer les mots-clés pour effectuer une recherche. » De la même façon, des outils proposés par les conseillers « peuvent être totalement contre-productifs s’ils ne sont pas compris correctement ». Pour leur part, les jeunes expriment le besoin d’avoir une meilleure information sur les offres et la recherche d’emploi, mais attendent aussi une simplification des sites administratifs. Ce qui soulève aussi, même si l’étude ne s’étend pas sur ce point, la question de l’accessibilité et de la lisibilité de certains outils…

L’enquête d’Emmaüs Connect confirme donc qu’« être un jeune adulte à l’ère d’Internet et du smartphone ne signifie en rien être en mesure d’utiliser à bon escient ces outils dans un parcours d’insertion professionnelle ». Or, insiste l’auteur, la « vision stéréotypée de la jeune génération grève la nécessité de prendre en compte l’importance des compétences bureautiques et numériques réelles des jeunes et de les évaluer à l’aune de leur insertion ». Savoir en maîtriser les codes et les enjeux implique, plaide l’étude, que les pouvoirs publics, les missions locales et les acteurs de l’insertion sociale et professionnelle équipent les territoires en lieux de formation à l’outil numérique et que les institutions se dotent « de dispositifs de mesure des compétences numériques et non numériques requises pour la recherche d’emploi ». Sans oublier l’accompagnement humain qui, lui, restera toujours nécessaire.

Notes

(1) « Les pratiques numériques des jeunes en insertion professionnelle – Etude de cas : les usagers des missions locales face aux technologies de l’information et de la communication » – Les études Connexions solidaires – Mai 2015 – connexions-solidaires.fr.

(2) Il sera déployé en octobre prochain dans les missions locales de Lille et de Grenoble – Voir ASH n° 2911 du 22-05-15, p. 20.

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